Dans une décision du 30 juillet, le Conseil constitutionnel a estimé les dispositions du code de procédure pénale encadrant la garde à vue inconstitutionnelles. La Haute Juridiction avait été saisie par la Cour de cassation de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité (1), notamment sur le régime de droit commun de cette mesure de contrainte. Un régime que le gouvernement s’est engagé à modifier dans le cadre de la réforme de la procédure pénale. Toutefois, il devra y travailler au plus tôt, la Haute Juridiction ayant considéré que le code de procédure pénale n’apportait pas les garanties appropriées à l’utilisation qui est faite de la garde à vue compte tenu des évolutions en la matière depuis 20 ans (banalisation, rôle restrictif de l’avocat…). Une décision saluée entre autres par le Syndicat de la magistrature et le Conseil national des barreaux, et dont la garde des Sceaux a pris acte : elle a indiqué le 30 juillet à l’AFP qu’elle allait enrichir son projet de réforme de la garde à vue au regard des conclusions du conseil, projet qu’elle entend soumettre au Conseil d’Etat « très prochainement ».
Pour mémoire, sauf exceptions, une personne peut être placée en garde à vue pendant 24 heures renouvelables une fois. Dès le début, elle peut demander à s’entretenir avec un avocat pendant 30 minutes, celui-ci n’ayant ici qu’un rôle de conseil puisqu’il n’a pas, à cette étape, accès aux pièces de la procédure et n’assiste pas aux interrogatoires. Toutefois, depuis 1993 – date de la dernière réforme d’envergure en la matière –, « certaines modifications des règles de la procédure pénale ainsi que des changements dans les conditions de sa mise en œuvre ont conduit à un recours de plus en plus fréquent à la garde à vue et modifié l’équilibre des pouvoirs et des droits fixés par le code de procédure pénale », estime le Conseil constitutionnel. Plus de 790 000 mesures de garde à vue ont ainsi été décidées en 2009, y compris pour des infractions mineures, contribuant ainsi à banaliser le recours à ce dispositif.
Bien que la garde à vue demeure une mesure de contrainte nécessaire à certaines opérations de police judiciaire, ces évolutions doivent toutefois « être accompagnées de garanties appropriées encadrant [son] recours ainsi que son déroulement et assurant la protection des droits de la défense », indique la Haute Juridiction. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas puisque le code de procédure pénale permet de retenir une personne suspectée d’avoir commis une infraction quelle que soit la gravité des faits, mesure qui peut être prolongée sans que cette faculté ne soit réservée à des infractions présentant une certaine gravité. En outre, précise-t-elle, les dispositions en vigueur ne permettent pas à l’intéressé de bénéficier d’une assistance effective de son avocat, ce qui constitue une « restriction des droits de la défense […], sans considération des circonstances particulières susceptibles de la justifier, pour rassembler ou conserver les preuves ou assurer la protection des personnes ». Au regard de cet état de fait, le Conseil constitutionnel considère que la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties ne peut plus être regardée comme équilibrée. Et que les dispositions du code de procédure pénale sur la garde à vue méconnaissent les articles 9 (présomption d’innocence) et 16 (garantie des droits et séparation des pouvoirs) de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789.
En conséquence, la Haute Juridiction déclare contraires à la Constitution les articles 62, 63, 63-1, 63-4, alinéas 1 à 6, et 77 du code de procédure pénale régissant la garde à vue. Toutefois, elle autorise le gouvernement à reporter leur abrogation au 1er juillet 2011 afin de permettre au législateur de remédier à cette inconstitutionnalité. En toute logique, a ajouté l’instance, « les mesures prises avant cette date en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité. » En d’autres termes, précise la chancellerie dans une circulaire, « les procédures d’enquête judiciaire en cours et celles qui seront diligentées jusqu’au 1er juillet 2011 devront être réalisées conformément aux dispositions du code de procédure pénale en vigueur jusqu’à cette date » (2).
(2) Une « position aberrante », estime le Syndicat de la magistrature dans un communiqué du 12 août, car les personnes qui ont indirectement saisi le Conseil constitutionnel ne bénéficieront pas de sa décision et que la Constitution pourra continuer à « être impunément violée pendant 11 mois ».