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L’art-thérapie au service du soin et de la relation

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Discipline récente, l’art-thérapie inscrit le patient dans un processus de soin grâce à l’utilisation des activités artistiques. Si elle n’est pas encore reconnue par les pouvoirs publics, elle suscite l’intérêt croissant des établissements sociaux et médico-sociaux.

Malgré un diplôme universitaire créé il y a 25 ans et qui essaime aujourd’hui dans plusieurs facultés de médecine (voir encadré, page 37), l’art-thérapie, qui associe art et soin, n’est toujours pas réglementée par les pouvoirs publics. Elle n’apparaît donc pas dans les conventions collectives, notamment celle de la fonction publique hospitalière. « La reconnaissance par l’Etat de l’art-thérapie comme profession paramédicale à part entière est le chantier des dix années à venir », défend Nathalie Berthomier, directrice de l’Association française de recherche et applications des techniques artistiques en pédagogie et médecine (Afratapem) (1), à l’origine du premier diplôme universitaire d’art-thérapie à la faculté de médecine de Tours. L’association s’est donc fixé comme objectif d’affirmer les spécificités des art-thérapeutes et d’organiser la profession pour se démarquer de l’amateurisme qui existe encore dans certains organismes de formation. Dès les années 1970, elle s’est dotée d’une définition précise (voir encadré, page 38). « Notre but ne se limite pas à faire bénéficier le patient des vertus de l’art dans le sens d’une revalorisation de l’estime de soi, précise Fanny Crapart, art-thérapeute et plasticienne. Nous souhaitons aussi maîtriser les effets de l’art pour les orienter dans le sens d’une rééducation motrice ou cognitive du patient et d’une reconstruction de ses repères spatio-temporels et de son schéma corporel. » Dans cette perspective, elle travaille désormais, sous l’impulsion de l’Ecole d’art-thérapie de Tours, à l’élaboration d’un protocole de soins qui implique une indication thérapeutique dans le cadre d’un programme de soins soumis à évaluation. En outre, la profession s’est dotée depuis 2008 d’un code de déontologie où figure notamment le respect du secret professionnel. Parallèlement, les art-thérapeutes s’organisent, à l’échelle nationale, à travers une « guilde des art-thérapeutes » qui regroupe les art-thérapeutes ayant un diplôme universitaire et, à l’échelle régionale, via les délégations régionales (2) de l’Afratapem.

Si l’objectif est la reconnaissance de la profession, cette structuration vise aussi à rendre autonome l’art-thérapie par rapport à la psychiatrie dont elle a été longtemps considérée comme une spécialité. « Aujourd’hui, enfin, les art-thérapeutes parlent en leur nom », se félicite Richard Forestier, responsable scientifique des diplômes universitaires d’art-thérapie (3). De fait, « depuis 2000, on assiste à un rééquilibrage du champ d’activité de l’art-thérapie, qui se partage désormais plus équitablement entre la psychiatrie, les troubles physiques et l’action sociale », complète Fanny Crapart. Il est fini le temps, pas si lointain, où l’art-thérapie avait pour principale indication le trai­tement de l’autisme. Preuve que c’est désormais une discipline à part entière, on voit même apparaître un début de spécialisation selon des techniques (musico-thérapie, danse-thérapie, édugraphie qui exploite la trace écrite dans une visée thérapeutique…), des secteurs (sanitaire, éducatif ou social) ou des publics spécifiques. Dans ce champ d’intervention étendu, qui va du soin aux personnes malades (Alzheimer, cancer, sida…) à la rééducation des personnes handicapées (par exemple, les traumatisés crâniens) jusqu’aux troubles scolaires ou psychologiques, l’art-thérapeute est présent tant en milieu médical (hôpital) qu’en milieu éducatif et social (foyers de vie, maisons de retraite, prisons, établissements spécialisés…).

