Chambres de 4,5 m2, dortoirs, suroccupation jusque dans les couloirs… Les foyers de travailleurs migrants offrent des conditions d’habitat « indignes, voire dangereuses », selon le rapport du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD) (1), qui appelle « à prendre la mesure de l’urgence des besoins ». Ces établissements, d’une capacité de 130 000 places, ont été créés en réponse à la demande de logement de la main-d’œuvre étrangère arrivée en masse pendant les « trente glorieuses ». S’ils « ont permis aux travailleurs immigrés sollicités par nos industries d’échapper aux bidonvilles et aux marchands de sommeil », ces foyers, conçus à l’origine pour accueillir une population « en transit », se sont rapidement révélés inadaptés. L’Etat a donc prévu, en 1995, de les transformer et d’en faire des résidences sociales classiques. La mise aux normes a débuté il y a 15 ans, mais seuls 210 foyers sur 680 ont fait l’objet de restructurations. Dans son rapport, le Haut Comité essaie de comprendre la lenteur de la mutation et se penche sur les obstacles auxquels sont confrontés les gestionnaires (sociétés d’économie mixte d’Etat comme Adoma ou organismes HLM).
Premier obstacle, les foyers sont suroccupés par des personnes âgées qui seraient mieux prises en charge dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). En effet, de nombreux Maghrébins, notamment, sont arrivés dès leur création, ont atteint l’âge de la retraite, et y vivent encore. Bloqués par un « obstacle culturel » et par manque de ressources financières, ils y restent. Le Haut Comité préconise donc d’ouvrir au financement en prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) la construction d’EHPAD destinés à des personnes âgées à très faibles ressources et de « créer des structures alternatives de prise en charge de la dépendance ».
Autre frein à la transformation des foyers en résidences sociales, le manque de diversité de la population hébergée. La plupart sont de fait communautaires et accueillent des personnes originaires soit du Maghreb, soit d’Afrique subsaharienne. Depuis 1995, environ 10 000 places ont été réaffectées aux demandeurs d’asile, d’autres à de l’hébergement d’urgence ; mais les résidences sociales ont vocation à ouvrir leurs portes, plus largement, aux personnes isolées, souvent sans logement à la suite d’un « accident de la vie ». Or la faible rotation dans les établissements hébergeant des personnes venant d’Afrique subsaharienne empêche la mixité des populations hébergées censée exister dans une résidence sociale.
Autre complication pour les gestionnaires, notamment ceux hébergeant une population d’origine subsaharienne : des « activités informelles » se développent, artisanales ou commerciales, comme, par exemple, la restauration collective. Si celle-ci répond à une forte demande puisque, selon le rapport, « on sert jusqu’à 1 000 repas par jour dans certains foyers », ces « activités informelles » n’ont pas lieu d’être dans des résidences sociales. C’est pourquoi le Haut Comité demande d’inclure dans les projets de rénovation ou de restructuration des foyers la création de cuisines collectives.
Plus globalement, la transformation des foyers requiert en règle générale la démolition d’une partie des bâtiments et leur reconstruction, et donc des budgets importants. En effet, il n’est plus question de conserver des chambres de 4,5 m2, de 7 m2 ou des dortoirs. Le Haut Comité conseille tout de même de privilégier des petites surfaces (types « T1 » individuels de 14 à 19 m2), pour que le loyer reste à la portée des bourses des travailleurs migrants. Le tout premier atout des foyers reste le loyer modique (entre 150 et 350 e par mois). Or leur transformation en résidences sociales implique une amélioration de l’habitat, et donc une hausse du loyer qui « se heurte aux attentes de résidents dont le statut social passe par la capacité à envoyer de l’argent au pays ».
Depuis 1997, cette transformation est prise en charge par la commission interministérielle pour le logement des populations immigrées dans un plan financé par l’Etat et le 1 % logement. Plus de un milliard d’euros a été mobilisé dans ce cadre (les subventions de l’Etat représentent un quart du coût des opérations). Depuis quelques années, les collectivités territoriales participent également au financement, à hauteur de 8,6 %. Mais les moyens financiers restent insuffisants : « Qu’il s’agisse de leur transformation physique ou de la mise en œuvre des projets sociaux, la qualité des réalisations atteste de ce que permet le savoir-faire des acteurs de ce secteur, malgré la complexité et les multiples obstacles, dès lors que la volonté de l’Etat et celle des collectivités territoriales sont au rendez-vous. Pour autant, on ne peut se satisfaire du rythme actuel de la mutation. » Le rapport appelle donc à relancer par une circulaire le plan de transformation des foyers en résidences sociales, à « mobiliser des terrains d’Etat et de ses établissements publics » et demande en outre au conseil régional d’Ile-de-France, qui abrite la moitié des foyers, de contribuer au financement.
(1) Du foyer de travailleurs migrants à la résidence sociale : mener à bien la mutation – 16e rapport du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées – Juillet 2010.