Divers dysfonctionnements touchant à la procédure appliquée aux étrangers malades atteints de pathologies graves demandeurs d’un titre de séjour ont été récemment rapportés à la direction générale de la santé (DGS) par des travailleurs sociaux, hospitaliers ou associatifs, des médecins cliniciens ou des agences régionales de santé (ARS). C’est ce que l’administration indique dans une instruction diffusée cet été aux directeurs des ARS. La DGS y rappelle en conséquence la procédure à suivre à l’égard de ces personnes et délivre un certain nombre de recommandations.
La procédure comporte trois temps principaux. En premier lieu, l’étranger malade sollicite à la préfecture la délivrance d’une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » en raison de son état de santé. Sa demande doit légalement se composer d’une série de documents listés dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (1). Une seule pièce médicale lui est demandé : un rapport médical explicite et détaillé, sous pli confidentiel, portant la mention « secret médical » et rédigé soit par un médecin agréé, soit par un praticien hospitalier, à l’attention exclusive du médecin de l’ARS compétente ou, à Paris, du médecin-chef du service médical de la préfecture de police.
Dans un deuxième temps, la situation est appréciée par le médecin de l’ARS sur les points suivants :
l’état de santé nécessite-t-il une prise en charge médicale ?
le défaut de celle-ci peut-il entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité ?
si oui, l’intéressé peut-il effectivement avoir accès à un traitement approprié dans son pays d’origine ? Etant entendu que, conformément à deux décisions récentes du Conseil d’Etat (2), cette notion d’accessibilité effective de la prise en charge médicale dans le pays d’origine recouvre non seulement l’existence de traitements et structures médicales nécessaires mais aussi, pour le demandeur, l’accessibilité économique (au regard des coûts et modes de prise en charge adaptés), géographique et concrète (éléments éventuels particuliers sur la situation personnelle à prendre en compte);
en l’état actuel, quelle est la durée prévisible du suivi médical nécessaire ?
Le médecin adresse ensuite un avis signé respectant le secret médical, comportant la réponse aux quatre questions précitées, sans aucune information ni sur la pathologie, ni sur les traitements, ni sur la nature des spécialités médicales concernées.
Enfin, dans un troisième temps, le préfet rend sa décision au vu de l’avis du médecin.
Les dysfonctionnements constatés
Les dysfonctionnements rapportés à la DGS sont de natures très diverses :
refus d’enregistrement de demande de carte de séjour « vie privée et familiale » en raison de l’état de santé en cas de durée du séjour en France inférieure à un an ;
renouvellement des cartes de séjour temporaires par des autorisations provisoires de séjour successives, voire par de simples papiers de rendez-vous ;
divulgation de diagnostics ou de pathologies transgressant le respect du secret médical ;
difficultés de coordination, dans le cas spécifique d’étrangers placés en centre de rétention administrative (CRA), entre les services médicaux du CRA, les médecins de l’ARS et les préfets ;
demandes d’informations ou discussions à caractère médical adressées aux médecins de l’ARS émanant de services administratifs non médicaux.
Ces dysfonctionnements, souligne la DGS, ont un impact en termes de santé individuelle – car en situation de clandestinité, les personnes renoncent parfois à une démarche de dépistage, de soins ou interrompent le suivi engagé – mais aussi au plan de la santé publique : la rupture avec les réseaux de soins et de prévention majore en effet, en cas de maladies infectieuses, les risques de transmission, voire favorise l’apparition de souches virales ou bactéries résistantes.
Les problèmes constatés représentent par ailleurs un surcoût sur le budget de l’Etat. Les personnes concernées restent en effet sous le régime de l’aide médicale de l’Etat ou y reviennent (en cas de délivrance d’une autorisation provisoire de séjour au lieu d’un renouvellement de carte de séjour temporaire) alors qu’un titre de séjour permet le transfert vers la couverture maladie universelle, voire de la sécurité sociale. En outre, la multiplication des demandes d’avis médical nuit à l’optimisation des moyens humains alloués à cette fonction. Enfin, les personnes sont maintenues dans un état de dépendance économique (en cas de délivrance d’une autorisation provisoire de séjour n’ouvrant pas le droit au travail, en lieu et place d’une carte de séjour temporaire) alors que bon nombre de personnes vivant avec une maladie chronique grave peuvent avoir une activité professionnelle assurant leur autonomie et leur insertion.
La direction générale de la santé émet huit recommandations afin de faciliter l’instruction des demandes :
identifier clairement les médecins chargés d’émettre les avis médicaux et le service de rattachement ;
reconnaître cette activité dans la fiche de poste des médecins qui en auront la charge et identifier clairement le temps consacré et les moyens humains affectés (dont le secrétariat) ;
assurer la continuité de la réponse, y compris en périodes de congés, et pour répondre aux urgences ;
harmoniser les pratiques pour permettre une cohérence des réponses en favorisant une démarche collégiale régionale ;
le cas échéant, pour certaines situations particulièrement complexes, solliciter la commission médicale régionale ;
veiller à la coordination des différents services concernés ;
veiller au respect de la confidentialité et de l’intégrité du secret médical sur l’ensemble de la procédure, ainsi qu’à l’indépendance des médecins dans la rédaction de leurs avis ;
veiller à la sécurisation matérielle au sein de l’ARS des dossiers relatifs aux demandes durant toute la période d’instruction.
Disponible dans la docuthèque, rubrique « infos pratiques »,
(1) Articles R. 311-1 à R. 311-5, R. 313-20 et R. 313-22.
(2) Voir ASH n° 2656 du 23-04-10, p. 15.