Ni animateur, ni psychothérapeute

Pour éviter les confusions et la dilution de la profession, les art-thérapeutes veillent scrupuleusement à bien définir les frontières de leur discipline : l’art-thérapie se distingue de l’atelier d’animation artistique et de la psychothérapie à support artistique. Le premier fait bénéficier le patient des effets de l’art sans chercher à les maîtriser ; la seconde interprète les travaux artistiques du patient et travaille sur la verbalisation. « L’art-thérapie peut certes offrir un débouché professionnel aux artistes mais l’art-thérapeute se situe du côté de la thérapie, pas de l’animation », tranche Richard Forestier, qui précise qu’il « n’est pas pour autant un psychothérapeute, comme c’est le cas au Canada par exemple ». La distinction n’est pas négligeable : en France, en effet, les psychologues sont considérés comme des cadres A de la fonction publique hospitalière alors que les art-thérapeutes, s’ils étaient reconnus comme des professionnels paramédi­caux, seraient considérés comme des cadres B.

Sur le terrain, les efforts de l’Afratapem commencent à porter leurs fruits. « Depuis deux ou trois ans, les choses bougent, constate Nathalie Berthomier. De plus en plus de chefs de service d’établissements sociaux et médico-sociaux se disent intéressés par l’art-thérapie et nous appellent pour avoir des renseignements plus précis. » Ce qui suscite une forme d’effervescence dans le milieu, à tel point que certains, comme Richard Forestier, n’hésitent pas à parler d’une profession en plein essor. « Il y a énormément de demandes de formation », avance-t-il. « On entre de toute évidence dans une autre phase », renchérit Nathalie Berthomier, qui rapporte la multiplication d’embauches d’art-thérapeutes à plein temps et/ou en contrats à durée indéterminée, un phénomène encore rare il y a peu. « Je rencontre beaucoup d’art-thérapeutes qui cherchent du travail mais aussi beaucoup d’employeurs qui cherchent des art-thérapeutes », note Julie Laguarrigue, déléguée de l’Afratapem en Aquitaine.

Malgré ce frémissement, l’art-thérapeute tâtonne encore en termes statutaires. Généralement salarié de la structure qui l’emploie (plus rarement installé à son compte), il est, la plupart du temps, rémunéré comme une profession paramédicale – souvent comme un ergothérapeute. Sur le terrain, certains art-thérapeutes constituent une association pour faciliter la facturation de leurs prestations aux structures qui les emploient. « Il faut faire preuve de souplesse et d’une grande capacité d’adaptation », observe Julie Laguarrigue, qui cumule le métier de musicienne et celui d’art-thérapeute (20 heures par semaine) dans un foyer d’accueil médicalisé, un foyer occupationnel et un cabinet privé.

« Selon qu’il est salarié ou indépendant, l’art-thérapeute a des pratiques différentes qui influencent ses relations avec le patient et l’équipe avec laquelle il travaille, analyse Suzanna Bardsley, art-thérapeute et comédienne, par ailleurs déléguée de l’Afratapem en Bretagne. En libéral, l’art-thérapeute passe moins de temps dans l’institution, ce qui peut le conduire à manquer d’informations sur le public auprès duquel il intervient et rendre plus difficile la mise en place d’un travail d’équipe. En outre, il est soumis à davantage de pression et son travail est plus facilement remis en cause. C’est un statut précaire et fatigant mais néanmoins formateur et enrichissant car il permet de multiplier les expériences et de conférer une certaine fraîcheur à la relation avec le patient. »

