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Projet de loi sur l’immigration : la CNCDH dénonce la banalisation de la rétention

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Loin de se limiter à transposer les directives communautaires, le projet de loi sur l’immigration, l’intégration et la nationalité (1) contribue à banaliser la privation de liberté en marginalisant le rôle du juge judiciaire et en renforçant les pouvoirs de l’administration. Telles sont, dans son avis adopté le 5 juillet (2), les principales critiques de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) sur ce texte qui devrait être examiné au Parlement au cours de la session extraordinaire de septembre, et dont le ministre de l’Immigration l’a saisie en mai dernier.

La privation de liberté banalisée

L’instance s’inquiète ainsi de l’extension des zones d’attente, qui pourraient être créées sur le lieu de découverte d’« un groupe d’étrangers » venant d’arriver en France et jusqu’au point de passage frontalier le plus proche. « Au-delà du fait que cette extension illimitée confirme la fiction juridique de la zone “internationale” qu’est la zone d’attente, elle contredit les exigences européennes et constitutionnelles en matière de protection de la liberté individuelle », explique-t-elle. Le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’Homme, en effet, exigent que le placement en zone d’attente « respecte le principe de légalité », principe qui veut que la loi « soit accessible, précise et prévisible ». Cette extension aurait des conséquences sur l’exercice du droit d’asile, puisque des demandeurs pourraient, dans les lieux déclarés zones d’attente, être assujettis à la procédure d’asile à la frontière. La représentation des mineurs isolés risquerait en outre d’être « inexistante », la mobilité de ces zones ayant toutes les chances de démultiplier les difficultés pour désigner un administrateur ad hoc dans les meilleurs délais.

La CNCDH désapprouve également le projet d’allonger la durée maximale de rétention de 32 à 45 jours, rappelant que toute privation de liberté « voit sa légalité subordonnée, tant dans la jurisprudence constitutionnelle qu’européenne, à sa stricte nécessité au regard de l’objectif poursuivi ». Elle s’alarme de l’allongement constant, depuis son institution, de la durée d’enfermement administratif, prolongations qui ont d’ailleurs été censurées à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat.

Le rôle du juge judiciaire marginalisé

« Le projet de loi réduirait le rôle du juge judiciaire en matière de contrôle de la rétention administrative en reculant le moment de l’intervention du juge des libertés et de la détention au sixième jour de rétention », critique encore l’instance. Or, pour le Conseil constitutionnel comme pour la Cour européenne des droits de l’Homme, la rétention administrative doit être placée sous le contrôle du juge, qui doit intervenir « dans le plus court délai possible » ou « dans les meilleurs délais ». La CNCDH conteste aussi la limitation des pouvoirs du juge des libertés et de la détention, « la loi prévoyant que seuls les vices de procédure présentant un caractère substantiel entraîneraient l’annulation de la décision privative de liberté ». La définition de ce caractère « substantiel », craint-elle, « serait une source supplémentaire d’insécurité juridique ».

La marginalisation du rôle du juge judiciaire serait, selon l’instance, confirmée par l’introduction d’une interdiction de retour en France pouvant durer jusqu’à cinq ans. Son application systématique contredirait, par sa durée, les principes de nécessité et de proportionnalité des peines. Mais cette sanction pourrait également porter « gravement atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale » et au droit d’asile si l’étranger renvoyé avait besoin de quitter son pays en raison de menaces de persécution.

Plus globalement, la CNCDH regrette un ensemble de mesures qui « restreint les droits des étrangers » et « s’oppose à la mise en œuvre effective du droit pour toute personne de quitter son pays ». Et si elle ne traite pas spécifiquement de la question dans son avis du 5 juillet, elle recommande de nouveau la révision des dispositions relatives au délit d’aide à l’entrée, au séjour et à la circulation des étrangers en situation irrégulière, conformément à son avis du 18 novembre 2009 (3), « afin que l’immunité soit le principe et l’infraction l’exception ». Elle demande également l’institution d’un recours suspensif en cas d’application de la procédure prioritaire à un demandeur d’asile ou de remise à un Etat membre d’un étranger relevant du « règlement Dublin II » (4).

Notes

(1) Voir ASH n° 2654 du 9-04-10, p. 5.

(2) Disponible sur www.cncdh.fr.

(3) Voir ASH n° 2634 du 27-11-09, p. 17.

(4) Règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers.

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