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Le vieillissement, un défi pour les territoires

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Alors que les générations nombreuses du baby-boom arrivent aujourd’hui à l’âge de la retraite, le vieillissement démographique pose la question de l’adaptation des territoires et du décloisonnement des politiques de l’urbanisme et du médico-social. Les collectivités abordent ce nouveau défi en ordre dispersé. A la clé pourtant, un développement urbain plus durable et solidaire.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon les dernières projections de l’INSEE (1), en 2050 un Français sur trois sera âgé de plus de 60 ans, contre un sur cinq aujourd’hui, et près de 11 millions d’entre eux auront plus de 75 ans, contre 5,5 millions actuellement. De telles projections pourraient laisser penser que, désormais, chaque collectivité territoriale, chaque programme d’aménagement du territoire, chaque plan d’urbanisme, va faire de la prise en compte du vieillissement de la population une priorité. Or, en dépit des rapports alarmistes qui se succèdent, force est de constater que les politiques locales peinent à intégrer cette réalité. Dans une étude conduite dans cinq départements (voir encadré, page 32), l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL) évoque « un chantier dont le stade d’avancement se limite encore aux fondations ». Pour elle, « si la convergence des politiques du vieillissement et des politiques de l’habitat est déjà amorcée en termes de débats, de réflexions, de programmes et d’expériences éclatées […], elle est aussi, et peut-être surtout, une perspective en devenir ».

C’est que, dans ce champ de l’intervention publique, l’héritage du passé et le poids des représentations pèsent fortement. « Les politiques publiques se sont forgées dans les années 1970-1980 autour des populations cibles en pointant le “problème des personnes âgées” et en le traitant avec des équipements, des services et des prestations spécifiques. Simplement, cette approche révèle aujourd’hui ses impasses, notamment parce que les maisons de retraite, les services à domicile, voire les clubs du troisième âge, ont tous aujourd’hui une image stigmatisante », explique Dominique Argoud, sociologue (2). Conséquence : beaucoup d’élus municipaux, placés devant la nécessité d’agir vis-à-vis d’une population vieillissante, sont désemparés, car les réponses existantes ne sont plus adaptées. Pour résoudre l’équation, la plupart vont s’orienter vers des constructions légères, destinées à un public peu dépendant, en renvoyant les équipements lourds vers le département, constate Dominique Argoud. « Le risque est pour les années à venir, souligne-t-il. Alors qu’il serait nécessaire d’engager une réflexion sur une politique territoriale du vieillissement à un échelon qui dépasse le seul niveau de la commune, on voit se développer sur les territoires des équipements conçus sans aucun lien avec les acteurs médico-sociaux et sans notion de durabilité. Et on va découvrir dans 20 ou 30 ans qu’ils ne sont absolument pas adaptés à la réalité des besoins. »

A cela s’ajoute la focalisation de nombreuses collectivités locales ou territoriales sur les établissements, qui contribue à masquer les besoins territoriaux. La CNSA (caisse nationale de solidarité pour l’autonomie), chargée de répartir les enveloppes financières dans le secteur des personnes âgées, vérifie ce phénomène dans les demandes qui lui parviennent. « Alors que les politiques des collectivités s’inscrivent dans une politique nationale, caractérisée par un effort vers le maintien à domicile et la fixation d’objectifs basés sur une espérance de vie sans incapacité, les stratégies départementales qui remontent spontanément dessinent un scénario très différent. En fait, deux tiers des demandes de financement se reportent sur les EHPAD [établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes], sachant que la demande des personnes va majoritairement vers leur maintien au domicile », témoigne Evelyne Sylvain, directrice des établissements et services médico-sociaux de la CNSA.

