Le Conseil d’Etat a, le 23 juillet dernier, annulé partiellement la liste des pays d’origine sûrs dressée le 20 novembre 2009 par le conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Répondant à une requête présentée par France terre d’asile, Forum réfugiés et huit autres associations (1), la Haute Juridiction a plus précisément supprimé quatre pays : l’Arménie, la Turquie, Madagascar ainsi que, pour les femmes uniquement, le Mali (2).
Pour mémoire, est considéré comme « sûr » un pays qui « veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l’état de droit, ainsi que des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ».
L’Arménie a ainsi été écartée par les sages du Palais Royal en raison des violences dont sont victimes les opposants au pouvoir dans ce pays. De la même façon, ils reprochent à la Turquie l’existence de violences à l’égard des ressortissants turcs d’origine kurde, ainsi que des limitations à la liberté d’expression en vigueur dans cet Etat. Madagascar a, pour sa part, été rayé de la liste en raison de la grande instabilité politique qui y règne depuis 2009 ainsi que des violences et persécutions dont sont victimes les opposants au pouvoir. Enfin, la Haute Juridiction juge que le Mali ne peut pas être considéré, pour les ressortissantes de cet Etat, comme un pays d’origine sûr compte tenu de la fréquence des pratiques d’excision. Elle a, en revanche, maintenu son inscription pour les ressortissants masculin de ce pays.
Au final, la liste des pays considérés comme des pays d’origine sûrs comporte désormais les pays suivants : Bénin, Bosnie-Herzégovine, Cap-Vert, Croatie, Ghana, Inde, Macédoine, Mali (en ce qui concerne les hommes), Maurice, Mongolie, Sénégal, Serbie, Tanzanie et Ukraine.
Les demandes d’asile déposées par les ressortissants de tels Etats suivent une procédure spécifique – dite procédure prioritaire –, plus rapide et non assortie de droits sociaux. En outre, en cas de rejet de la demande d’asile par l’OFPRA, le recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) n’est pas suspensif. Le demandeur peut donc être renvoyé dans son pays d’origine dans l’attente de la décision.
Quelques jours après l’arrêt du Conseil d’Etat, le ministère de l’Immigration a alerté les préfets des conséquences de cette décision dans une nouvelle circulaire consacrée aux pays d’origine sûrs (3).
Il se penche en premier lieu sur le sort des ressortissants des Etats rayés de la liste dont la demande d’asile a d’ores et déjà été enregistrée en procédure prioritaire mais n’a pas encore fait l’objet d’une décision de l’OFPRA. Ceux-ci, indique le ministère, pourront se voir délivrer un récépissé d’admission provisoire au séjour renouvelable jusqu’à la notification de la décision définitive sur la demande d’asile et se voir proposer une offre de prise en charge dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile.
Par ailleurs, si une décision de refus de séjour assortie d’une obligation de quitter le territoire – non encore exécutée – a été prise à l’encontre d’un ressortissant de l’un de ces pays dont la demande a été rejetée par l’OFPRA et fait l’objet d’un recours devant la CNDA, les préfets sont invités à retirer cette décision et, si l’intéressé en remplit les conditions, à lui délivrer un récépissé qui sera renouvelé jusqu’à la notification de la décision de la cour.
Toutefois, précise encore la circulaire, la mise en œuvre de l’arrêt du Conseil d’Etat n’exclut pas la possibilité de maintenir ou de décider leur placement en procédure prioritaire :
si leur présence constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat ;
si leur demande d’asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d’asile ou n’est présentée qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement prononcée ou imminente.
(1) Les huit premières associations à avoir déposé un recours, en février dernier, étaient Amnesty International France, le Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), la Cimade, l’association d’avocats ELENA France, l’Association d’accueil aux médecins et personnel de santé réfugiés, Dom’Asile, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture-France (ACAT-France) et la Ligue des droits de l’Homme. Elles avaient été suivies une semaine après par France terre d’asile et Forum réfugiés.
(2) Le jour même, dans un communiqué commun, les huit premières associations requérantes se sont réjouies d’une décision qui, selon elles, « confirme que la classification de tel ou tel Etat dans la liste des “pays sûrs” repose sur des choix politiques opportunistes et nullement sur des bases objectives ». « C’est d’ailleurs pourquoi l’Union européenne échoue depuis 2005 à définir une liste commune. » Pour elles, la notion de pays d’origine sûr doit être retirée de la législation française.
(3) Circulaire n° NOR IMIA1000120C du 30 juillet 2010, disp. sur