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« LE QUARTIER DE LA VILLENEUVE N’EST PAS A L’ABANDON ! »

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La surenchère sécuritaire à laquelle ont donné lieu les violences survenues en juillet dernier dans le quartier de la Villeneuve à Grenoble (1) a renforcé le sentiment d’abandon de ses habitants et mis à mal le travail éducatif et social qui était engagé localement, témoigne Monique Berthet, directrice du service de prévention spécialisée de l’association Codase (2).

Comment les « événements » de juillet ont-ils été vécus à la Villeneuve ?

Dès le lendemain de la flambée de violences qui a suivi la mort du jeune braqueur du casino d’Uriage tué par la police, je suis allée avec l’équipe d’éducateurs de rue au-devant des habitants, encore sous le choc, pour leur offrir un espace de parole. Et durant les jours suivants, alors que la médiatisation s’amplifiait, ceux-ci ont pu exprimer leur souffrance et leur désespoir face à cette nouvelle mise à l’index du quartier (3). Ils y sont attachés et ne se retrouvent pas dans la représentation réductrice qui en a été faite par les responsables politiques, les radios et les télévisions. D’où leur incompréhension et leur sentiment d’injustice alors que les violences urbaines n’ont concerné qu’une petite partie du quartier – les alentours de la « galerie » de l’Arlequin. D’où également leurs craintes de voir, en tant que résidents « de la Villeneuve », se renforcer la stigmatisation à leur égard. L’ambiance est encore très lourde.

Quelle est la réalité sociale de ce quartier ?

C’est un quartier emblématique de la politique de la ville de Grenoble. La Villeneuve a été construite dans les années 1970 avec l’idée de faciliter le « vivre ensemble » par la création de coursives et d’agoras afin de faciliter les rencontres. Mais peu à peu, les classes moyennes sont parties. Le quartier s’est appauvri pour devenir un lieu de relégation pour des jeunes et des familles en difficulté, des Français d’origine étrangère pour la plupart. Pourtant, contrairement à ce qui a été dit, il est loin d’être à l’abandon. Il existe deux centres sociaux, qui développent un soutien à la parentalité et des groupes de parole, deux structures d’animation, un club de foot, une régie de quartier, de nombreuses associations et une forte présence de travailleurs sociaux. Il y a de la vie et tout un potentiel dans ce quartier où de nombreuses actions sont menées.

Justement, que ressentez-vous en tant que travailleur social ?

De la colère. Alors qu’on demande aux habitants de s’investir dans des projets, de se mobiliser, en quelques semaines, tout ce travail est balayé par des discours qui les mettent « hors jeu » de la société. Nous avons engagé au sein de notre service une action avec les jeunes autour de la transmission de la mémoire, en abordant notamment les répercussions pour eux de la guerre d’Algérie. Or comment les aider à intégrer une histoire souvent compliquée, et par là à se sentir français, quand, au plus haut sommet de l’Etat, on leur dénie cette citoyenneté en évoquant la possibilité qu’ils soient, du fait de leurs origines étrangères, déchus de la nationalité ? Paradoxalement, toutefois, ce qui s’est passé en juillet a renforcé la volonté des acteurs de construire une dynamique positive afin que les habitants retrouvent l’estime de soi. Les responsables associatifs, les élus de la ville et du conseil général ont prévu de se rencontrer en septembre pour envisager des actions favorisant le dialogue entre les générations – par exemple, des chantiers éducatifs, la réalisation d’une fresque…

On ne peut nier toutefois les problèmes de délinquance…

Bien sûr. Il y a des problèmes de délinquance et d’économie illégale, qui doivent être traités. Mais les habitants attendent autre chose qu’une intervention brutale avec le déploiement de plus de 300 membres des forces de l’ordre et des contrôles de police tous les jours ! Ce qu’ils demandent, c’est une présence régulière. Il y a encore quelques années, des policiers circulaient à pied et faisaient de la régulation…

Notes

(1) Voir ASH n° 2670 du 20-08-10, p. 5 et p. 28.

(2) Service de prévention spécialisée du Comité dauphinois d’action socio-éducative : 25, rue Honoré-de-Balzac – 38100 Grenoble – Tél.04 76 23 11 63.

(3) En 2007, celui-ci avait déjà été sous le feu des médias après une fusillade entre bandes rivales.

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