« La politique de réduction des risques ne peut être considérée comme la seule mise à disposition d’outils, elle doit s’intégrer dans une stratégie plus globale de réduction des inégalités sociales de santé », estime l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) au terme d’une expertise collective réalisée à la demande de Roselyne Bachelot et rendue publique le 2 juillet (1).
Expérimentés dans plusieurs pays, les centres d’injection supervisés (CIS) ont, selon l’Irserm, fait leurs preuves sur la réduction des risques (RDR) liés à l’injection et l’accès aux soins. Il recommande de mener une étude des besoins afin de définir les objectifs spécifiques de ce dispositif et souligne que la mise en place de CIS ne peut être envisagée que s’ils répondent à des besoins parfaitement identifiés tenant compte des évolutions des modalités d’usage de drogues qui peuvent varier d’un endroit à un autre : importance de l’injection en public, du nombre d’usagers de drogues par voie intraveineuse sans contact ou en rupture avec des structures de soins, du nombre d’overdoses mortelles, des complications liées à l’acte d’injection (abcès). L’Inserm juge également « indispensable » l’intégration des CIS dans un dispositif plus large, avec une bonne communication entre les services. Leur implantation doit en outre reposer sur un consensus entre tous les acteurs locaux (santé, police, autorités politiques et administratives, population en général et voisinage immédiat, usagers eux-mêmes).
L’Inserm formule par ailleurs de nombreuses autres recommandations visant à adapter les outils et les pratiques de RDR à l’évolution des modes de consommation. Il appelle à promouvoir la cohérence et l’articulation des différentes politiques publiques sanitaires, sociales et pénales. Et insiste sur la nécessité d’instaurer une égalité d’accès territoriale des programmes de RDR existants à l’ensemble des usagers de drogues (2). Autre recommandation : adapter le dispositif de réduction des risques à la spécificité des populations (jeunes, migrants très marginalisés, usagers ayant des troubles psychiatriques) en s’appuyant sur le savoir-faire des équipes qui vont à leur rencontre afin de les mettre en confiance et de les accompagner vers les structures de soins ou les autres lieux d’accueil.
Face à l’augmentation du nombre de jeunes consommatrices de moins de 25 ans, l’Inserm recommande d’élaborer une politique de RDR pour les femmes tenant compte de leurs risques spécifiques tels que les grossesses non désirées, la perte de la garde de leurs enfants, les risques pour l’enfant à naître… Il appelle également à définir une politique de soins et de RDR en milieu pénitentiaire avec pour chaque détenu concerné un projet thérapeutique adapté à la sévérité de sa dépendance. D’autres recommandations portent sur la prévention du passage à l’injection, la formation des acteurs de la réduction des risques ou encore sur la recherche.
Dans un communiqué du 2 juillet, la ministre de la Santé a fait savoir qu’elle va analyser, à partir de ces recommandations et en concertation avec les acteurs concernés (associations, professionnels de santé…), les mesures qui ont démontré leur efficacité à l’étranger et apprécier si elles peuvent s’appliquer en France.
(1) Disponible sur
(2) Le dispositif de RDR est essentiellement développé à Paris. Les structures d’accueil de première ligne telles que les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues (Caarud) sont en particulier absentes en périphérie des villes de province et en milieu rural.