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Violences faites aux femmes et violences intrafamiliales : les mesures phares de la nouvelle loi

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« Parce qu’il est inacceptable qu’une femme meure en moyenne tous les deux jours et demi sous les coups de son compagnon […], il y avait urgence à lutter contre toutes les formes de violences faites aux femmes », a souligné la secrétaire d’Etat chargée de la famille et de la solidarité, dans un communiqué du 29 juin, au lendemain de l’adoption définitive par le Parlement de la proposition de loi relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants. Tour d’horizon des principales dispositions.

La création d’une ordonnance de protection

Si des violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) ou concubin mettent en danger la personne qui en est la victime, ou un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires familiales (JAF) pourra, à compter du 1er octobre 2010, délivrer en urgence une ordonnance de protection. Son objectif : « stabiliser, en urgence, la situation juridique de la victime afin de lever les obstacles susceptibles de la contraindre à demeurer dans [cette] situation. Ces derniers sont nombreux : la peur de représailles, l’absence de ressources […] », indique Guy Geoffroy, rapporteur de la loi à l’Assemblée nationale. L’ordonnance de protection devrait ainsi laisser le temps nécessaire à la victime pour décider de la suite à donner à cette première étape, que ce soit sur le plan civil ou pénal (Rap. A.N. n° 2293, 2010, Geoffroy, page 14). Le JAF pourra être saisi par la personne en danger ou, avec l’accord de celle-ci, par le ministère public. Dès réception d’une demande d’ordonnance de protection, il auditionnera les deux parties, assistées, le cas échéant, d’un avocat, afin d’évaluer la véracité des faits et d’ajuster au mieux le contenu de l’ordonnance de protection à la situation. Et, à tout moment, il pourra la modifier ou l’adapter.

A l’occasion de la délivrance de l’ordonnance de protection, le JAF pourra décider d’un certain nombre d’interdictions ou d’obligations à l’égard de l’auteur des faits. Par exemple, il pourra statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal et sur les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement (1), décider de l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle ou encore se prononcer sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale. Sur ce dernier point, indique le texte, si l’intérêt de l’enfant le commande ou si la remise directe de l’enfant à l’autre parent présente un danger, le juge en organisera les modalités. Il pourra dans ce cadre prévoir que la rencontre s’effectuera dans un espace de rencontre qu’il désignera ou avec l’assistance d’un tiers de confiance ou du représentant d’une personne morale qualifiée. En outre, si le JAF prend des mesures d’assistance éducative à l’égard des enfants, il pourra ordonner l’interdiction de leur sortie du territoire deux ans au maximum.

Les mesures prononcées dans le cadre d’une ordonnance de protection le seront pour une durée maximale de quatre mois. Elles pourront être prolongées au-delà si une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée. En cas de manquement aux obligations ou aux interdictions résultant de l’ordonnance, l’auteur des violences s’exposera à une peine de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende (2). En outre, la loi permet aux services de l’ordre d’appréhender, sous certaines conditions, toute personne placée sous contrôle judiciaire en cas d’inobservation des obligations qui lui incombent (3).

Pour vérifier le respect de l’interdiction de paraître dans le domicile ou la résidence du couple ou à leurs abords immédiats, l’auteur des violences qui encourt une peine d’emprisonnement d’au moins cinq ans pourra faire l’objet d’une assignation à résidence avec surveillance électronique mobile – mesure créée par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 (4). En cas d’interdiction de rencontrer la victime, cette mesure pourra aussi être complétée soit par un dispositif de téléprotection permettant d’alerter les autorités publiques en cas de violation des obligations imposées à l’auteur des violences, soit par le port d’un dispositif électronique permettant de signaler à distance que la personne mise en examen se trouve à proximité. Ces deux dernières mesures de surveillance à distance seront expérimentées pendant une durée de trois ans à compter de la publication de la loi au Journal officiel. Le texte précise également que de telles mesures pourront être prises dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire ou d’une libération conditionnelle lorsqu’une interdiction de rencontrer la victime a été prononcée.

La reconnaissance des violences psychologiques

La loi inscrit dans le code pénal les violences psychologiques, une nécessité, selon Nadine Morano, dans la mesure où près de 84 % des 80 000 appels reçus par la plateforme dédiée au violences faites aux femmes, le 39 19, ont trait à ce type de violences. Cette infraction est ainsi définie comme le fait de « harceler [5] son actuel ou ancien conjoint, partenaire lié par un PACS ou concubin par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale ». « Il reviendra alors au juge d’établir au moyen d’une expertise un lien de causalité entre l’altération de la santé de la victime et la dégradation de ses conditions de vie résultant du harcèlement qui lui est imposé », explique le rapporteur de l’Assemblée nationale (Rap.A.N. n° 2684, juin 2010, Geoffroy, page 49). Dans ce cadre, l’auteur des faits s’expose :

 à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 € d’amende en cas d’incapacité totale de travail (ITT) inférieure ou égale à huit jours ou même en cas d’absence d’incapacité ;

 à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende en cas d’ITT supérieure à huit jours.

