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« Les familles rom doivent être traitées comme les autres »

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Loin d’être « dangereuses », les familles rom du quartier de Planoise à Besançon souhaitent vivre en paix et avoir un travail, tel est l’un des résultats de la recherche-action menée par les CEMEA de Franche-Comté. Isabelle Palanchon, responsable des activités internationales aux CEMEA (1), raconte.

Pourquoi cette recherche-action ?

Les activités que nous menions sur le quartier de Planoise nous avaient permis de constater un certain rejet des habitants à l’égard des personnes venues d’Europe centrale, des Roms pour la plupart. Nous avons voulu en savoir plus sur la façon dont ces populations s’impliquaient dans le pays d’accueil à travers une recherche-action de deux ans (2007-2009) menée en France, mais aussi en Hongrie et en Allemagne (2). A Besançon, le projet a pris la forme d’un « diagnostic partagé » où les partenaires, réunis au sein d’un comité de pilotage (3), ont été partie prenante. Six personnes des CEMEA ont interrogé 21 familles rom, les travailleurs sociaux du quartier et des enseignants sur leurs relations et leurs représentations mutuelles (4).

Que retirez-vous des rencontres avec les familles ?

Celles que nous avons rencontrées, originaires pour la plupart de Mitrovitsa au Kosovo, ont fui la guerre dans des conditions souvent dramatiques, ayant tout perdu, pour demander l’asile en France. Contrairement à certaines rumeurs dans le quartier selon lesquelles elles seraient dangereuses, elles souhaitent vivre en paix, avoir une maison, du travail, et retrouver leur mode de vie d’avant. Si la présence de ces populations génère des difficultés de voisinage, celles-ci résultent surtout de leur inadaptation culturelle aux conditions de vie proposées. Par exemple, ces « familles » – en général, deux générations, soit une vingtaine de personnes –, habituées à vivre en maison, ont dû accepter de vivre en appartements séparés. Elles se réunissent donc souvent, d’autant qu’elles ont une forte tradition d’accueil et de solidarité et que les fêtes sont nombreuses. Si elles vivent en retrait, c’est que, outre la barrière de la langue, elles jugent le quartier dangereux en raison, disent-elles, du comportement d’enfants à l’école ou de « l’ambiance dans certains immeubles ». Du fait de leur vie sociale très riche au sein de leur communauté, elles ne sont pas pour autant isolées.

Comment se passent leurs relations avec les travailleurs sociaux ?

La majorité des familles, dont certaines avaient un bon niveau de vie dans leur pays, connaissent aujourd’hui la précarité. Elles dépendent donc des aides sociales, alors qu’elles avaient l’habitude, en cas de difficultés, de se débrouiller par elles-mêmes ou de faire appel au groupe. Aussi supportent-elles mal le suivi social,qui se résume pour elles à « donner des papiers » et à « attendre sans savoir pourquoi ». Quant aux travailleurs sociaux, ils sont confrontés à un cadre de référence différent. Par exemple, certaines familles peuvent dépenser des sommes considérables dans les fêtes au détriment d’autres aspects de la vie quotidienne comme le règlement des factures d’eau ou d’électricité. D’où les difficultés relationnelles évoquées par les professionnels, qui peuvent parfois ressentir de l’agressivité. On s’aperçoit toutefois que ceux qui ont le temps de faire connaissance et d’expliquer aux familles le sens de leur intervention entretiennent des relations cordiales et parviennent à négocier avec elles des objectifs (paiement du loyer…).

Comment favoriser le dialogue ?

Beaucoup de travailleurs sociaux aimeraient avoir une meilleure connaissance de la culture rom. Or, si celle-ci peut être un atout, elle peut aussi enfermer les personnes dans une représentation qu’on s’est construite. Ces familles ont surtout besoin d’être traitées comme les autres en prenant en compte leur culture, mais aussi leur situation sociale et leur trajectoire de vie. Le défi pour elles, c’est de mieux appréhender la société d’accueil pour s’insérer durablement. Il est donc important que l’accompagnement social les reconnaisse dans leur globalité et les mette en capacité, non de subir, mais de faire des choix.

Notes

(1) CEMEA de Franche-Comté : 18, rue de Cologne – 25013 Besançon – Tél. 03 81 81 33 80.

(2) Le projet a été mené aussi à Budapest et Hambourg par deux associations partenaires. Il a été financé par un programme européen et, pour Besançon, dans le cadre du contrat urbain de cohésion sociale.

(3) Qui rassemble l’association Roma Phralipe, les services sociaux du conseil général et de la ville, le service de prévention de l’ADDSEA, le service de lutte contre les discriminations de Besançon, les organismes logeurs du quartier et des représentants de l’Education nationale…

(4) Des ateliers ont également été mis en place. Ils ont permis la réalisation, sous forme d’un CD-Rom, d’un lexique français/rom centré sur le vocabulaire utile pour s’adresser aux institutions. Une exposition photos sur la vie des Roms est en préparation.

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