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Compensation des charges : les départements préparent une offensive législative

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Le bureau de l’Assemblée des départements de France vient de valider la première mouture d’une proposition de loi qui vise à régler la question de la compensation par l’Etat des dépenses liées au revenu de solidarité active, à la prestation de compensation du handicap et à l’allocation personnalisée d’autonomie. Les parlementaires vont être saisis pour avis.

Sept d’entre eux avaient annoncé l’initiative en avril dernier, tirant la sonnette d’alarme sur la situation financière des départements, étranglés par des charges croissantes non compensées par l’Etat (1). Depuis, 23 présidents de conseils généraux ont participé à la rédaction d’une proposition de loi « relative à la compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements », dont les grandes lignes ont été validées à l’unanimité par les membres du bureau de l’Assemblée des départements de France (ADF) le 31 août. Le texte, précise l’ADF, vise à poser les principes d’un « rééquilibrage du financement des trois allocations individuelles de solidarité – allocation personnalisée d’autonomie (APA), prestation de compensation du handicap (PCH) et revenu de solidarité active (RSA) – dans le cadre de la solidarité nationale ». Si les départements sont responsables des compétences qui leurs sont transférées, explique l’exposé des motifs, « ce principe ne peut valoir pour des compétences qui ne leur sont pas transférées dans la détermination de leurs règles d’attribution ». La responsabilité financière de l’Etat doit donc être liée à sa responsabilité juridique, « ce qui implique une compensation intégrale ».

Se baser sur les dépenses réelles

La proposition de loi prévoit que, pour le RSA et la PCH, la compensation est calculée sur la base des dépenses constatées au dernier compte administratif connu des départements, ajustée chaque année après avis de la commission consultative sur l’évaluation des charges. Le principe d’une révision annuelle prévaut aussi pour l’APA, à quelques différences près par rapport aux autres allocations. Ainsi, le calcul de la compensation déduirait le montant (actualisé) versé au titre de l’ancienne prestation spécifique dépendance et aurait pour référence le plan d’aide moyen national établi par la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Et pour tenir compte de l’engagement pris en 2001 par les départements d’accompagner la mise en œuvre de l’APA, il est prévu un « ticket modérateur » de 10 % à la charge des départements. Au final, l’Etat concourrait à hauteur d’environ 70 % à la prestation, contre à peine 30 % aujourd’hui. Le montant des compensations dues par l’Etat est au total estimé entre 4 et 4,3 milliards d’euros, sur les 14 milliards d’euros dépensés par les départements.

L’ADF va dans un premier temps soumettre le texte pour avis aux groupes parlementaires, aux présidents des commissions des finances des deux assemblées et au président du Sénat. L’objectif est de convaincre les élus de le soutenir mais aussi de l’amender, en modifiant notamment certains points qui n’ont pas encore fait consensus parmi les présidents de conseils généraux, notamment sur l’extension du « ticket modérateur » à la PCH et au RSA. Un autre débat porte sur la recevabilité financière du texte : doit-il être « gagé », c’est-à-dire prévoir les recettes nécessaires au financement des mesures, selon l’article 40 de la Constitution ? Celui-ci stipule que les propositions des parlementaires ne peuvent créer ou aggraver une charge publique. Le texte ne relèverait pas de cette obligation, selon l’ADF, qui explique qu’« il pose des principes juridiques, s’appuie sur l’acte II de la décentralisation et renvoie aux lois de finances ».

Si tous s’accordent sur la voie législative, élus de gauche et de droite s’opposent sur les autres recours à utiliser si aucune réponse n’était donnée par le gouvernement. Claudy Lebreton, le président (PS) de l’ADF et du conseil général des Côtes-d’Armor, a déjà annoncé le 23 août son intention de saisir le Conseil constitutionnel. « Le groupe de la droite, du centre et des indépendants n’est aucunement solidaire de cette initiative », a aussitôt fait savoir Bruno Sido, son représentant, président (UMP) du conseil général de la Haute-Marne et secrétaire général de l’ADF.

Pour l’ADF, une trentaine de départements pourraient être en peine de financer les allocations de solidarité à la fin de l’année. Début août, la chambre régionale des comptes de Lorraine a fini par valider le budget du conseil général de Meurthe-et-Moselle, présidé par Michel Dinet (PS). Comme celui de la Seine-Saint-Denis et des Côtes-d’Armor, le département avait tenu à signifier les sommes dues par l’Etat en présentant un budget « insincère ». Il a volontairement sous-estimé le montant des allocations, en ne tenant pas compte de leur augmentation, tout en mettant en réserve la différence. Au lieu de retenir la préconisation de la chambre régionale des comptes d’augmenter la fiscalité, il préfère miser sur la progression des recettes tirées des droits de mutation. « Cet organisme officiel reconnaît qu’il manque au budget 16,4 millions d’euros pour les allocations sociales et que les ressources sont inadaptées », se félicite Denis Vallance, directeur général des services. S’il ne parvient par à réunir les 3,8 millions d’euros escomptés des droits de mutation, le conseil général diminuera d’autant son versement à la caisse d’allocations familiales. « Plutôt faire supporter le décalage par la trésorerie nationale que par la fiscalité locale », ajoute-t-il.

Peu de succès de la mission d’appui

Paradoxalement, dans ce contexte, un seul conseil général, celui des Ardennes, s’est, pour l’heure, fait connaître auprès de la mission d’appui promise par le Premier ministre en juin dernier, à la suite du rapport « Jamet » qui a confirmé la fragilité budgétaire des conseils généraux. Cette mission, prévue pour démarrer en septembre, devrait proposer des mesures d’avance financière aux départements en difficulté, dans le cadre d’un « contrat de stabilisation » des dépenses. « Les départements s’interrogent sur la signification et l’intérêt de telles solutions », commente-t-on à l’ADF. Les deux groupes de travail annoncés – l’un sur les questions sociales (gouvernance, mesures pour peser sur les dépenses…), l’autre sur la mutualisation des services, n’ont pas encore démarré.

Notes

(1) Voir ASH n° 2654 du 9-04-10, p. 18.

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