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Les chantiers d’insertion au crible d’un contrat d’études prospectives

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Se doter d’un observatoire national de l’emploi et des compétences, structurer la gestion des ressources humaines et mettre en place une politique de formation pour les permanents et les salariés en insertion. Telles sont les principales recommandations d’un contrat d’études prospectives des ateliers et chantiers d’insertion, qui s’inscrit dans la logique de la construction de leur branche.

Quatre ans après le rapport d’enquête des inspections générales des af­faires sociales et des finances (1) et alors que leur branche professionnelle est en cours de structuration, les ateliers et chantiers d’insertion (ACI) font l’objet d’un contrat d’études prospectives, qui vient d’être rendu public (2). Il avait été confié en juillet 2009 au cabinet ESSOR consultants par la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), qui a piloté le projet avec Uniformation et les partenaires sociaux – le Synesi (3) du côté employeurs, la CFDT, la CFTC et FO du côté salariés. Son objectif : dresser un panorama de l’évolution du secteur et, surtout, anticiper les besoins en compétences et en formation tant des salariés permanents que des salariés en insertion, dénommés « polyvalents ».

Ces actions sont nécessaires, défendent les auteurs, pour favoriser la pleine reconnaissance non seulement de la mission d’insertion des quelque 3 000 ACI existants (60 % des structures de l’IAE), mais aussi de leur place parmi les acteurs économiques, au moment où ils cherchent à se développer sur des secteurs porteurs. Elles sont rendues encore plus urgentes par le contexte, marqué par les réformes du conventionnement et du financement du secteur et « par les exigences de retour à l’emploi et de productivité des chantiers ». Or, si les réseaux contribuent à la formalisation de « bonnes pratiques » en ce sens, l’étude réalisée auprès de 24 ACI montre que la gestion des ressources humaines est insuffisante pour les salariés permanents des ACI. Plusieurs hypothèses expliquent cette situation, selon le rapport, dont la priorité donnée à l’accompagnement des salariés polyvalents, l’absence de construction de parcours professionnel pour les permanents et la précarité des financements.

Au-delà des améliorations en matière d’emploi et des compétences, le CEP vise « une dimension plus politique de structuration de la branche », que la négociation d’une convention collective depuis 2007 (4) a déjà amorcée. Cette convention spécifique « permettra l’adhésion du secteur à un OPCA mais aussi d’atteindre une taille critique minimale pour peser sur l’organisation de formations adaptées ». L’enjeu est aussi de trouver les financements né­cessaires à la formation des salariés polyvalents, pour l’heure prise en charge par les budgets des plans de formation ou les conseils généraux et régionaux.

Mutualiser les outils

Le CEP formule une série de préconisations, dont un volet concerne la rénovation de la gouvernance et du pilotage territorial des ACI. Autre proposition phare : la création d’un observatoire de l’emploi et des compétences, piloté par les partenaires sociaux avec l’appui de la DGEFP et du Centre national d’appui et de ressources (CNAR) de l’IAE (insertion par l’activité économique), pour pallier le manque de statistiques nationales et permettre « aux acteurs de travailler sur la durée ». D’autres préconisations portent sur l’évolution des structures. Elles encouragent notamment la mutualisation des ressour­ces et des outils, la plupart des ACI étant associatifs et de petite taille, avec de 10 à 15 postes conventionnés. Le CEP promeut également la création d’une évaluation partagée des ACI afin d’analyser la pertinence des moyens engagés au regard des résultats obtenus pour les différentes missions de la structure – sociales, d’insertion professionnelle, économique… Chantier école, notamment, a engagé une expérimentation dans ce sens. Alors que la circulaire du 10 décembre 2008 sur les nouvelles modalités de conventionnement prévoit la contextualisation des performances de retour à l’emploi en fonction des territoires et des publics, un outil permettant de valoriser les apports qualitatifs des ACI devrait être mis au point, suggère encore le rapport. Il cite à cet égard le « sociogramme » expérimenté dans le réseau des Jardins de Cocagne. Celui-ci permet de comparer le profil du salarié en insertion en début de parcours à celui mesuré à la fin de son contrat, en fonction de 12 thématiques sociales.

Le CEP propose principalement des actions de formation spécifiques pour les salariés permanents, sur lesquels il n’avance pas de chiffre, faute de données nationales, mais dont le nombre est estimé par les réseaux à environ 12 000. Il relève que leur expérience et leur expertise technique compensent souvent leur manque de compétence initiale en matière d’encadrement de publics en difficulté. Aux côtés des travailleurs sociaux, les encadrants techniques ou administratifs sont issus des professions sociales, recrutés parmi d’anciens salariés polyvalents, ou dans le secteur marchand. Le rapport préconise de favoriser l’accès à « des temps de partage et de retour d’expérience » pour mutualiser les « bonnes pratiques » et réduire les risques psycho-sociaux. Il suggère également de créer un outil de reconnaissance des compétences et d’évaluation commun aux chantiers travaillant dans des secteurs proches, afin de faciliter le processus d’identification des compétences des salariés polyvalents par leurs collègues permanents.