Un manque d’anticipation

La réflexion sur l’impact du vieillissement sur les territoires en est, elle-même, à ses balbutiements. « Sans doute parce qu’il est difficile de se projeter sur ce que pourrait être notre situation personnelle dans quelques décennies, on peine à imaginer l’ensemble des problèmes qui se poseront, tels que la dépendance ou la baisse d’acuité visuelle », constate Florence Le Nulzec, consultante en développement territorial. Selon elle, rares sont encore les collectivités qui intègrent cette réalité dans leur programme local de l’habitat (PLH), un document qui engage pourtant sur une durée de cinq à six ans l’ensemble de la politique du logement d’un territoire : « Généralement, les PLH intègrent la programmation des logements spécialisés issue des schémas gérontologiques et, éventuellement, l’accompagnement d’actions expérimentales, mais on en trouve peu qui ont une approche transversale du vieillissement. » Même tendance du côté des acteurs de la gérontologie. L’ANIL, après avoir étudié les schémas gérontologiques de quatre départements, note que, si tous effectuent un état des lieux des dispositifs d’aide humaine au maintien à domicile, trois sur quatre n’évoquent pas les dispositifs d’amélioration de l’habitat. « Seul un département en décrit le dispositif… sans le relier aux autres dispositifs [médico-sociaux] existants, et sans en faire le bilan », s’étonne l’ANIL.

Un état des lieux préoccupant malgré les quelques expériences pilotes menées sur l’habitat intergénérationnel ou sur les formules intermédiaires entre le maintien à domicile et l’établissement. « Dans les années 1950-1960, personne ne pensait que l’espérance de vie allait augmenter », nuance toutefois Gérard-François Dumont, géographe et démographe. De même, les regards se sont portés sur les régions rurales confrontées à une population vieillissante mais stable, sans voir que le phénomène était plus global. « Trop souvent, comme les grandes villes attirent la jeunesse, on se contente de penser que la population urbaine est jeune et, donc, que les villes ne sont guère concernées par les changements dans la répartition par âge des habitants, ce qui est faux », explique le démographe.

En réalité, les zones rurales ayant déjà payé le tribut du vieillissement, les projections montrent que l’augmentation des effectifs de personnes âgées sera essentiellement urbaine. Déjà avérée dans les centres-villes depuis les années 1990, celle-ci va se répandre dans les banlieues, peuplées plus tardivement, puis venir toucher les zones péri-urbaines ainsi que les communes qui ont misé dans l’économie résidentielle à grands renforts de lotissements. Un département urbain comme la Seine-et-Marne va voir, par exemple, le nombre des plus de 60 ans augmenter de 133 % dans les deux prochaines décennies, tandis que la Creuse, un des départements les plus vieux de France, verra le sien n’augmenter que de 15 %.

Dans cette perspective, les défis à relever sont tous azimuts. Alors que certaines municipalités des banlieues vont connaître un doublement, voire un triplement, des personnes de 80 ans ou plus en l’espace d’une dizaine d’années, d’importantes adaptations sont nécessaires, en particulier en matière de transports. « Ces derniers, actuellement organisés en fonction de la population active, assurent notamment les liaisons entre les territoires résidentiels des communes péri-urbaines et les pôles d’emplois, considérés comme centraux. Or l’augmentation de la population âgée dans ces quartiers appelle à développer ces liaisons avec les zones commerciales ou les espaces de loisirs », avance Jean-François Ghekière, géographe de la population. Benjamin Brillaud, chargé de prospective à l’Agence de développement et d’urbanisme de l’aire urbaine nancéienne, pointe, quant à lui, la nécessité de remettre à plat le « modèle de développement peu durable qui a prévalu dans nos villes et nos territoires jusqu’à aujourd’hui », avec ses quartiers mono-fonctionnels « souvent sans services et peu accessibles autrement qu’en voiture » ou encore ses parcs de logements et ses espaces publics mal adaptés à la perte de mobilité. « En ce sens, le vieillissement de la population est une bonne nouvelle pour les territoires. Car les revendications sur l’accessibilité étaient jusque-là portées uniquement par les personnes handicapées », estime-t-il.

