Travaux d’intérêt général (TIG) inadapté au profil des condamnés, délais de mise à exécution trop longs, « surencombrement » des tâches dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) empêchant le suivi de ces peines alternatives à la détention… Autant d’obstacles qui nuisent à leur exécution et contribuent à « décrédibiliser l’action de la jutice », selon une étude sur les TIG demandée en 2009 par la garde des Sceaux au député (UMP) Christian Vanneste, qu’il lui a remise le 6 juillet. D’ailleurs, le nombre de peines de TIG prononcées stagne ces dernières années, s’établissant autour de 15 700 depuis 2006. Ce que regrette l’élu car les TIG ont l’avantage de « coûter moins cher que l’emprisonnement » et d’« éviter d’aggraver le phénomène de surpopulation carcérale ». Aussi formule-t-il des propositions pour « faire en sorte que le TIG se développe de manière à devenir une peine réellement alternative à l’emprisonnement ». Une volonté partagée par la chancellerie qui, dans un communiqué du même jour, indique « un certain nombre d’évolutions souhaitables en matière de TIG, et de bonnes pratiques ». « Les textes nécessaires de modification législative ou réglementaire seront préparés dans les meilleurs délais », a-t-elle assuré.
Une enquête nationale sur les TIG réalisée par la chancellerie fait apparaître deux types de dysfonctionnements dans l’exécution des TIG. Les plus graves consistent en l’absence de mise en œuvre de ces mesures : 58 % des tribunaux de grande instance interrogés constatent qu’elles ne peuvent être appliquées dans leur ressort, notamment du fait « des délais d’exécution trop courts ou [de] l’absence de postes de TIG disponibles ». Dans les cas les moins graves, il s’agit de retard dans l’exécution. A l’heure actuelle, « il faut compter environ un délai de six mois entre l’arrivée du dossier au SPIP et la première convocation de la personne condamnée ». Dès lors, il ne reste que très peu de temps pour l’exécution de la peine, qui doit être accomplie dans un délai maximal de 18 mois. Deux raisons à cela, relève le député : la saisine tardive du SPIP due aux délais de mise en forme de la décision de justice et, « surtout, l’insuffisance des effectifs des SPIP et l’encombrement structurel de ces services ». Aussi préconise-t-il de favoriser une convocation rapide du condamné devant le SPIP, de préférence « dans les 45 jours suivant l’audience, conformément aux dispositions de l’article 474 du code de procédure pénale ».
Christian Vanneste recommande également d’assurer l’adéquation de la liste des postes de TIG avec la réalité des offres des structures partenaires. Chaque tribunal de grande instance dispose en effet d’une liste des TIG, établie par le juge de l’application des peines (JAP), susceptibles d’être accomplis dans leur ressort. Or « il apparaît que, dans de nombreuses juridictions, certains travaux inscrits sur cette liste sont “dormants” car les organismes n’accueillent en réalité jamais de tigistes en raison de l’absence de tuteur, par exemple », indique l’auteur. Pour le député, il est donc « important que ces travaux ne restent pas inscrits sur les listes car leur maintien donne une image faussée du “paysage” des structures partenaires et du potentiel de postes de TIG ».
Dans ce contexte, « il apparaît nécessaire de développer des moyens nouveaux pour mettre en œuvre les TIG sur le territoire national de manière uniforme et rigoureuse », souligne Christian Vanneste. En effet, les missions des SPIP se sont « démultipliées ces dernières années », ne leur laissant que peu de temps pour une prise en charge sérieuse et poussée (1). Pour ce faire, il suggère de « dédier des postes de conseillers d’insertion et de probation au suivi d’un TIG ».
En outre, il recommande d’« uniformiser les procédures de suivi de la mesure » car les auditions ont démontré de « très grandes disparités de traitement des TIG sur le territoire national ». Ainsi, « pour garantir une bonne articulation entre les acteurs […] ainsi qu’une circulation efficace de l’information entre eux », l’élu du Nord préconise de « promouvoir la définition d’un suivi-type ». Pour lui, il convient aussi de renforcer la fonction de contrôle du JAP sur l’exécution du TIG.
