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Déficit de la sécurité sociale : la Cour des comptes fait des propositions d’économies et de bonne gestion

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Selon la commission des comptes de la sécurité sociale, le déficit du régime général de la sécurité sociale est passé d’environ 10 milliards d’euros en 2008 à un peu plus de 20 milliards en 2009, pour vraisemblablement atteindre 27 milliards en 2010 (1). Une tendance qui sera difficile à inverser dans un contexte économique dégradé, estime la Cour des comptes dans un rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale qu’elle a rendu public le 8 septembre (2). A défaut de « mesures très fortes pour modérer l’évolution des dépenses », l’ambition gouvernementale de revenir à l’équilibre d’ici à 2011 pour les branches maladie, famille et accidents du travail-maladies professionnelles, et d’ici à 2018 pour la branche retraite, semble compromise, estime la cour qui suggère donc des pistes pour un retour progressif à l’équilibre des comptes. Elle passe par ailleurs en revue l’efficacité du dispositif d’invalidité, qu’elle appelle à réformer.

Trouver des gisements d’économies

La Cour des comptes a identifié plusieurs sources d’économies possibles. La première : fixer un objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) plus réaliste pour mieux contenir les dépenses de santé. Jusqu’à présent, constate-t-elle, cet objectif a été « régulièrement dépassé » du fait des dépenses de soins de ville et insuffisamment formalisé. Ses modalités de pilotage infra-annuel sont faibles, ajoute-t-elle, pointant ainsi du doigt l’inefficacité de la procédure mise en place par le comité d’alerte (à partir d’un dépassement de 0,75 % des dépenses). En effet, explique la Haute Juridiction, celui-ci émet chaque année en avril un premier avis sur l’évolution des dépenses de la sécurité sociale. En cas de risque de dépassement, son avis sur les mesures d’économies proposées ne peut intervenir avant le début du mois de juin, des mesures qui, quant à elles, ne peuvent être effectives que pour les derniers mois de l’année, une fois les textes nécessaires adoptés. Or, selon la cour, pour être efficaces, « les mesures doivent avoir un rendement en année pleine au moins deux fois plus élevé que ce qu’il aurait été si elles avaient été appliquées toute l’année ». « La conception d’un plan d’économies dans un délai restreint pour un tel montant est donc illusoire. »

Pour les sages de la rue Cambon, il convient aussi de rechercher de nouvelles recettes, notamment au sein des niches sociales, qui – au nombre de 178 en 2010 – constituent « des pertes de recettes importantes » même si le gouvernement en compense une grande partie. En 2007, elles représentaient 67 milliards d’euros (contre 36 milliards en 2005), soit 22,5 % des recettes de la sécurité sociale. Déjà, à cette époque, la Cour des comptes préconisait de diminuer le nombre des niches sociales « dont la pertinence paraissait discutable ». Malgré certains efforts du gouvernement, les « résultats sont restés modestes, en raison à la fois d’un nombre trop limité des niches concernées et de la création concomitante de nouveaux dispositifs ». Un « effort plus soutenu [est] désormais indispensable », estiment les magistrats financiers, qui suggèrent un certain nombre de pistes, susceptibles de rapporter 15 milliards d’euros. Ils proposent par exemple de faire passer de 6,6 % à 7,5 % le taux de la contribution sociale généralisée applicable aux retraites de base et complémentaires et ainsi de l’aligner sur le taux de droit commun (3). Ils recommandent également de relever de 4 % à 19 % le taux du forfait social (4).

Autre cible : les commissions de recours amiable (CRA) des caisses de sécurité sociale. La Cour des comptes se montre plutôt critique à leur égard sur plusieurs points. Tout d’abord, elle déplore le « traitement hétérogène des dossiers » : les délais de traitement varient de 59 jours dans la branche famille à 107 jours dans la branche maladie (5). Une hétérogénéité qui se retrouve aussi au niveau de leur pratique et qui résulte de trois facteurs. En effet, explique-t-elle, les CRA tendent « assez souvent à faire prévaloir des considérations d’équité », et sont confrontées à des « difficultés dans l’application même du droit en raison de l’incohérence de certaines règles » et de « contradictions entre les textes et la jurisprudence ». Cette situation conduit à une certaine inégalité entre les assurés et se traduit par un « surcroît de charges de prestations [210 millions d’euros de remises de dettes pour la branche famille, 3,7 millions pour la branche retraite], alors que ces dépenses auraient davantage vocation, dans certains cas, à s’imputer sur le budget d’action sanitaire et sociale des caisses ». Aussi la Haute Juridiction suggère-t-elle alors que les CRA, « lorsqu’elles sont confrontées à des cas dans lesquels l’application de la réglementation a des conséquences sociales importantes, eu égard à la situation de la personne », réorientent ces dossiers vers les commissions d’action sanitaire et sociale. En outre, il conviendrait selon elle de prévoir une « analyse systématique des grands types de contestations devant les CRA dues à des cas d’inadaptation de la réglementation afin d’en tirer des propositions d’amélioration des textes ».

