Surpopulation carcérale, carences des soins psychiatriques et de la formation des professionnels, moyens insuffisants des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP)… Selon une récente enquête de la Cour des comptes (1), les 235 000 personnes suivies par l’administration pénitentiaire (61 000 personnes détenues et 174 000 en milieu ouvert, c’est-à-dire en semi-liberté, placées sous bracelet électronique…) ne sont pas mieux loties qu’en 2006, date de son précédent rapport (2). La cour souligne qu’il manquera 11 500 places dans les prisons françaises en 2012 et énumère 28 recommandations pour améliorer la réinsertion des détenus, ainsi que leurs conditions de vie entre les murs, « un élément essentiel, non seulement de la dignité et de la sécurité de la détention, mais également de la lutte contre la récidive par la désocialisation des détenus ».
Comme d’autres avant elle – notamment le contrôleur général des lieux de privation de liberté –, la Cour des comptes pointe notamment le manque de suivi sanitaire des prisonniers, et se préoccupe surtout de l’inadéquation entre l’offre et la demande de soins psychiatriques. « Un tiers des détenus devrait normalement bénéficier d’une surveillance psychiatrique », estime Alain Pichon, président de chambre à la cour. Il dénonce également l’insuffisance de prise en charge des détenus vieillissants, qui représentaient près de 4 % de la population carcérale en 2009, soit deux fois plus qu’en 1997. Le rapport met aussi l’accent sur l’insalubrité aux abords des centres pénitentiaires, causée par les amas de détritus que les détenus jettent à travers les barreaux de leur cellule. La Cour préconise donc de continuer à installer des « dispositifs anti-projections sur les fenêtres » même si, elle le reconnaît, ces « caillebotis en métal accroissent le sentiment d’enfermement », tout en signalant la nécessité de renforcer le nettoyage des établissements.
Autre problème récurrent dans les établissements pénitentiaires : les prix excessifs des produits alimentaires mis en vente et censés « améliorer la vie quotidienne des détenus », les marges des centres allant de 20 % à 40 %. La Cour des comptes épingle aussi le prix fixé par les associations socioculturelles pour la location d’une télévision, qui peut atteindre 41 € par mois.
Travailler en prison permet également aux détenus de s’occuper et de préparer leur réinsertion, mais ils sont seulement 22 000, soit un sur trois, à en avoir la possibilité… pour la modique rémunération mensuelle de 220 à 500 € à temps plein, selon qu’ils servent les repas, nettoient les locaux ou fabriquent le mobilier. Quant au dispositif de semi-liberté, qui autorise les entrées et les sorties, il est souvent trop rigide pour s’adapter aux conditions de travail des détenus qui ont un emploi à l’extérieur. La Cour des comptes recommande donc de systématiser la coopération entre les missions locales, Pôle emploi (3) et l’administration pénitentiaire.
Elle craint par ailleurs qu’émerge « un système de prison à deux vitesses », puisque les loyers que certains établissements doivent verser à des prestataires privés ont augmenté de 54 % entre 2006 et 2009. Ils voient donc leurs ressources financières fortement amputées par rapport à ceux dont les murs appartiennent à l’Etat. Pourtant, le budget de l’administration pénitentiaire est déjà cruellement insuffisant, selon le rapport, et plus particulièrement celui alloué aux SPIP (4), dont « les ressources humaines sont dans une situation tendue et précaire ».
(1) Le service public pénitentiaire : prévenir la récidive, gérer la vie carcérale – Rapport public thématique – La Documentation française – Juillet 2010.