Trois ans après la publication de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée (ODAS) dresse un état des lieux de la mise en œuvre de cette réforme. Sous l’intitulé « Décentralisation et protection de l’enfance : où en est-on ? », cette enquête, présentée lors des « assises nationales de la protection de l’enfance » (1), analyse les réponses de 84 départements qui ont complété au premier semestre 2009 un questionnaire sur leur stratégie en matière de soutien à l’enfance et à la famille. L’ODAS avait déjà réalisé une enquête sur ce thème en 2004 mais, entre-temps, la loi de mars 2007 a profondément remodelé le secteur en développant la prévention, le repérage des enfants en danger, la prise en charge des enfants et l’observation du dispositif, quatre thématiques passées en revue par l’étude.
Sur la prévention, les auteurs mettent en avant le renforcement des coopérations internes et la territorialisation des services. Ils soulignent en particulier « l’intégration avancée de la protection maternelle et infantile [PMI] », qui a vu son rôle traditionnel, très centré sur la santé, évoluer vers d’autres missions, comme le soutien à la parentalité. « Cette évolution se traduit aussi dans l’organisation départementale », constate l’ODAS, puisqu’en 2009 deux tiers des départements avaient regroupé le pilotage de la PMI et de l’aide sociale à l’enfance (ASE) au sein d’une direction commune de type « direction enfance-famille », alors que cette organisation n’était retenue que par la moitié des conseils généraux en 2004. La territorialisation des services, qui se substitue peu à peu aux circonscriptions d’action sociale, sans être achevée, est, elle, en voie de généralisation.
Deuxième tendance : le renforcement des partenariats avec d’autres institutions (l’Education nationale notamment) et avec les communes. Ainsi quatre départements sur cinq aident financièrement les villes pour les équipements d’accueil de la petite enfance, et trois sur cinq pour les relais assistantes maternelles. « Surtout, les deux tiers des départements ayant répondu soutiennent les modes d’accueil innovants soit financièrement, soit en ingénierie », précise l’enquête. Dans le champ du soutien à la parentalité, près de 60 % des départements ont mis en place un réseau d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents (REAPP). Enfin, en matière de soutien éducatif, trois conseils généraux sur quatre contribuent aux programmes de réussite éducative.
Au regard de ce partenariat resserré, l’ODAS met cependant en garde contre « des risques de confusion accrus ». Elle pointe en effet que « la relation entre les villes et le département peut être déstabilisée par l’application de la loi relative à la protection de l’enfance et celle relative à la prévention de la délinquance votées toutes les deux le même jour ».
Le deuxième champ sur lequel a enquêté l’ODAS est celui du repérage des enfants en danger. « En introduisant la notion d’“information préoccupante” et sa centralisation sous la responsabilité du président du conseil général, la loi du 5 mars 2007 a donné une assise juridique à une étape de ce processus », rappelle l’observatoire. Il a constaté que les départements se sont engagés dans un travail de définition des niveaux de gravité qui déterminent, le cas échéant, la transmission au procureur de la République. Par ailleurs, les cellules de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, ont été instaurées par 98 % des conseils généraux, et 90 % « ont mis en place des instances locales pluridisciplinaires de concertation lors des évaluations réalisées en interne ».
Sur la prise en charge, l’ODAS note que « plus la mesure de protection a des effets importants sur la structure familiale, plus le lieu de la décision est centralisé ». A titre d’exemple, pour les signalements transmis à l’autorité judiciaire, la décision est prise à l’échelon central dans près de quatre départements sur cinq, sans doute dans « le souci de mettre à distance le lieu du traitement des situations avec toute sa charge émotionnelle ». Enfin, l’enquête constate que la réforme « a accéléré le mouvement de diversification, puisque 80 % des départements disent avoir développé de nouvelles formes de prise en charge ». Avant de nuancer en précisant qu’il s’agit essentiellement d’accueil de jour, d’accueil de 72 heures et d’accueil séquentiel. L’évolution des modalités de travail avec les familles ne se fait pour sa part que très progressivement puisque moins de la moitié des départements déclare mettre en place de nouveaux dispositifs (groupes de parents, participation des familles aux synthèses, renforcement du suivi à domicile…). La difficulté à mettre en œuvre aussi bien les formules diversifiées qu’un nouveau rapport avec les familles, « montre le chemin restant encore à parcourir pour respecter l’esprit de la loi », souligne l’enquête. Cependant, « les départements s’emparent progressivement des nouveaux outils créés par la loi du 5 mars 2007, pour mieux organiser la cohérence et la continuité des prises en charge. C’est ainsi que “le projet pour l’enfant” est en voie d’être généralisé. »
Quant à l’observatoire départemental de la protection de l’enfance rendu obligatoire, il a été créé dans près de la moitié des départements et est en projet dans un quart d’entre eux. En conclusion, l’ODAS rappelle que l’évaluation nationale du dispositif de protection de l’enfance doit se poursuivre mais pas seulement à travers la confrontation des indicateurs de prise en charge. « Il faut aussi en permanence vérifier si un nouvel équilibre s’instaure entre la protection, la prévention et la prévenance, conformément aux attentes du législateur et aux impératifs de bon sens », précisent les auteurs.
(1) Organisées les 28 et 29 juin par le Journal de l’action sociale et plusieurs partenaires – Le questionnaire et les résultats de l’enquête sont accessibles sur