Les professionnels qui effectuent un signalement ne peuvent voir leur responsabilité engagée en raison de la dégradation des relations entre les parents et leurs enfants dès lors qu’ils n’ont commis aucune faute. C’est ce qu’a décidé la Cour de cassation dans un récent arrêt.
Dans cette affaire, deux sœurs jumelles originaires d’Ethiopie ont été adoptées à l’âge de 7 ans. A l’adolescence, d’importantes difficultés relationnelles se sont manifestées au sein de la famille. En 2001, une assistante sociale scolaire a effectué un signalement. Un placement et des mesures d’assistance éducative ont été ordonnés par le juge des enfants. Après leur mainlevée, les adolescentes ont refusé de revenir chez leurs parents. Elles ont alors été confiées à une nouvelle structure jusqu’à leur majorité. Les parents ont saisi la justice afin de se voir allouer des dommages et intérêts pour le préjudice moral résultant de leurs difficultés relationnelles avec leurs filles. Ils ont notamment mis en cause la responsabilité de l’assistante sociale scolaire ayant effectué le signalement et celle de l’agent du département de l’Ain chargé de suivre leur dossier.
S’agissant de l’assistante sociale, les Hauts Magistrats relèvent que l’examen des « 193 pièces produites » ne permet pas de caractériser une faute en lien de causalité avec la rupture des relations familiales entre les parents et leurs enfants. En effet, le signalement soulignait l’état inquiétant de détresse psychologique des jeunes filles et la nécessité de les protéger. L’assistante sociale était donc tenue de révéler ces faits en raison de leur gravité aux autorités administratives et judiciaires, seules à même d’apprécier la suite à donner.
Pour la Cour de cassation, l’agent du département de l’Ain, au sein de la direction de la prévention et de l’action sociale, n’a quant à lui commis aucune faute personnelle inspirée par une intention de nuire ou pour satisfaire un intérêt personnel étranger au service public ou présentant un caractère d’une extrême gravité. Les juges relèvent que cet agent a agi dans le cadre de ses fonctions sans adopter d’attitude partisane destinée à éloigner les parents des enfants. En effet, est-il rappelé, la décision de placement a été admise par les parents eux-mêmes, qui n’ont pas demandé à reprendre leurs enfants et souhaitaient leur placement en internats séparés. Devant l’intensité du blocage des relations familiales, la suggestion d’un retrait de l’autorité parentale entrait dans la mission de l’agent, à charge pour le juge d’en examiner la pertinence et de rendre une décision susceptible de recours.