Pour Christian Vanneste, il faut aller au-delà de la levée des obstacles empêchant actuellement la mise en œuvre des TIG. Il recommande par exemple de « promouvoir les TIG à vocation pédagogique », c’est-à-dire à caractère formateur ou de nature à favoriser l’insertion sociale des condamnés. Ou encore de « généraliser […] les TIG collectifs (incluant des programmes obligatoires adaptés au profil du condamné) et [de] prévoir des budgets spécifiques et pérennes ». Concrètement, il s’agirait de TIG collectifs à thème, qui consistent à regrouper 10 à 12 condamnés pour suivre un programme complémentaire au travail qu’ils effectuent, tels que des « TIG stupéfiants » (lutte contre les stupéfiants) ou « TIG de citoyenneté » (sensibilisation aux valeurs de la République pour amener l’auteur du délit à engager une réflexion sur les conséquences de son comportement). Des mesures que la garde des Sceaux souhaite reprendre.
Le député propose par ailleurs de relever « à 300-350 heures » la durée maximale des TIG, actuellement fixée 210 heures. Il estime en effet que, « aux courtes peines, il est important de substituer un TIG qui ne sera une réelle alternative à de l’emprisonnement ferme que si on permet au tribunal de prononcer des TIG plus longs ». De plus, augmenter le plafond des TIG permettrait de mettre en place le « TIG qualifiant » qu’il prône, combinant période de travail et de formation (2).
Christian Vanneste préconise également de confier la mise en œuvre de certains TIG à des associations habilitées, l’objectif étant de « décharger les SPIP du suivi de certains TIG pour leur permettre de recentrer leurs missions sur les tâches les plus compliquées : sortants de prison, lutte contre la récidive, délinquance sexuelle et criminels ». Une préconisation saluée par la chancellerie. Toutefois, souligne le député, le mandat donné à une association habilitée « ne saurait être général et serait révocable à tout instant », le JAP conservant la possibilité de choisir, selon les cas, entre l’association habilitée et le SPIP.
Le développement des TIG passe aussi par un effort d’incitation des organismes publics et des associations pour améliorer l’offre de postes de TIG. L’auteur relève en effet une absence de postes de TIG adaptés aux personnes ayant des problèmes de santé (handicap, toxicomanie…) ou pouvant être effectués en soirée ou durant le week-end afin de permettre à certains condamnés de poursuivre leur activité professionnelle. La fermeture en fin de semaine des services communaux – où sont effectués de nombreux TIG – explique en partie cette carence. Dans ce contexte, Christian Vanneste suggère de promouvoir des partenariats avec les associations (associations sportives, SPA…), les secteurs de la culture (bibliothèques, théâtres, musées) ou même le milieu hospitalier, qui pourraient être « davantage pourvoyeurs de postes de TIG ». En outre, il préconise d’encourager les incitations financières à proposer des TIG, en maintenant l’éligibilité des communes au Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance. Une mesure actée dans le cadre de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Le député du Nord propose également de valoriser la fonction de tuteur, en indemnisant les personnes qui encadrent les TIG les plus longs par le « versement d’une vacation […] non imposable et non assujettie aux prélèvements sociaux », de l’ordre de 70 € pour 200 heures.
Christian Vanneste recommande de développer le travail non rémunéré (3) pour les mineurs car c’est une mesure plus facile à exécuter en raison de son quantum moins important (60 heures au maximum), qui doit être accompli dans un délai de 18 mois au plus. Or, à l’heure actuelle, il n’est pas possible d’y recourir car la direction de la protection judiciaire de la jeunesse n’a pas cette compétence. Le député demande donc une modification des dispositions réglementaires afin de lui permettre de mettre en œuvre cette mesure.
Par ailleurs, considérant qu’un mineur requiert plus d’attention qu’un majeur faisant l’objet d’un TIG, l’élu du Nord juge qu’il faut « être particulièrement attentif au choix de l’encadrant du mineur et à sa formation spécifique ». Et « différencier les listes de postes de TIG majeurs et mineurs ».
Disponible dans la docuthèque, rubrique « infos pratiques », sur
(1) Selon une enquête réalisée en 2008 par la direction de l’administration pénitentiaire, sur 103 SPIP, seuls 26 ont un pôle spécialisé dans les TIG.
(2) Concrètement, explique Christian Vanneste, « un tigiste pourrait effectuer par exemple 200 heures en TIG normal et 100 heures en “TIG formateur” qui seraient assurées par Pôle emploi ou par une association partenaire ».
(3) Rappelons que le TIG peut se décliner sous trois formes juridiques différentes : le TIG, peine principale ou complémentaire ; le sursis-TIG (obligation attachée à une peine d’emprisonnement assortie du sursis); le travail non rémunéré, qui est l’appellation du TIG dans le cadre d’une procédure de composition pénale.