C’est toutefois comme salarié que l’art-thérapeute peut vraiment inscrire son travail dans une démarche pluridisciplinaire. « N’étant ni un spécialiste du corps, ni un spécialiste de la psyché, l’art-thérapeute a besoin – et c’est un enrichissement – de travailler avec les autres professionnels de l’établissement dans lequel il intervient », explique Fanny Crapart. A ce titre, sa présence s’avère indispensable lors des bilans, synthèses et autres réunions de service. Et, en amont de l’intervention, lorsqu’il intervient dans l’établissement de façon ponctuelle, des réunions préparatoires sont incontournables pour définir, avec l’équipe, les objectifs de prise en charge. « Il s’agit d’aller tous dans le même sens », précise Agnès Forestier, art-thérapeute, enlumineuse et calligraphe. D’où l’importance d’exercer, sous contrôle médical dans le secteur sanitaire ou sous l’autorité institutionnelle de l’établissement dans le secteur social, en complémentarité des autres professionnels du soin ou du social (psychomotriciens, ergothérapeutes, neuro-psychologues, éducateurs…). L’art-thérapeute doit donc être à l’aise avec le vocabulaire et les pratiques des autres disciplines qu’il est amené à côtoyer. C’est ainsi qu’il peut faire valoir l’originalité de son intervention qui, à travers l’émotion esthétique et à la différence du personnel paramédical traditionnel, « s’adresse davantage à ce qui fonctionne qu’à ce qui dysfonctionne chez le patient », précise Richard Forestier. Il arrive d’ailleurs que l’art-thérapie quitte le terrain médical pour mener des projets à la croisée du sanitaire et du social, voire dans le champ de l’action sociale.

Invente-t-elle pour autant des formes ­d’accompagnement singulières ? Ou ne fait-elle que reproduire des modes d’intervention déjà à l’œuvre, notamment dans les secteurs de la prévention spécialisée, de l’éducation spécialisée ou de l’animation socioculturelle ? L’apport spécifique de l’art-thérapie n’est pas toujours aisé à déceler au premier regard. Il est même parfois subtil (voir encadré, page 39). Cela dit, l’art-thérapie a, de toute évidence et en restant résolument elle-même, un savoir-faire spécifique à faire valoir au sein des institutions spécialisées, sur un terrain d’habitude réservé aux travailleurs sociaux. En témoigne cette expérience dans le cadre d’un centre d’accueil de jour, où, à raison d’un après-midi par semaine, Agnès Forestier est intervenue auprès de personnes sans abri à la demande de la structure pendant un an et demi. « Pour ne pas recréer de l’exclusion, l’atelier a eu lieu sur la base du volontariat, explique-t-elle. Pour susciter l’envie, je me suis d’abord installée avec mon matériel (plumes, pinceaux, encres, papier…) dans la pièce commune où chacun pouvait boire un café ». Petit à petit, certains se sont montrés intéressés et, selon les après-midi, de deux à 15 sans-abri ont investi l’atelier qui se déroulait dans une salle bien identifiée.

Un travail a pu être mené sur la régularité – une gageure pour ces itinérants – ainsi que sur l’estime de soi alors que ce public a souvent perdu toute considération pour lui-même. Il a aussi été possible de réconcilier certains usagers avec la notion de plaisir que la violence de la vie de sans-abri avait fait disparaître depuis longtemps. De même, alors que la rue contribue à distendre tout lien social, cette action a permis à quelques-uns d’amorcer une insertion dans un groupe – celui de l’atelier.

Si ce type d’intervention se généralise, il reste encore assez rare. Et, bien que certains « terrains » émergent au fil des ans – en direction des sans-abri, en milieu carcéral, autour de la péri-natalité ou, dernièrement, de l’accompagnement à la fin de vie –, il reste, selon Richard Forestier, encore bien des domaines à défricher.

Cette exploration tous azimuts ne doit pas faire oublier les formes plus classiques d’intervention de l’art-thérapeute en direction d’enfants souffrant d’autisme ou de troubles proches. A l’instar du travail effectué par cette art-thérapeute comédienne dans un hôpital de jour en pédopsychiatrie qui, après un an d’ateliers collectifs, a pu observer une amélioration des capacités relationnelles et expressives des patients ainsi que l’apparition du jeu. Ou en direction de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer comme dans cet hôpital de jour, dans la Vienne, où Valérie Landrault, art-thérapeute et plasticienne, a suivi une personne âgée de 84 ans, souffrant de démence sénile, dans le cadre de séances individuelles. Au départ réticente, la patiente a pu, grâce au dessin, retrouver ponctuellement certaines de ses capacité cognitives, atténuer son anxiété et rétablir en partie ses relations sociales. « En s’investissant dans ce projet esthétique, elle a gagné en autonomie et s’implique à nouveau dans la vie quotidienne : elle choisit ses vêtements, met le couvert chez elle, noue de nouvelles relations… », observe Valérie Landrault. Et de noter que la personne a retrouvé, à son grand étonnement, certains gestes liés à des fonctions exécutives qu’elle croyait avoir perdues.