Les prémices d’une adaptation existent néanmoins. Des bailleurs sociaux commanditent des études afin d’anticiper sur l’évolution de leur parc et cherchent à se rapprocher des acteurs sociaux et médico-sociaux. Poussées par la nécessité, quelques collectivités locales engagent la réflexion sous des formes très diverses. Parmi les premières, la communauté d’agglomération rennaise a cherché, dès 2005, à enrayer le vieillissement démographique. « La tension sur le marché rennais faisait que, pour maintenir ne serait-ce que la population en place, il fallait construire toujours plus de logements, de plus en plus loin, avec comme résultat de rejeter une grande partie des jeunes actifs au-delà du territoire de la communauté », explique Nathalie Demeslay, responsable du service « habitat » de Rennes métropole.

En se penchant sur la démographie des communes à l’occasion de l’élaboration d’un nouveau programme local de l’habitat, l’établissement public rennais s’est aperçu que le problème venait du manque de renouvellement générationnel des quartiers pavillonnaires et qu’il fallait redonner de la fluidité aux parcours résidentiels des ménages de plus de 60 ans. Pour répondre à leurs attentes, un programme de densification de l’habitat dans les centres-bourgs a été engagé, parallèlement à un effort d’adaptation du parc social et des co-propriétés privées. Selon Nathalie Demeslay, il s’agit d’un renversement de logique : « Avec une entrée en institution de plus en plus tardive, la responsabilité de la prise en charge du vieillissement s’est déplacée. Il revient désormais à la politique locale de l’habitat de proposer une offre adaptée, au risque sinon de voir son parc de logements de type familial confisqué par des vieux ménages. Cette nécessité impacte fortement la planification urbaine, qui, d’une logique d’extension, passe à une logique de renouvellement urbain. »

« Une réponse pour tous »

Certains conseils généraux tentent également de « déspécialiser » l’approche du vieillissement en la replaçant dans une logique sociale et médico-sociale plus globale. « Cette transversalité était déjà prévue dans la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui confiait au conseil général la responsabilité d’élaborer un schéma global d’organisation sociale et médico-sociale », rappelle Martine Barbier-Prieur, directrice des solidarités au conseil général de Maine-et-Loire. Rompant avec presque deux décennies de schémas de programmation sectoriels, ce département s’est engagé, fin 2009, dans la construction d’un schéma unique regroupant les schémas départementaux du handicap, des personnes âgées, de l’enfance et de la famille.

La démarche, qui reste inédite en France, vise à accompagner le déploiement d’une politique territoriale globale couvrant le déplacement, le développement durable, le développement économique et l’accessibilité. « A l’inverse des schémas départementaux qui partent des dispositifs spécifiques, ce schéma unique affirme que le droit commun est la réponse pour tous. Ce qui permet de travailler avec les acteurs sociaux et médico-sociaux sur leurs points communs avant d’intégrer les mesures spécifiques pour les différents publics », explique Martine Barbier-Prieur. L’idée est aussi d’organiser des passerelles dans des domaines comme le transport, la culture ou le sport en lançant l’ensemble des acteurs du territoire dans une réflexion transversale. Prévu pour décembre 2010, ce schéma unique constituera en soi un premier essai de banalisation des politiques territoriales du vieillissement. « C’est parce qu’il s’adresse à tous les âges qu’il s’intéresse au vieillissement. A travers les aménagements, services ou loisirs qui permettent aux personnes âgées de rester dans leur environnement familier, les collectivités jouent sur la qualité de vie de l’ensemble des citoyens », assure la directrice des solidarités.

