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RENFORCER L’OBLIGATION DE SURVEILLANCE DES PARENTS : « UNE MAUVAISE RÉPONSE À UNE VRAIE QUESTION »

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A la demande de Nicolas Sarkozy, les députés (UMP) Eric Ciotti et Edouard Courtial devraient déposer prochainement une proposition de loi pour « renforcer la responsabilité pénale des parents d’enfants mineurs délinquants » et les soumettre à une plus grande obligation de surveillance. Une mesure d’affichage, estime Françoise Dekeuwer-Défossez, spécialiste du droit familial (1).

Que pensez-vous de cette initiative ?

Je suis quand même rassurée de voir qu’il ne s’agit plus, comme l’avait demandé initialement Nicolas Sarkozy, de rendre les parents de mineurs pénalement responsables. En effet, le père et la mère ne sont responsables que civilement des actes commis par leurs enfants. Ils ne peuvent donc être tenus que d’indemniser les dommages aux victimes. En revanche, la responsabilité du fait d’autrui n’existe pas en droit pénal, qui repose sur l’intention de commettre un crime ou un délit. Plutôt que de s’exposer à la censure du Conseil constitutionnel avec un texte portant atteinte à un principe général du droit, les députés ont préféré, et c’est heureux, renforcer l’obligation de surveillance qui existe déjà.

Quel article peuvent-ils utiliser ?

Ils vont, à mon sens, utiliser l’article 227-17 du code pénal. Selon celui-ci, le père ou la mère qui, sans motif légitime, se soustrait à ses obligations légales au point de compromettre gravement la santé, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur est passible de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. Cet article est peu utilisé car il faut vraiment que les parents aient conscience de s’être soustraits à leurs obligations. Il est possible de l’élargir aux parents qui, par négligence ou imprudence, n’ont pas assumé leur obligation d’éducation à l’égard de leur enfant délinquant. On risque néanmoins de se heurter à un problème de preuve. Il ne semble pas que ce soit la voie choisie, mais il serait possible aussi d’élargir la notion de complicité. Les parents peuvent être poursuivis pénalement comme complices lorsqu’ils organisent la délinquance de leur enfant mineur, par exemple en l’incitant à voler. On pourrait considérer qu’ils sont aussi complices lorsqu’ils ne font rien pour l’empêcher de commettre des infractions. Mais là aussi la preuve serait difficile à faire.

Ce type de mesure est-il efficace ?

Il a surtout un effet d’affichage. Renforcer l’obligation de surveillance des parents, tout comme suspendre leurs allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire de leur enfant, repose sur l’idée que ceux-ci auraient dû faire quelque chose et qu’ils ne l’ont pas fait. C’est très discutable. Non pas qu’il n’y ait pas de lien entre leur comportement et celui du mineur, mais quand on se pose la question, c’est trop tard. Ce n’est pas la sanction, ou sa menace, qui va les aider à réinvestir leur rôle de parents.

Les députés veulent accompagner les parents, en cas de carence éducative, avec des stages parentaux…

Sauf que leur efficacité reste à prouver. Depuis 2000, la Grande-Bretagne expérimente ce type de stage et le taux de délinquance juvénile est passé de 0,7 % à 1 %. En outre, que fera-t-on avec les parents récalcitrants ? On peut supposer qu’ils seront condamnés à une amende ou à une peine de prison. Or faire payer ces parents, qui ont souvent de faibles revenus, n’est pas pertinent.

Quant à la peine de prison, elle serait contre-productive, car elle nuit à l’éducation de l’enfant et les parents savent bien qu’elle ne sera jamais prononcée.

C’est donc un coup d’épée dans l’eau ?

On apporte une mauvaise réponse à une vraie question. Pourquoi les parents n’arrivent-ils pas à empêcher leur enfant de commettre des infractions ? Si une minorité n’en a cure, la plupart sont complètement dépassés pour de nombreuses raisons. On va encore surcharger le code pénal avec des mesures que le juge n’utilisera pas parce qu’elles sont inefficaces. Ainsi, le retrait de l’autorité parentale, qui est tout à fait possible en cas de maltraitance, est peu prononcé car les magistrats ne voient pas son utilité.

Notes

(1) Professeur à la faculté libre de droit de Lille.

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