Laurent Samson, art-thérapeute et musicien au sein du service d’addictologie du centre hospitalier universitaire d’Angers a, quant à lui, pu constater les progrès effectués par un jeune homme pris en charge dans le cadre d’un sevrage de cannabis et d’alcool. S’appuyant sur ses centres d’intérêt, il a accompagné son patient dans la création d’un jeu de rôle, mêlant dessin et écriture. Au fil des séances, le jeune homme a pu retracer l’histoire difficile vécue avec son père et sa dépendance aux produits. Un support qui l’a conduit, dans un premier temps, à amorcer un travail avec le psychologue du service. Aujourd’hui, il suit une formation de technicien en informatique et poursuit, par correspondance, une formation en bande dessinée. « Mon intervention a permis de changer le regard que l’équipe éducative portait sur lui : ce n’était plus seulement un fumeur de cannabis, c’était aussi une personne capable de mettre en scène sa vie et de raconter des histoires », constate Laurent Samson. Cette prise en charge a en outre montré l’intérêt de l’art-thérapie aux professionnels du service.

C’est à partir de ces pratiques de terrain et des recherches qu’elle mène que l’Afratapem cherche à affiner les outils méthodologiques de la discipline. Psychologue de formation, Fabrice Chardon, art-thérapeute musicien dans un service d’oncologie à Grenoble, intervient depuis 2009 auprès de huit patients en fin de vie. Afin d’évaluer les effets des séances à dominante musicale sur les patients, il travaille à la construction d’outils d’évaluation en lien avec l’équipe médicale. Les patients sont invités à mesurer la qualité de leur sommeil sur une échelle de 1 à 10 dans les 24 heures qui précèdent la séance et dans les 24 heures qui la suivent. Idem pour l’intensité de leur anxiété et le niveau de douleur ressenti en début et en fin de séance. « On constate, à l’issue des six séances, une amélioration générale ressentie par le patient qu’on peut expliquer par l’effet de rupture introduit par le plaisir esthétique et par l’inscription dans une dynamique d’échange », observe Fabrice Chardon, qui note toutefois que l’effet ne dépasse pas les 24 heures.

« Nous observons chaque jour le mieux-être des patients. Au quotidien, l’art­thérapie fait ainsi la preuve de son utilité mais il est encore difficile d’apporter des preuves scientifiques », souligne Richard Forestier, qui compte sur les avancées de la neurologie pour combler ces lacunes. A l’inverse de l’art-thérapie, certaines disciplines ne s’embarrassent pas de tant de précautions pour faire valoir leurs succès, avance, pour sa part, Nathalie Berthomier : « L’art-thérapie souffre de sa trop grande modestie qui l’empêche, malgré des résultats souvent tout à fait intéressants, de faire connaître son travail. » Cette réserve joue sans doute dans la faible reconnaissance de l’art-thérapie. Encore faut-il prendre en compte le contexte budgétaire tendu qui conduit la plupart des établissements à arbitrer entre plusieurs disciplines lorsqu’il faut choisir une intervention. Pour le même tarif (entre 45 € et 70 € bruts de l’heure), qu’est-ce qui fera opter l’institution pour un art-thérapeute plutôt que pour un ergothérapeute – pour ne prendre que les professions les plus proches ? Dans la période difficile actuelle où on assiste en outre à la mise en concurrence des professions paramédicales, il est difficile d’entrevoir, pour l’instant, des débouchés professionnels stables pour les art-thérapeutes fraîchement diplômés. Il est à craindre que la plupart devront se contenter de postes à temps partiel, au moins le temps de faire la preuve de leur professionnalisme et de leur légitimité. Richard Forestier ne dit pas autre chose : « Ce sont la compétence, le sérieux et la qualité du travail des art-thérapeutes qui leur apporteront la considération qu’ils méritent. »