L’observation des usages des personnes vieillissantes commence aussi à influencer la programmation territoriale. L’étude de leurs déplacements au sein d’un quartier peut permettre par exemple de mieux adapter certains espaces publics. C’est sur la base de telles études que le groupe immobilier Icade, filiale de la Caisse des dépôts, cherche à promouvoir un label « haute qualité du vieillissement » impliquant pour les projets immobiliers d’appréhender, dans une approche de développement durable, la mixité sociale et générationnelle, la mobilité et le lien social. Le 15 juillet, la première pierre d’un quartier de 280 logements s’inspirant de ce concept devait être posée à Chevilly-Larue (Val-de-Marne). Situé au cœur de la ville sur le site d’un ancien monastère, le quartier sera composé de 50 % de logements sociaux ou en accession sociale et de 50 % en accession libre, pouvant être sécurisés par de la télé-assistance. Il comportera un petit immeuble d’une vingtaine de logements adaptés, un EHPAD dans lequel les locataires âgés pourront venir déjeuner ou dîner, et bénéficiera d’une poste, d’un square public, d’une supérette et d’une maison médicale. Afin de favoriser les sorties des habitants âgés, les concepteurs ont prévu d’agrémenter les voies d’accès de bancs et d’un éclairage public pensé pour minimiser les zones d’ombres. « La question essentielle n’est pas celle de l’habitat réduit au logement, comme on le fait trop souvent dans le cadre des actions médico-sociales. Il s’agit de prendre en compte la vieillesse en termes d’urbanisme, de lui faire la place qui lui revient dans l’espace public », commente Pierre-Marie Chapon, chargé de recherche médico-sociale à Icade.

Il reste que, pour une opération phare, de nombreuses autres rognent leurs ambitions faute de financements, voire restent confinées au champ de l’expérimentation médico-sociale. Mandaté par la communauté d’agglomération clermontoise pour étudier les conditions de réussite d’opérations d’urbanisme intégrant le vieillissement, le cabinet Adéquation, spécialisé dans les études de marché pour les professionnels de l’immobilier, a demandé à des retraités de la région de définir l’endroit où ils souhaiteraient habiter ultérieurement. Leurs listes d’attentes (proximité des commerces et des transports, présence des services médico-sociaux, culture, loisirs, aménagements publics) ont ensuite été comparées à des projets portés par des collectivités ou des promoteurs.

Résultat : sur huit projets étudiés, seulement deux correspondaient aux attentes du public âgé. « De manière générale, les discours sont pavés de bonnes intentions, mais en réalité on fait le projet là où se trouve le foncier, c’est-à-dire dans le péri-urbain, loin des centres-villes qui sont trop chers », résume Laurent Escobar, directeur d’Adéquation. Les conclusions de ce cabinet sont pourtant claires : les attentes des personnes vieillissantes correspondent à celle d’un public très large en termes d’habitat et d’usages du quartier. « En ce sens, les personnes âgées sont un peu les découvreuses et les consommatrices de l’urbanisme de demain. Ce qu’on peut mettre dans nos projets pour répondre à leurs besoins, ce sont les nouveaux besoins de tout le monde. Si nous y parvenons, alors nos opérations d’aménagement vont retrouver une certaine rentabilité et deviendront réalisables. »

Bien des étapes restent encore à franchir avant cela. En témoigne l’absence de « chef d’orchestre » capable de fédérer les attentes concrètes de la multitude d’acteurs locaux impliqués de près ou de loin dans la réponse au vieillissement, comme le fait remarquer Bernard Zeller, directeur du développement de Cirmad Est, un opérateur immobilier filiale de Bouygues. Cette entreprise est engagée dans la réalisation d’un vaste quartier intergénérationnel à Talant, dans la communauté d’agglomérations de Dijon, qui intègre en une seule tranche de travaux la relocalisation d’un EHPAD, la construction d’une unité Alzheimer, d’une crèche de 60 places et de deux annexes, de deux immeubles pour personnes âgées autonomes, d’une salle polyvalente de 400 places mise à la disposition du quartier et d’un ensemble de logements en co-propriété. « Dans une opération aussi complexe, nous sommes à la jonction des besoins de la collectivité, des bailleurs sociaux, des acteurs médico-sociaux et des associations. Des logiques différentes s’expriment qu’il a fallu organiser pour qu’elles ne se bloquent pas les unes les autres et que le quartier puisse fonctionner. Ce qui montre la nécessité d’une articulation entre les partenaires et l’absence d’autorité extérieure capable de le faire », explique Bernard Zeller.

