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Prise en charge des personnes transsexuelles incarcérées : les recommandations du contrôleur des prisons

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Plusieurs personnes transsexuelles condamnées à de longues peines ont saisi le contrôleur général des lieux de privation de liberté sur les difficultés qu’elles rencontrent pour leur prise en charge médicale. Selon l’avis que Jean-Marie Delarue a fait publier au Journal officiel à la suite de son enquête, trois constats s’imposent : absence d’information relative aux modalités de prise en charge médicale de ces personnes, difficile accès à l’offre de soins existant hors des établissements pénitentiaires et hétérogénéité de la gestion de leur détention en l’absence de principes directeurs. Au-delà du constat, le contrôleur général formule un certain nombre de préconisations pour améliorer la prise en charge des personnes transsexuelles en milieu carcéral. En réponse à cet avis, un représentant de l’administration pénitentiaire a indiqué, le 26 juillet à l’AFP, que cette situation ne concernait qu’une douzaine de personnes sur plus de 62 000 détenus. Et que la plupart des recommandations du contrôleur étaient déjà « majoritairement appliquées ».

Structurer l’accès aux soins

Tout d’abord, le contrôleur général rappelle que, en vertu de l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale et qu’il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit, sauf exceptions. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme considère quant à elle le transsexualisme comme un état médical justifiant un traitement destiné à aider les personnes concernées à obtenir les marques extérieures du sexe qu’elles souhaitent se voir reconnaître. D’ailleurs, depuis un arrêt de la cour de 1992 (1), en France, l’accès aux traitements hormonaux et chirurgicaux n’exige aucune formalité juridique ni autorisation. Et tout refus de procéder à une modification des actes d’état civil, sous réserve du respect des conditions prévues (2), constitue une violation de l’article 8 de la convention.

S’agissant de l’offre de soins, aux termes de l’article L. 6112-1 du code de la santé publique, le service public hospitalier se doit d’exercer ses missions de diagnostic et de soins en milieu pénitentiaire, indique Jean-Marie Delarue. En outre, l’article 46 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 (3) a consacré le droit à des soins de qualité et continus dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population. Il en résulte que les personnes transsexuelles incarcérées ont le droit d’accéder à l’offre de soins organisée au sein des établissements pénitentiaires mais aussi hors de ceux-ci si cela s’avère nécessaire.

Sur cette base, le contrôleur général propose de structurer les soins, tel que l’a préconisé la Haute Autorité de santé dans un récent rapport (4) : création d’équipes de référence multidisciplinaires chargées de l’évaluation et de la prise en charge globale de la personne transsexuelle ainsi que la mise en œuvre d’un parcours de soins (diagnostic différentiel, expérience en vie réelle, hormonosubstitution, chirurgie de réassignation, le cas échéant). Dans l’immédiat, estime-t-il, il convient de recourir aux équipes pluridisciplinaires existantes au sein du service public hospitalier et du secteur libéral.

Par ailleurs, les personnels soignants des unités de consultations et de soins ambulatoires et des services médico-psychiatriques régionaux doivent bénéficier « rapidement » d’une action de sensibilisation et d’information sur cette problématique afin de mieux renseigner les personnes concernées sur leurs droits. Parallèlement, Jean-Marie Delarue souhaite que, tout au long du parcours de soins, ces dernières puissent recourir à un accompagnement psychologique si elles en ressentent le besoin. Il recommande aussi à l’administration pénitentiaire, lors de la phase préalable de diagnostic différentiel, d’affecter, en tant que de besoin, le détenu transsexuel dans un établissement situé à proximité de l’équipe pluridisciplinaire. Une fois le parcours de soins initié, l’administration pénitentiaire doit garantir la continuité et la régularité des extractions médicales nécessaires et, pour cela, l’équipe médicale de référence doit lui communiquer, dans les meilleurs délais, les dates de consultation.

Garantir la sécurité des personnes concernées

Le contrôleur général demande à l’administration pénitentiaire de veiller à ce que l’intégrité physique de la personne soit protégée tout au long du parcours de soins, sans que cela conduise nécessairement à son placement à l’isolement, et à ce que celle-ci ne subisse de pressions ou de brimades d’aucune sorte ni d’aucune autre personne du fait de son projet. D’ailleurs, si la personne concernée le demande, l’encellulement individuel doit être assuré. En outre, insiste-t-il, dès le parcours de soins engagé, les fouilles doivent se dérouler dans des conditions de particulière retenue permettant de respecter la dignité du détenu. Dès lors que l’irréversibilité du processus de conversion sexuelle est médicalement établie par l’équipe pluridisciplinaire, les fouilles doivent être réalisées par des agents du même sexe que le sexe de conversion, sans attendre que le changement d’état civil soit intervenu. Enfin, Jean-Marie Delarue précise que l’affectation de la personne transsexuelle doit se faire au mieux de ses intérêts et des impératifs de gestion des établissements pénitentiaires. C’est pourquoi l’affectation dans un établissement ou un quartier correspondant à la nouvelle identité sexuelle doit intervenir au plus tôt, une fois l’irréversibilité du processus de conversion sexuelle établie et au plus tard au moment du changement d’état civil.

[Avis du 30 juin 2010, J.O. du 25-07-10]
Notes

(1) CEDH, 25 mars 1992, B. contre France, série A, n° 232-C.

(2) Quatre conditions cumulatives doivent être remplies : le syndrome de dysphorie de genre doit avoir été constaté médicalement ; l’intéressé doit adopter le comportement social du sexe désiré ; la personne doit avoir suivi un traitement médico-chirurgical, sans attendre l’ablation des organes génitaux ; une expertise judiciaire doit constater le changement de sexe.

(3) Voir notamment ASH n° 2637 du 18-12-09, p. 45.

(4) Situation actuelle et perspectives d’évolution de la prise en charge du transsexualisme – Disp. sur www.has.fr, rubrique « Toutes nos publications », puis « Organisation des soins ».

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