Arno Marvillet, artiste et poète, atteint de mucoviscidose, et Jako Bidermann, photographe, ont travaillé pour la première fois ensemble à l’occasion du projet « Muco vie si t’oses », où Arno calligraphiait ses poésies sur son corps – une façon d’évoquer la « perte progressive et sournoise » de ses capacités respiratoires. Il avait alors dévoilé son anatomie « sans fard ». La complicité des deux artistes les a menés vers un nouveau projet sur le thème, plus large, de la différence. « L’idée était de photographier cette différence à nue », confie Arno Marvillet, afin « d’aller à l’encontre des corps qu’on nous impose sur les Abribus et qui créent de la souffrance chez les gens différents ». Trouver des modèles atteints d’un handicap qui acceptent de se dénuder n’a pas été chose aisée. Sur Internet, l’artiste sympathise finalement avec des militants qui consentent à être immortalisés, visages cachés : obèses, personnes de petite taille, amputés… cinq modèles posent dans une communion des corps aux côtés d’une femme « standard et académique », démontrant qu’il existe une harmonie entre tous ces corps. « Cette nudité hors norme, notre société la confine dans l’impudeur d’un regard consensuel », regrette Arno Marvillet. Son travail témoigne de la noblesse du corps différent en montrant une autre plastique, une autre beauté, « une beauté trop taboue ».
L’exposition d’une vingtaine de photos circule, sur demande, dans une configuration originale : pour ne pas « choquer », une structure intimiste de 5 mètres de diamètre a été créée. Le visiteur doit faire l’effort d’y pénétrer pour pouvoir admirer les immenses visuels imprimés sur des bâches de 1,70 m de hauteur. A côté des images, les textes d’Arno. L’ensemble des photographies est regroupé dans un bel ouvrage, qui fait office de catalogue d’exposition.