Recevoir la newsletter

Le gouvernement prêt à opérer un nouveau tour de vis sécuritaire

Article réservé aux abonnés

En réaction à divers incidents survenus cet été, le chef de l’Etat a durci son discours sécuritaire en ciblant plus particulièrement les Français d’origine étrangère, les Roms ainsi que les parents de mineurs délinquants. Une série de nouvelles dispositions législatives devrait prochainement être soumise au Parlement.

Déchéance de la nationalité française pour les Français d’origine étrangère coupables de certaines infractions, mise en cause de la responsabilité pénale des parents de mineurs délinquants, stigmatisation des gens du voyage et des Roms… : à la suite de plusieurs incidents survenus au cours de l’été, le président de la République est monté d’un cran sur le thème de la sécurité dans un discours très musclé prononcé le 30 juillet à Grenoble, établissant clairement, au passage, un parallèle entre la délinquance et les difficultés d’intégration de certains immigrés. Tour d’horizon des principales mesures annoncées, qui ont soulevé l’indignation voire la colère des associations et des acteurs de terrain (sur les réactions associatives, voir ce numéro page 28).

Vers de nouvelles possibilités de déchéance de la nationalité ?

Le chef de l’Etat était à Grenoble pour y installer le nouveau préfet de l’Isère, Eric Le Douaron, un ex-haut gradé de la police nommé à la suite de la flambée de violence survenue à la mi-juillet dans un quartier populaire de la ville. Des violences consécutives à la mort d’un braqueur – originaire du quartier et condamné trois fois aux assises pour vol à main armée – après une course-poursuite avec la police, laquelle avait essuyé, à cette occasion, des tirs d’armes à feu. Nicolas Sarkozy s’est ainsi saisi de ces événements pour annoncer un nouveau renforcement de l’arsenal répressif contre les délinquants. Entouré de la ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, et du ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, il a notamment déclaré vouloir étendre dès le 7 septembre – date de la rentrée parlementaire – les peines planchers « à toutes les formes de violences aggravées, c’est-à-dire notamment [celles commises] sur des personnes dépositaires d’une autorité publique ». « L’instauration d’une peine de prison incompressible de 30 ans pour les assassins de policiers ou de gendarmes sera également discutée au Parlement à la rentrée » (1), a-t-il ajouté, invitant par ailleurs députés et sénateurs à débattre également du champ d’application du bracelet électronique. « Je souhaite notamment que les magistrats puissent condamner automatiquement les multirécidivistes au port du bracelet électronique pendant quelques années après l’exécution de leur peine », a indiqué le président de la République.

Mais l’annonce qui aura fait couler le plus d’encre est sans conteste celle sur la déchéance de la nationalité. Le chef de l’Etat a ainsi demandé que la nationalité française puisse être retirée à toute personne d’origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d’un fonctionnaire de police, d’un gendarme ou de toute autre personne dépositaire de l’autorité publique (2). Quelques jours plus tard, Brice Hortefeux a même proposé d’aller plus loin en étendant les possibilités de déchéance aux situations de « polygamie de fait », d’excision et de traite des êtres humains. Le ministre de l’Intérieur fera, à cet égard, des « propositions juridiques » à l’Elysée « dès la fin du mois d’août », a-t-il indiqué le 8 août dans un communiqué. Sans donner le contenu de ces propositions, il a assuré qu’elles se feront « en liaison » avec Michèle Alliot-Marie et le ministre de l’Immigration, Eric Besson.

Nicolas Sarkozy a également émis le souhait que l’acquisition de la nationalité française par un mineur délinquant au moment de sa majorité ne soit plus automatique (3). A ce propos, Eric Besson a, le 6 août, indiqué dans un entretien accordé au Figaro qu’il présentera un amendement en ce sens en septembre, dans le cadre du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

Toujours dans son discours prononcé à Grenoble, le chef de l’Etat a par ailleurs clairement établi un lien entre délinquance et immigration. « Nous subissons les conséquences de 50 années d’immigration insuffisamment régulée qui ont abouti à un échec de l’intégration », a-t-il affirmé. « Nous sommes si fiers de notre système d’intégration. Peut-être faut-il se réveiller pour voir ce qu’il a produit ? Il a marché, il ne marche plus. » Soulignant le taux de chômage des étrangers non communautaires – 24 % en 2009 –, il a par ailleurs souhaité que les droits et les prestations auxquelles ont aujourd’hui accès les étrangers en situation irrégulière soient évalués (4).

Les Roms une fois de plus dans le collimateur du gouvernement

Rappelant la nécessité de reconduire les clandestins aux frontières, Nicolas Sarkozy a évoqué la situation des Roms, qui avait déjà été au centre – avec celle des gens du voyage – d’une réunion organisée deux jours plus tôt après, là encore, un fait divers (5), et à laquelle assistaient, en plus du chef de l’Etat, le Premier ministre et les ministres concernés. « Nous devons mettre un terme aux implantations sauvages de campements de Roms », a martelé le président de la République. « Ils constituent des zones de non-droit qu’on ne peut tolérer en France. » Le gouvernement va ainsi procéder « d’ici à fin septembre au démantèlement de l’ensemble des camps qui font l’objet d’une décision de justice ». « Là où cette décision de justice n’a pas encore été prise, a-t-il ajouté, nous engagerons des démarches pour qu’elle intervienne le plus rapidement possible. » « Dans les trois mois », a assuré Nicolas Sarkozy, la moitié des « 539 campements illégaux » – de Roms et de gens du voyage – auront disparu du territoire français.