UN MILLIER D’ART-THÉRAPEUTES DIPLÔMÉS D’UNIVERSITÉ

Quatre enseignements universitaires d’art-thérapie existent à ce jour en France : à la faculté de médecine de Tours, où le premier diplôme universitaire a été créé en 1985 par l’Ecole de Tours ; à la faculté de médecine et de pharmacie de Poitiers depuis 2005 ; à la faculté de médecine de Grenoble depuis 2008 et, depuis 2009, à la faculté libre de médecine de Lille. La formation se déroule en deux phases : d’une part, une formation professionnelle pré-universitaire permettant d’obtenir le certificat d’intervenant spécialisé en art-thérapie dispensée à Tours, Lyon et Lille sous la forme d’un enseignement général (210 heures) et d’un stage d’observation (105 heures); d’autre part, une formation universitaire permettant d’obtenir le diplôme universitaire (DU) d’art-thérapie. Le niveau requis correspond au minimum à un bac +3 ou à une pratique professionnelle dans les milieux sanitaire, social, culturel ou éducatif, en parallèle à une pratique artistique confirmée (équivalent à trois années d’études).

Il existe deux voies d’accès privilégiées à la formation d’art-thérapeute : dans la première, il s’agit d’artistes qui souhaitent s’investir dans un projet thérapeutique ou social ; dans la seconde, ce sont des salariés des domaines sanitaire, social ou éducatif (éducateurs, animateurs, infirmiers…), qui, ayant une compétence artistique, désirent la mettre en œuvre dans leur pratique professionnelle.

L’art-thérapie compte environ un millier d’art-thérapeutes diplômés d’université, alliant un acquis artistique de haut niveau et une formation universitaire supérieure. Mais, « parallèlement à ces professionnels diplômés, on trouve de très nombreuses formations privées ou de fédérations, de collèges ou d’instituts d’art-thérapie qui ne s’appuient pas tous sur un cadre précis », relève Richard Forestier, responsable scientifique des diplômes universitaires d’art-thérapie, qui invite à faire preuve de vigilance.

UNE VISÉE HUMANITAIRE ET THÉRAPEUTIQUE

Selon Richard Forestier, responsable scientifique des diplômes universitaires d’art-thérapie (4), l’art-thérapie correspond à l’exploitation du potentiel artistique dans une visée humanitaire et thérapeutique. « Par “potentiel artistique”, j’entends que l’art a un pouvoir d’entraînement et de projection dans la mesure où l’œuvre n’est pas encore faite, explique-t-il. Son objectif est humanitaire lorsque la personne qui en est destinataire n’est pas malade, ce qui est le cas lorsque l’art-thérapeute intervient dans le champ social par exemple. Et thérapeutique lorsque, au contraire, elle souffre de troubles psychiques ou physiques. » L’art-thérapeute met sa compétence artistique au service du soin ou de l’assistance aux personnes malades, handicapées, souffrant de troubles psychologiques et/ou physiques ou ayant des retards dans les acquisitions et le développement de la personnalité. Son intervention vise à impliquer l’art dans un processus de soin par l’exploitation de techniques artistiques variées (peinture, musique, danse, calligraphie, théâtre…). Avec une ambition : améliorer les troubles de l’expression, de la communication ou de la relation – autrement dit, la qualité de vie et le bien-être des patients – en travaillant sur l’émotion, la sensibilité, la créativité sans exclure le corps et en stimulant les facultés mentales (mémoire, imaginaire, concentration, intelligence). « L’objectif n’est pas de faire du patient un artiste et de lui demander de créer une œuvre d’art, mais de donner à l’activité artistique toute sa valeur en tant qu’activité humaine privilégiée d’expression », précise l’Afratapem (Association française de recherche et applications des techniques artistiques en pédagogie et médecine), qui œuvre depuis 25 ans à la reconnaissance de cette discipline.

ART-THÉRAPIE ET TRAVAIL SOCIAL : UNE FRONTIÈRE PARFOIS TÉNUE

A Bègles (Gironde), l’art-thérapeute Julie Laguarrigue intervient au sein de la résidence Maurice-Thorez dans le cadre d’une action intergénérationnelle d’art-thérapie. Objectif : accompagner la réalisation d’une « gazette » visant à recréer de la communication entre les habitants dans ce quartier sensible (en cours de renouvellement urbain), qui souffre des nuisances sonores et des incivilités quotidiennes de jeunes âgés de 16 à 22 ans. Au-delà de l’intérêt du projet, il est intéressant de se demander en quoi cette action, menée en partenariat avec les éducateurs de rue et le centre social, est marquée du sceau de l’art-thérapie.

Le même projet, porté par une équipe de travailleurs sociaux, aurait-il été différent ? « Nous sommes du côté du soin et pas du côté du social dans la mesure où l’intervention nous permet de toucher des personnes isolées pour lesquelles les travailleurs sociaux n’ont plus de solutions », répond Julie Laguarrigue, à l’origine du projet. Et d’évoquer notamment son action auprès d’une vieille femme du quartier, recluse chez elle et considérée comme marginale. « Sans compter que notre approche est d’abord artistique : poésies, dessins et photos sont largement utilisés dans la gazette et, pour certaines personnes, deviennent des outils d’expression privilégiés, poursuit-elle. En outre, certains habitants nous accordent plus facilement leur confiance car nous ne sommes justement pas du côté du travail social et des acteurs institutionnels qui interviennent habituellement dans le quartier. Ce qui ne nous empêche pas de passer le relais aux travailleurs sociaux lorsque certaines situations le nécessitent. » Sans doute est-ce dans cette collaboration étroite entre art-thérapeutes et travailleurs sociaux que réside le principal intérêt de la démarche. Encore faut-il que chaque discipline veille à conserver scrupuleusement sa singularité pour que le travail en commun s’enrichisse de la pratique de l’autre. Or la spécificité de l’art-thérapie semble encore manquer de lisibilité. En témoignent les difficultés rencontrées par Julie Laguarrigue pour financer son projet : « Certains partenaires ne voulaient que de l’art – la municipalité souhaitait même une fresque visible par tous – et d’autres ne juraient que par la thérapie. » Elle a finalement obtenu, à force de persuasion, des financements de la municipalité, des deux bailleurs sociaux présents sur le site et de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances.

Notes

(1) Créée en 1976 et connue sous le nom d’Ecole d’art-thérapie de Tours, elle a pour objet principal l’enseignement et la recherche en art-thérapie – Afratapem : 3, rue Calmette – 37540 Saint-Cyr-sur-Loire – Tél. 02 47 51 86 20 – www.art-therapie-tours.net.

(2) En Rhône-Alpes, Bretagne, Nord-Pas-de-Calais, Aquitaine et Centre, elles organisent des réunions d’échange de connaissances, des stages de techniques artistiques, des études de cas…

(3) Lors du congrès international d’art-thérapie organisé à Tours du 19 au 21 février dernier à l’occasion du 25e anniversaire du premier diplôme universitaire français d’art-thérapie sur le thème « Profession : art-thérapeute ».

(4) Egalement directeur de recherches à l’Ecole d’art-thérapie de Tours, professeur d’épistémologie artistique à l’Université européenne du travail à Bruxelles – Auteur de Tout savoir sur l’art-thérapie – Ed. Favre (5e édition augmentée), 2007.

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