Une bande dessinée dramatique, touchante, drôle et esthétique, dont l’action se déroulerait dans un foyer de l’aide sociale à l’enfance, ça n’existe pas, ça n’existe pas. Et pourquoi pas ? Mise en couleurs au pinceau très dense, l’histoire contée par Théa Rojzman réunit tout cela. Jordan et son petit frère Dion n’arrivent pas à s’intégrer dans le foyer où ils ont été placés parce que « leur mère s’est pendue et leur père est parti avec une pute ». Abandonnés par leur famille, ils le sont également par l’école, les autres enfants, l’institution, désemparée devant ces « chers petits frères diaboliques », et même par le « pepsicologue », qui veut les séparer. Alors ils se murent dans leur univers, créant leur propre langage. Les vignettes alternent entre fantasme et réalité de leur vie. Par moments, les garçons en veulent tant à ceux qui les entourent qu’ils songent à « tuer tout le monde à la mitraillette » ou, pourquoi pas, à « trouver une corde » pour faire « comme maman » et aller là où « plus personne ne peut (les) attraper ». Tout aurait pu très mal finir si personne n’avait été capable de leur tendre la main…
Théa Rojzman croit en la résilience. Avant de se tourner vers l’illustration, elle a été formée à la thérapie sociale et à la philosophie. Elle a aussi été un temps animatrice dans l’éducation spécialisée, et a souffert tant de la violence qui régnait dans certains établissements que de son impuissance à aider les enfants abîmés par la folie des adultes. Certes, ces jeunes n’étaient pas « sages comme une image », mais ils ont été l’inspiration de cette histoire extraordinaire.