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Une trentaine d’associations réclament l’arrêt de « la chasse aux Roms »

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Situation de « crise sanitaire », déscolarisation des enfants, difficultés à entrer sur le marché du travail… Dans le contexte des expulsions massives, le collectif Romeurope publie son rapport annuel, qui rend compte de la situation de plus en plus précaire des Roms en France.

Au moment même où le collectif Romeurope présentait son rapport annuel (1), le 26 août, près de 300 Roms embarquaient dans deux avions spécialement affrétés, direction Bucarest. Des expulsions qui alimentent encore les chiffres du ministère de l’Immigration, qui évalue à près de 1 000 le nombre de reconduites à la frontière de Roms au cours du mois d’août (voir ce numéro, page5).

« Une discrimination raciste »

Selon le collectif Romeurope – qui rassemble une trentaine d’associations de défense des droits de l’Homme et des étrangers –, environ 9 000 Roms sont chaque année expulsés de France vers la Roumanie et la Bulgarie. En outre, les ressortissants roumains (la plupart rom) représentent un tiers des expulsions annuelles. Le collectif dénonce donc une « discrimination raciste » du gouvernement et « l’absurdité » de la politique d’exclusion des Roms. « Le nombre de Roms en France est stable depuis des années, de l’ordre de 10 000 à 15 000. Ce sont les mêmes que l’on expulse chaque année ! », fait remarquer Malik Salemkour, vice-président de la Ligue des droits de l’Homme. Pour lui, « on assiste à une véritable chasse aux Roms. On se sert d’eux pour faire écran de fumée devant les vrais problèmes que sont le logement et la sécurité. […] Les Roms sont utilisés comme chair à statistique pour les quotas d’expulsions. »

Dans son rapport annuel, le collectif fait état de la précarité croissante des Roms vivant en France, et énumère ses revendications. En premier lieu, « l’arrêt des distributions collectives de mesures d’éloignement » et « 1’abandon du critère de “charge déraisonnable” comme justification d’une obligation de quitter le territoire français ». En effet, au bout de trois mois, les Roms sur le territoire français peuvent être renvoyés chez eux s’ils n’ont pas de ressources suffisantes.

Premières victimes de ces expulsions massives, les enfants. Selon le rapport, entre 5 000 et 6 000 enfants rom sont ainsi exclus de l’Education nationale. Michel Fèvre, de la Ligue des droits de l’Homme, s’inquiète : « La plupart du temps, les expulsions sont la cause principale de la déscolarisation des enfants. Après avoir été chassées, les familles changent souvent de départements pour échapper à une reconduite dans leur pays, et il faut tout recommencer ! » En témoigne Nora Kovic Rodica, mère de deux enfants, suivis par les membres de Romeurope : « Nous sommes venus en France pour nos enfants. Cela fait dix ans que nous sommes là, et pourtant, ils ne sont toujours pas scolarisés. » Le collectif s’inquiète tout particulièrement de l’accord franco-roumain sur la protection et le rapatriement des mineurs isolés (2), adopté par le Sénat en mai et qui devrait être examiné par l’Assemblée nationale début octobre. Il « rendra possible l’expulsion de mineurs rom, sans même une enquête sociale, ni un suivi au retour pour veiller à ce qu’ils soient accueillis dans des conditions acceptables en Roumanie, estime Alexandre Le Clève, directeur de l’association Hors la rue. Il n’y a aucune protection de mineurs, c’est de la gestion de flux migratoire ; or un mineur, avant d’être un étranger, est un enfant en danger. »

Neuf enfants sur dix non vaccinés

Autre conséquence des expulsions des Roms, leur état de santé déplorable, fait valoir Médecins du monde. Près de neuf enfants sur dix ne sont pas vaccinés contre des maladies classiques, telles que la rougeole ou le tétanos. « Lorsqu’une expulsion a lieu en pleine campagne de vaccination, les familles sont contraintes de déménager et ne sont plus là pour la piqûre de rappel des enfants », déplore Jean-François Corty, directeur des missions de l’ONG. Pour pallier cette situation de « crise sanitaire », le collectif demande la couverture maladie universelle (CMU) pour les Roms et, à défaut, « la mise en place des conditions d’une ouverture rapide des droits à l’aide médicale d’Etat et la suppression du délai de trois mois de présence, qui est à l’origine du retard de soin ».

Le collectif réclame, par ailleurs, « une prise en compte des besoins d’hébergement et de logement de tous les habitants de squats et bidonvilles à travers les plans départementaux d’accueil, d’hébergement et d’insertion des personnes sans domicile ». « Les mesures que nous demandons pour améliorer les conditions d’habitat des Roms sont repoussées au nom du principe d’appel d’air : plus on en ferait, plus ça attirerait les Roms… Le fait est qu’ils se réfugient en France quoi qu’il en soit ! », fait remarquer André Gachet, de l’Association lyonnaise pour l’insertion par le logement (ALPIL).

Autre cheval de bataille du collectif, l’exclusion du marché du travail des Roms. En effet, lors de l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’Union européenne, en 2007, le gouvernement français a imposé des mesures transitoires empêchant les Roms de travailler sur le territoire sans autorisation (à la différence des autres ressortissants européens). Depuis, il les a même prolongées jusqu’à fin 2013. Le ­collectif revendique donc « la levée immédiate de la période transitoire imposée aux ressortissants roumains et bulgares, par égalité de traitement avec les ressortissants des autres pays nouveaux entrants et de manière pragmatique, en prévention du travail clandestin ». En attendant, Pascale Rachid, du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), demande que « les formalités soient accélérées, afin que les Roms puissent obtenir un permis de travail en 48 heures, et que les employeurs n’aient pas à verser de taxe à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) ». Cette taxe, de 70 à plus de 800 €, constitue donc un frein dans leur recherche d’emploi, d’autant plus que les Roms ne peuvent pas s’inscrire à Pôle emploi ; ils n’ont pas non plus accès aux contrats aidés.

L’aide au retour « instrumentalisée »

Enfin, selon Stéphane Lévêque, directeur de la Fnasat (Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les Gens du voyage), « l’aide au retour humanitaire est instrumentalisée » pour empêcher les Roms de revenir en France ; or, comme tous les citoyens européens, ils sont libres de circuler sur tout le territoire de l’Union. Le collectif demande donc « l’abrogation du dispositif de fichage biométrique des bénéficiaires de l’aide au retour humanitaire, un contrôle de la confidentialité des informations conservées dans le ficher OSCAR [outil de statistique et de contrôle de l’aide au retour] (3) et l’absence de transmission aux administrations sociales ».

Le collectif réitérera ses revendications le 4 septembre à Paris et dans toute la France, dans le cadre du rassemblement organisé pour protester contre la politique sécuritaire du gouvernement (4).

Notes

(1) Rapport 2009-2010 sur la situation des Roms migrants en France du Collectif national droits de l’homme Romeurope, accessible sur www.ldh-france.org.

(2) L’association Hors la rue l’avait déjà dénoncé – Voir ASH n° 2649 du 5-03-10, p. 26.

(3) Qui doit être opérationnel le 1er octobre.

(4) Voir ASH n° 2670 du 20-08-10, p. 28.

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