Il conviendrait également, selon le rapport, de faciliter les évolutions de carrière afin de limiter les risques de démotivation et d’usure professionnelle et de préserver les savoir-faire. D’où la nécessité de favoriser la reconnaissance des qualifications, en facilitant notamment les démarches de validation des acquis de l’expérience (VAE). Par ailleurs, le besoin en formation sur la connaissance des entreprises et la création de réseaux « semble particulièrement fort pour les permanents s’occupant du projet professionnel des salariés polyvalents et ayant des formations initiales dans le domaine social ». Pour autant, le CEP se garde bien de préconiser un recentrage qui miserait uniquement sur l’insertion professionnelle, et souligne au contraire l’importance de l’accompagnement social. Plus globalement, la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) doit tenir compte des besoins individuels et collectifs, à partir du « référentiel métiers » qui a fait l’objet d’un accord entre le Synesi et les organisations syndicales, tout en restant souple pour conserver l’« atypisme, à la fois des projets et des parcours professionnels des salariés » de ce secteur.

Un meilleur suivi des salariés en insertion

Pour les salariés polyvalents (65 000 en 2007), la logique est évidemment différente : « La sécurisation des parcours professionnels ne pourra être améliorée que si des financements sont trouvés auprès des régions et des OPCA et si les moyens de Pôle emploi, de l’AFPA et d’autres organismes sont davantage mobilisés. » En outre, « il apparaît souhaitable que ces salariés bénéficient au moment de leur sortie des ACI de prestations de suivi plus importantes de la part de Pôle emploi ». Alors que la VAE suppose un processus qui semble pour ces salariés inaccessible, la reconnaissance des savoir-faire professionnels (RSFP) proposée par l’AFPA représente une voie à explorer davantage. Autre proposition : développer pour les salariés polyvalents des projets de GPEC territoriale, avec l’appui des structures locales pour l’emploi.

Selon Charles-Hervé Moreau, président du Synesi, « un comité de rédaction réunissant l’Etat, les partenaires sociaux et Uniforma­tion va d’ici à la fin de l’année travailler à un condensé du CEP pour dégager des axes de travail ». De son côté, la DGEFP, qui avait lancé un groupe de travail sur la formation dans l’IAE, organise une rencon­tre en décembre prochain sur ce sujet.

LA CONSTRUCTION DE LA CONVENTION COLLECTIVE AVANCE

Pour les partenaires sociaux qui la négocient, c’est un frein qui vient d’être levé. L’Unifed (5) avait intenté en 2008 un recours en Conseil d’Etat contre l’arrêté du 10 décembre 2007 portant extension de l’accord du 27 avril 2007 (6) et qui posait les jalons de la convention. Elle estimait en effet que le domaine d’activité des ACI dépend de la branche associative sanitaire et sociale. Dans un arrêt du 23 juillet dernier, la juridiction a débouté la fédération. De leur côté, les partenaires sociaux ont poursuivi leurs négociations. Après deux accords sur les « emplois-repères » et sur les classifications et rémunérations, dont l’extension est en cours, le Synesi et certains syndicats de salariés ont signé en juin et juillet dernier une série de textes sur le contrat de travail, la création d’une instance « santé et conditions de travail », la prévoyance (paraphés par la CFDT, CFTC et FO) et sur le dialogue social (CFDT et CFTC) (7). « Les discussions se poursuivent sur la formation, mais nous sommes déjà d’accord sur les principes et le choix d’Uniformation comme OPCA », précise Charles-Hervé Moreau. Selon lui, « tous les chapitres de la convention devraient être clos d’ici au mois d’octobre ou de novembre ».

Notes

(1) Voir ASH n° 2463 du 7-07-06, p. 11.

(2) « Contrat d’études prospectives des ateliers et chantiers d’insertion » – Disponible sur www.economie.gouv.fr/ themes/emploi/_pdf/cep_ateliers_chantiers_insertion.pdf et sur www.chantierecole.org. Le CEP ne porte que sur les structures associatives (90 % des ACI).

(3) Le Syndicat national des employeurs spécifiques d’insertion, qui regroupe Chantier école, Cocagne, Coorace et Tissons la solidarité. La FNARS préfère privilégier l’aménagement des conventions collectives existantes tandis que les régies de quartier ont leur propre syndicat d’employeurs.

(4) Y participent, côté salariés, la CFDT, la CFTC et FO.

(5) Union des fédérations et syndicats nationaux d’employeurs sans but lucratif du secteur sanitaire, médico-social et social

(6) Relatif au champ d’application des accords collectifs conclus dans le secteur des ateliers et chantiers d’insertion.

(7) Les ASH reviendront sur ces accords dans un prochain numéro.

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