Signalons par ailleurs que la loi porte de 3 750 € à 15 000 € l’amende qui peut être prononcée en cas de harcèlement moral ou sexuel sur le lieu de travail.

La protection des femmes étrangères

La nouvelle loi tend à mieux protéger les femmes étrangères, en situation régulière ou non, victimes de violences commises par leur conjoint, concubin ou partenaire lié par un PACS. Ainsi, sauf si leur présence constitue une menace pour l’ordre public, les femmes étrangères entrées régulièrement en France qui bénéficient d’une ordonnance de protection pourront obtenir auprès de l’autorité administrative, « dans les plus brefs délais », la délivrance ou le renouvellement de la carte de séjour temporaire mention « vie privée et familiale » ou octroyée au titre du regroupement familial. En outre, le texte autorise les pouvoirs publics à accorder aux femmes étrangères en situation irrégulière une carte de séjour temporaire mention « vie privée et familiale » – qui permet de travailler – en cas de dépôt de plainte, l’ordonnance de protection permettant d’établir la preuve des violences subies. Dans ce cadre, elles n’auront pas à justifier d’un visa d’entrée d’une durée supérieure à trois mois. En cas de condamnation définitive de leur conjoint, concubin ou partenaire, une carte de résident leur sera délivrée. Signalons que, en cas de violences conjugales, l’aide juridictionnelle leur sera accordée sans condition de résidence. Ces dispositions ne s’appliqueront qu’à compter du 1er octobre prochain.

Par ailleurs, la loi permet aussi aux autorités consulaires françaises de délivrer un visa de retour à la personne de nationalité étrangère bénéficiant d’un titre de séjour en France, dont le conjoint a, lors d’un séjour à l’étranger, dérobé les documents d’identité et le titre de séjour. Cette disposition s’est imposée puisque, « la victime étant alors dans l’impossibilité de rentrer en France, le conjoint peut en profiter pour engager une procédure de divorce dans le pays d’origine, car les dispositions réglant le divorce y seront moins favorables aux femmes qu’en France » (Rap. A.N. n° 2684, juin 2010, Geoffroy, page 41).

Signalons enfin qu’une ordonnance de protection pourra être délivrée en faveur d’une personne majeure menacée de mariage forcé. En outre, le meurtre d’une personne en raison de son refus de contracter un mariage ou de conclure une union sera passible de la réclusion criminelle à perpétuité.

La prévention des violences

Les députés ont enrichi notamment le contenu de l’enseignement d’éducation civique des élèves, en y ajoutant une formation – à tous les stades de la scolarité – consacrée à l’égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences faites aux femmes. Les établissements scolaires peuvent s’associer à cette fin avec des associations œuvrant en ce sens. Les enseignants, quant à eux, suivront un module de sensibilisation à ces problématiques durant leur formation (6).

Par ailleurs, la loi institue une journée nationale de sensibilisation aux violences faites aux femmes fixée le 25 novembre, le pendant de la journée internationale du même nom. Et que le gouvernement remettra au Parlement avant le 31 décembre 2010 un rapport sur la création d’un Observatoire national des violences faites aux femmes.

Signalons au passage que le texte complète la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, en prévoyant que des conventions doivent être passées avec les bailleurs de logements sociaux pour réserver dans chaque département un nombre suffisant de logements, répartis géographiquement, à destination des personnes victimes de violences qui sont ou ont été protégées par une ordonnance. Dans le même esprit, l’Etat et les centres régionaux des œuvres universitaires doivent passer des conventions pour réserver un nombre suffisant de logements à destination des femmes majeures victimes de violences inscrites dans un établissement scolaire ou universitaire. Cette dernière disposition entrant en application dès le mois d’octobre 2010.

[Loi à paraître]
Notes

(1) Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement sera attribuée au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences.

(2) La tentative de manquement à ces obligations et interdictions sera punie de deux ans de prison et de 30 000 € d’amende, et la menace de manquement de 5 ans de prison et de 75 000 € d’amende. Quant aux menaces de mort, elles seront sanctionnées d’une peine de sept ans de prison et de 100 000 € d’amende.

(3) L’intéressé pourra alors être retenu pendant 24 heures afin que soit vérifiée sa situation et qu’il soit entendu sur la violation de ses obligations.

(4) Voir notamment ASH n° 2628 du 16-10-09, p. 16, n° 2635 du 4-12-09, p. 17 et n° 2636 du 11-12-09, p. 16 et 41.

(5) « L’introduction de la notion de harcèlement permet de viser tout type de comportement, qu’il se traduise par des actes, des menaces ou des paroles ou tout autre élément », précise Guy Geoffroy (Rap. A.N. n° 2684, juin 2010, Geoffroy, page 49).

(6) A noter que le gouvernement remettra au Parlement avant le 30 juin 2011 un rapport sur la mise en place d’une formation spécifique à destination notamment des médecins, des travailleurs sociaux, des agents des services pénitentiaires ou des magistrats.

Dans les textes

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