De fait, qui aujourd’hui peut jouer ce rôle ? La prise en compte du vieillissement reste encore limitée, la plupart du temps, au champ des politiques gérontologiques et peine à se connecter avec les acteurs de l’habitat. « Un diagnostic partagé pose la question du cloisonnement des compétences, répond Christine Jurdan, consultante « territoires et vieillissement » au cabinet Brigitte Croff conseil. Simplement dans les évaluations à domicile, on peine à prendre en compte la trajectoire résidentielle des usagers et la question du logement. Or ce serait un moyen pour les acteurs du médico-social de dialoguer avec ceux de l’habitat. De même pour l’habitat, le besoin de soutien et d’accompagnement est rarement intégré dans l’organisation de l’espace. Dans les deux champs, une jonction est à faire pour que des collaborations puissent se construire. » Pour l’heure, la méconnaissance réciproque des acteurs reste un obstacle. L’ANIL observe que certains responsables du logement connaissent mal le dispositif de l’allocation personnalisée d’autonomie ou n’ont jamais entendu parler des CLIC (centres locaux d’information et de coordination). Réciproquement, les acteurs du médico-social sont parfois désemparés face aux « aides à la pierre », aux PLH ou aux possibilités de financer par des crédits de droit commun des places en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Yves Marecaux, chargé de mission « dépendance » au conseil général de Dordogne, assure quant à lui avoir rencontré « pour la première fois » ses collègues de la direction du logement à l’occasion d’un groupe de travail sur le thème de l’habitat des personnes âgées, organisé dans le cadre de la préparation du schéma gérontologique 2003-2008. Avec 125 000 retraités pour 400 000 habitants, ce département rural a très tôt pris conscience de la nécessité de dépasser les clivages entre sanitaire et social, privé et public, domicile et établissement, pour fonder une politique territoriale du vieillissement.

Encore beaucoup d’obstacles à franchir

L’élaboration du schéma gérontologique a permis d’ouvrir un espace de parole entre des acteurs qui, auparavant, n’avaient pas l’habitude de se concerter. « Pour autant, le compte n’y est pas, estime Yves Marecaux. La méthode n’a pas pu aboutir à une formalisation des partenariats entre les différents décideurs administratifs et politiques. On se heurte à la difficulté d’une régulation des initiatives des acteurs encore sous l’influence de leurs tutelles. » En outre, une politique globale et transversale du vieillissement supposerait que les outils de programmation et de planification – PRIAC (programme interdépartemental d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie), schéma régional de l’organisation sanitaire, PLH, plans locaux d’urbanisme, contrats de développement de pays, etc. – ne souffrent pas « d’un manque criant d’articulation ». « Le vieillissement de la population est un sujet trop sérieux pour être abandonné aux seuls acteurs de la gérontologie », résume Yves Marecaux. L’enjeu est clair selon lui : « La société doit avancer vers davantage de solidarité territoriale et intergénérationnelle pour mieux prendre en considération les personnes fragilisées. Mais encore faut-il que ces politiques concernent l’ensemble des retraités et, avec eux, l’ensemble des familles, faute de quoi nous resterons dans des visions sectorielles simplificatrices. »

Notes

(1) « Projections de population pour la France métropolitaine à l’horizon 2050 » – INSEE Première n° 1089 – Juillet 2006.

(2) Lors du colloque « Investir dans la vieillesse : un enjeu de développement pour les territoires ? », organisé les 1er et 2 avril 2010 par le CNFPT, à l’ENACT d’Angers.

(3) La convergence des politiques publiques du vieillissement et des politiques locales de l’habitat – Béatrice Herbert – ANIL, avril 2010 – Disponible sur www.anil.org.