Le chef de l’Etat souhaite par ailleurs que « dès l’automne prochain, la loi applicable à ce type de situation soit réformée ». « La décision d’évacuer les campements sera prise sous la seule responsabilité des préfets et leur destruction interviendra par référé du tribunal de grande instance, dans un délai bref », a-t-il indiqué.

Le président de la République n’est pas revenu en détails sur les autres mesures arrêtées à l’occasion de la réunion ministérielle du 28 juillet, mais elles méritent d’être mentionnées. Ainsi, le gouvernement va procéder « à la reconduite quasi immédiate des Roms qui auraient commis des atteintes à l’ordre public ou des fraudes en direction de la Bulgarie ou de la Roumanie », indiquait l’Elysée le 28 juillet dans un communiqué. La future loi sur l’immigration devrait, à cet égard, permettre de faciliter la mise en œuvre de ces mesures d’éloignement. En outre, l’autorisation de ratifier une convention entre la France et la Roumanie permettant de raccompagner dans leurs pays les mineurs isolés roumains devrait être « votée par l’Assemblée nationale dès le début de l’automne ». Par ailleurs, une action de « coopération intense » avec les autorités roumaines et bulgares sera mise en œuvre, par le biais d’échanges de policiers. De plus, afin d’empêcher les personnes ayant bénéficié de l’aide au retour volontaire de pouvoir la percevoir de nouveau en cas de retour en France, elles devront laisser, en partant, leurs empreintes digitales dans un fichier biométrique, opérationnel très prochainement. Autre mesure annoncée : l’exécutif va charger dix inspecteurs du fisc de « contrôler la situation des occupants des camps illicites ». « En effet, beaucoup de nos compatriotes sont à juste titre surpris en observant la cylindrée de certains véhicules qui traînent les caravanes », a expliqué le ministre de l’Intérieur à la suite de la réunion ministérielle… tout en promettant que le gouvernement allait parallèlement « poursuivre la politique de développement des aires d’accueil » des populations nomades.

Les parents de mineurs délinquants bientôt pénalement sanctionnés ?

Pour Nicolas Sarkozy, « la délinquance actuelle ne provient pas d’un mal-être [mais] résulte d’un mépris pour les valeurs fondamentales de notre société ». C’est ainsi que se pose, à ses yeux, la question de la responsabilité des parents, qui doit, estime-t-il, être mise en cause pénalement lorsque des mineurs commettent des infractions.

Deux jours après le discours du chef de l’Etat, le secrétaire national de l’UMP chargé de la sécurité, le député Eric Ciotti, a, dans un entretien accordé au Journal du dimanche, apporté des précisions sur la proposition de loi qu’il déposera prochainement pour répondre au souhait présidentiel. Le texte proposera plus précisément que les parents de mineurs délinquants puissent être sanctionnés de deux ans de prison ferme et de 30 000 € d’amende s’ils n’ont pas fait respecter les interdictions et les obligations auxquelles sont soumises leurs enfants condamnés. Il s’agira, autrement dit, d’une extension de l’actuel article 227-17 du code pénal, qui prévoit ces peines pour tout parent qui n’aurait pas satisfait à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur (6). Une disposition aujourd’hui très peu utilisée… L’objectif de la proposition, a expliqué le député, est que « systématiquement, en cas de condamnation d’un mineur, le magistrat mette en place un plan de probation sous la responsabilité » des parents. Le jeune aura alors des interdictions claires comme celle de paraître dans certains lieux, ou d’entrer en relation avec certaines personnes, ainsi que des obligations en termes de résultats scolaires.

Notes

(1) Dans le cadre du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

(2) L’article 25 du code civil encadre aujourd’hui très strictement cette procédure. La déchéance ne doit pas avoir pour effet de rendre une personne apatride, elle nécessite un avis du Conseil d’Etat, avis qui doit être conforme. Enfin, elle n’est possible qu’à l’égard de personnes ayant commis certains actes comme des crimes et délits liés au terrorisme ou qui portent atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation.

(3) Les enfants, nés en France, de parents étrangers accèdent actuellement de plein droit à la nationalité française à l’âge de 18 ans, s’ils n’ont pas fait de déclaration entre 13 et 16 ans avec l’autorisation des parents ou à partir de 16 ans seuls, avec pour unique condition celle d’un séjour de cinq ans dans les sept ans qui précèdent la date d’acquisition de la nationalité.

(4) Rappelons que l’évaluation du coût de l’immigration clandestine fait déjà l’objet d’une étude commandée par Eric Besson et dont les premiers résultats sont attendus en septembre. Par ailleurs, des associations et des parlementaires de tous bords ont entamé en juin dernier un audit de la politique d’immigration dans son ensemble – Voir en dernier lieu ASH n° 2659 du 14-05-10, p. 32.

(5) A savoir des violences commises à Saint-Aignan (Loir-et-Cher), où une gendarmerie a été attaquée et de nombreuses dégradations commises à la suite de la mort d’un jeune homme – membre de la communauté des gens du voyage – au cours d’une course-poursuite.

(6) Interrogée à ce sujet début juillet par les ASH, la spécialiste du droit familial Françoise Dekeuwer-Défossez subodorait qu’Eric Ciotti utiliserait cet article et s’était montrée, à cet égard, très critique – Voir ASH n° 2668-2669 du 16-07-10, p. 24.

Dans les textes

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur