Dans une série de recommandations publiées le 27 août (1), le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) de l’ONU a fait part de son inquiétude devant « la tenue de discours politiques de nature discriminatoire en France ». Ses remarques viennent s’ajouter au vent de contestation en France et à l’étranger contre le tour de vis sécuritaire annoncé fin juillet par Nicolas Sarkozy (2).
Les experts de l’ONU se sont plus particulièrement dits préoccupés du sort des Roms, victimes à leurs yeux d’une « montée des manifestations et des violences à caractère raciste ». Dénonçant les derniers renvois massifs de Roms en Bulgarie et en Roumanie, sans « leur consentement libre, entier et éclairé », ils recommandent notamment à la France « d’éviter […] les rapatriements collectifs et d’œuvrer à travers des solutions pérennes au règlement des questions relatives aux Roms sur la base du respect plein et entier de leurs droits de l’Homme ». CERD s’inquiète également de la situation difficile des membres de cette communauté quant à l’exercice de leurs droits économiques, sociaux et culturels. A cet égard, elle invite la France à « garantir l’accès des Roms à l’éducation, à la santé, au logement et autres infrastructures temporaires dans le respect du principe d’égalité ».
Parallèlement, les experts ont annoncé qu’ils allaient envoyer une lettre à la Commission européenne et au Conseil de l’Europe, conscients qu’il s’agit d’un problème européen qui doit être réglé de façon globale.
Autre source d’inquiétude pour les membres du comité : les difficultés rencontrées par les gens du voyage notamment dans leur liberté de circulation, l’exercice du droit de vote, l’accès à l’éducation et à un logement décent. Autant de domaines dans lesquels ils invitent la France à assurer à cette communauté l’égalité de traitement. C’est ainsi que, comme il l’avait déjà fait lors du dernier examen de la politique de la France en 2005, le CERD réclame l’abrogation de l’obligation légale pour les gens du voyage de se munir d’un titre de circulation à renouveler périodiquement. Après avoir constaté que la France n’a toujours pas mis à la disposition des gens du voyage le nombre nécessaire d’aires d’accueil exigé par la loi « Besson » du 5 juillet 2000, il recommande également la mise en œuvre accélérée de ce texte « afin que la question d’aires illégales de stationnement ne se pose plus ».
Allusion directe au projet du gouvernement de retirer la nationalité française en cas de délit grave, les experts se soucient aussi des mesures qui pourraient être prises par la France « dans les domaines de la citoyenneté avec des conséquences discriminatoires fondées sur l’origine nationale ». Au passage, ils demandent au gouvernement de s’assurer « que toute mesure prise dans ce domaine n’ait pas pour effet de discriminer contre une nationalité quelconque ».
Plus globalement, le CERD recommande à la France « d’affirmer dans ses discours et ses actions toute sa volonté politique en faveur de la compréhension, la tolérance et l’amitié entre nations, groupes raciaux ou ethniques ». Il lui suggère « d’intensifier ses efforts en utilisant tous les moyens, notamment en condamnant fermement tous discours racistes ou xénophobes émanant des responsables politiques et en prenant les mesures appropriées pour combattre la prolifération d’actes et manifestations racistes sur Internet ».
Enfin, les experts prient la France de fournir, dans un délai de un an, des informations sur la suite qu’elle aura donné à ces recommandations.
Le gouvernement n’aura pas tardé à réagir aux critiques du comité de l’ONU, notamment par la voix du ministre des Affaires étrangères. « Oui à la critique, non à la caricature et à l’amalgame », s’est ainsi emporté Bernard Kouchner, le 27 août lors de la conférence annuelle des ambassadeurs en s’exprimant plus précisément sur le problème des Roms. « Jamais le président de la République n’a stigmatisé une minorité en fonction de son origine. Jamais nous n’accepterons qu’une minorité soit sanctionnée pour ce qu’elle est », a-t-il assuré. Le même jour, dans un communiqué, le ministre de l’Immigration, Eric Besson, a estimé que les Roms « ne sont pas considérés en tant que tels mais comme des ressortissants du pays dont ils ont la nationalité ». « Le traitement réservé à ces ressortissants l’est indépendamment de la question de savoir s’ils appartiennent ou revendiquent l’appartenance à la communauté rom. »
(1) Recommandations disponibles sur