Fusionner le dispositif d’invalidité et l’AAH

La cour s’est également penchée sur le dispositif d’invalidité qui, devenu inadapté, nécessite selon elle d’être profondément réformé. Pour mémoire, l’assuré de moins de 60 ans dont la capacité de travail est réduite d’au moins 2/3 à la suite d’une maladie ou d’un accident non professionnels peut prétendre à une pension d’invalidité, qui ne peut être inférieure à un montant minimum (265,13 € par mois depuis le 1er avril 2010) auquel peut s’ajouter l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) censée lui garantir un minimum de ressources. Parallèlement, le handicap est compensé via l’allocation aux adultes handicapés (AAH) alors que les problématiques soulevées dans le cadre du dispositif d’invalidité sont proches. Ainsi, explique l’instance, parmi les 779 000 personnes qui déclaraient en 2007 être titulaires d’une pension d’invalidité, 41 % avaient également obtenu la qualité de travailleur handicapé, 38 % disposaient d’une carte d’invalidité et 30 % percevaient l’AAH.

Aujourd’hui, constate la Cour des comptes, la pension d’invalidité repose sur un dispositif « complexe et peu lisible », qui présente certaines caractéristiques moins favorables que l’AAH. En effet, les modalités d’appréciation des ressources de ces deux prestations sont différentes et, par là, source d’inégalités entre bénéficiaires potentiels de l’AAH et de l’ASI. De plus, cette dernière est récupérable sur succession, contrairement à l’AAH. A cela s’ajoute la « coexistence de nombreux acteurs, insuffisamment coordonnés ». Face à ce constat, l’instance préconise une « réforme ambitieuse en matière d’invalidité », qui consisterait notamment à « évaluer l’invalidité et le handicap à partir d’un seul référentiel, à mettre en œuvre un dispositif commun d’intéressement et d’accompagnement au retour à l’emploi et à fusionner [l’ASI] et l’AAH ». Une opération envisageable, selon elle, seulement si les conditions de reconnaissance de l’invalidité et du handicap sont harmonisées. Quoi qu’il en soit, « a minima, l’ensemble des textes relatifs à l’invalidité devrait être passé en revue dans l’objectif de rendre le système plus lisible (par l’harmonisation du seuil de taux d’incapacité entre l’entrée en invalidité et la révision…) et cohérent avec la prise en charge du handicap, des correspondances devant notamment être établies entre les taux d’incapacité relatifs à l’invalidité et au handicap ».

La Cour des comptes a également examiné la question de la majoration pour tierce personne (MTP) attribuée aux titulaires d’une pension d’invalidité ou d’une pension de vieillesse pour inaptitude qui ont besoin d’une aide constante d’une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie. Une prestation que l’instance juge aujourd’hui dépassée au motif que les conseils généraux versent des prestations identiques et même plus favorables, telles que la prestation de compensation du handicap (PCH) ou l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). La coexistence de ces systèmes de prestations « accroît [leur] complexité et les risques de fraude », estiment les magistrats, qui préconisent en conséquence la « suppression des nouvelles attributions de la MTP au profit de la PCH (et de l’APA s’agissant des retraités reconnus inaptes) ».

Notes

(1) Sur les résultats des comptes 2009 et les prévisions 2010, voir ASH n° 2664 du 18-06-10, p. 12.

(2) Disponible sur www.ccomptes.fr.

(3) Selon la cour, des mesures analogues pourraient également être envisagées pour les autres revenus de remplacement (indemnités chômage, rentes d’invalidité…).

(4) Instaurée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, cette contribution est à la charge des employeurs et porte notamment sur l’intéressement et la participation salariale – Voir ASH n° 2597 du 20-02-09, p. 43.

(5) Ces délais moyens doivent toutefois être interprétés avec précaution, indique la cour, les organismes de sécurité sociale ne les calculant pas tous de la même manière.

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