« Juridictions à la limite de la faillite », restructurations de services, réforme de la carte judiciaire, moyens en berne, réduction du budget de l’aide juridictionnelle… Après une première mobilisation, en mars dernier, une vingtaine d’organisations – syndicats et associations de professionnels rassemblant des fonctionnaires, des éducateurs, des avocats et des magistrats (1) – reprennent l’offensive pour dénoncer « la dégradation constante du service public de la justice ». Dans leur collimateur : la révision générale des politiques publiques (RGPP) et l’impact des choix budgétaires sur les missions et les conditions de travail.
Les organisations de magistrats et d’avocats ont d’ores et déjà retenu plusieurs mots d’ordre pour le 20 septembre. Leur objectif : prouver que le respect des procédures, aujourd’hui intenable en raison du manque de moyens, aboutirait au blocage du fonctionnement de la justice. « Nous n’accepterons pas de plaider devant un juge sans la présence d’un greffier pour authentifier les débats », conformément aux dispositions du code de procédure civile et du code de procédure pénale, annonce Maxime Cessieux, secrétaire général du Syndicat des avocats de France. Les audiences devant le juge aux affaires familiales, des tutelles ou des enfants sont notamment concernées. Le 20 septembre, les organisations ont aussi décidé d’appliquer à la lettre la circulaire « Lebranchu » du 6 juin 2001, qui prévoit que les juges ne peuvent siéger plus de six heures de suite, afin de garantir la même qualité d’écoute à tous. Autre action décidée dans les tribunaux : « renvoyer les affaires qui le méritent en collégialité » plutôt que devant un juge unique.
D’autres mobilisations sont prévues en octobre pour dénoncer les conditions de détention et les conditions de travail des personnels pénitentiaires. Comme l’a récemment pointé la Cour des comptes (2), malgré les efforts de recrutement de conseillers d’insertion et de probation, le ratio moyen était de 84 personnes suivies par agent en 2009, contre 80 en 2006. « A la maison d’arrêt de Nanterre, les services pénitentiaires d’insertion et de probation rencontrent seulement les condamnés, ils ne sont pas en mesure d’exercer leur mission auprès des prévenus », témoigne Maxime Cessieux. « Nous avons démandé, en vain, de mettre en regard nos effectifs et l’augmentation de nos missions, notamment dans le cadre de la loi pénitentiaire », s’exaspère Sophie Desbruyères, secrétaire générale du Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire (Snepap)-FSU.
Les syndicats de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) réfléchissent aussi à des moyens d’action d’ici à la fin de l’année. « La PJJ souffre particulièrement de la RGPP qui s’applique avec brutalité », souligne Maria Inès, co-secrétaire nationale du Syndicat national des personnels de l’éducation et du social (SNPES)-PJJ-FSU, qui fait état de « 300 postes supprimés en 2009 ». Les syndicats s’inquiètent également du recentrage de la PJJ sur les mesures pénales et déplorent « la disparition d’une offre diversifiée d’hébergement », adaptée aux besoins éducatifs. Au mois de juillet dernier, la défenseure des enfants avait fait état de cet « appauvrissement » (3) et souligné les contradictions entre les explications de l’administration – restructuration du dispositif et fermeture des foyers insuffisamment remplis – et les difficultées des professionnels. « Il faut parfois faire 50 établissements pour trouver une place pour un jeune ! », illustre Régis Lemierre, secrétaire pour la région Ile-de-France à l’UNSA-Syndicat de la PJJ, tandis que les témoignages affluent sur les retards de prise en charge.
(1) Dont le Syndicat de la magistrature, l’Union syndicale des magistrats, le Syndicat des avocats de France, le Snepap-FSU, la CGT pénitentiaire, la CGT-PJJ, l’UNSA-SPJJ, le SNPES-PJJ-FSU.