HABITAT ET MÉDICO-SOCIAL : UNE JONCTION POSSIBLE, ESTIME L’ANIL

Face aux interrogations du public sur des questions immobilières liées au vieillissement, l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL) a engagé une recherche sur la façon dont les politiques publiques du vieillissement et les politiques locales de l’habitat s’articulaient sur les territoires (3), afin d’apporter à ses consultants quelques premiers éclairages. Conduite dans cinq départements (Hauts-de-Seine, Ille-et-Vilaine, Val-de-Marne, Morbihan, Haute-Vienne), ses résultats attestent du fossé existant. Tout sépare les acteurs, à commencer par la manière d’appréhender les personnes âgées. « Alors que, pour les politiques sociales, les personnes âgées sont considérées, via la question de la dépendance, comme des destinataires d’aides et de prestations, pour les politiques du logement, elles sont d’abord envisagées sous l’aspect de leur impact sur l’offre et la demande de logements. » Une différence loin d’être anodine comme le montrent les réactions passionnées sur le droit au maintien dans les lieux des personnes âgées logées dans le parc locatif, « les uns défendant la nécessité de libérer des grands logements pour des familles, les autres insistant sur le traumatisme occasionné par le déménagement ».

Quoi qu’il en soit, une approche plus globale de l’habitat est entravée par l’accumulation d’une multitude d’obstacles. Et les rapporteurs de pointer la « méconnaissance réciproque » des acteurs et de leurs compétences, des « différences de culture administrative », des « désaccords » sur des principes régulateurs communs, et autres « querelles sur le leadership sectoriel » entre médical, social, et logement.

En dépit de ces difficultés, l’ANIL observe que, dans les cinq départements étudiés, la nécessité de politiques publiques locales plus transversales tend à s’imposer sous l’effet de la pression du vieillissement et de la volonté de rationaliser les choix budgétaires. « Quoique ponctuelles, des améliorations sensibles existent d’ores et déjà, tout comme existent le cadre et les vecteurs possibles d’amélioration. » Afin accélérer ce processus, les rapporteurs préconisent le déploiement d’une politique croisant information et formation des acteurs du logement et du médico-social, et réflexion sur des principes communs. « L’élaboration de politiques partagées suppose un socle de connaissances commun, dédié à l’habitat pour les acteurs du secteur médico-social, et aux personnes âgées pour les acteurs de l’habitat. » Plus encore, « la notion d’âge elle-même » ainsi que « la légitimité des demandes des personnes âgées » en matière d’attribution de logement social devraient donner lieu à des débats entre les professionnels concernés.

L’ANIL estime, par ailleurs, indispensable d’améliorer la collecte d’informations au plan local, « ce qui suppose de mieux mobiliser les sources disponibles, qu’il s’agisse du recensement de la population de l’INSEE, de l’enquête triennale d’occupation du parc social ou du fichier commun de la demande de logement social, mais aussi d’enrichir des sources statistiques existantes, par exemple en précisant le statut d’occupation des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie ». Constatant également que nombre d’actions sur les territoires demeurent méconnues et n’aboutissent que rarement à un développement au plan national, l’agence estime nécessaire de développer une culture de l’évaluation, tout particulièrement dans la dimension économique des projets. « Sortir de l’expérimental et généraliser les bonnes pratiques suppose une lecture claire et critique des réalisations. » Enfin, les outils de programmation existants (plan départemental ou local de l’habitat, schéma gérontologique) pourraient facilement servir au rassemblement des acteurs en offrant un cadre privilégié à la coordination des orientations et des actions. « Les potentialités de renforcement des articulations entre secteur médico-social et secteur du logement sont nombreuses, alors que le besoin de transversalité des politiques publiques devient plus prégnant et que les personnes âgées et leurs familles souhaitent être mieux informées, mieux représentées et mieux consultées. »

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