« Toute personne physique a droit au respect de ses biens », un droit qui « s’étend aux biens personnels que les personnes détenues peuvent avoir avec elles au jour de leur incarcération et pendant leur emprisonnement », affirme le contrôleur général des lieux de privation de liberté dans un récent avis. Cette garantie est d’autant plus nécessaire selon lui que ces personnes sont séparées, par l’effet de la détention, de la majorité des biens qu’elles possèdent et n’ont avec elles que peu d’objets. En outre, poursuit-il, « la plupart, démunies de ressources significatives, n’ont pas de possibilité de disposer d’effets en grand nombre mais seulement de ceux qui leur sont essentiels ». Certes, admet Jean-Marie Delarue, l’usage de ces biens est forcément limité dans la mesure où ils doivent servir à l’indemnisation des victimes de l’infraction commise (1) ou à la préparation de la sortie, ou encore répondre aux conditions de sécurité de l’établissement pénitentiaire. Par ailleurs, il rappelle que, même en cas de transfèrement du condamné, ce droit au respect des biens doit continuer à s’appliquer, leur acheminement étant à la charge de l’administration pénitentiaire (2). En cas de décès du détenu, si les biens ne sont pas réclamés dans un délai de trois ans par les ayants droit, ils sont remis à l’administration des domaines.
Bien que toutes ces règles soient inscrites dans le code de procédure pénale, le contrôleur général a relevé, au cours de ces visites, que leur application « suscit[ait] d’importantes difficultés » auxquelles il convient de remédier car elles contreviennent aux droits des détenus. En outre, les disparitions ou dégradations de leurs biens « suscitent des tensions en détention et avec les familles qui ne devraient pas exister ». Aussi formule-t-il un certain nombre de propositions afin d’assurer le droit des détenus au respect de leurs biens.
De façon générale, Jean-Marie Delarue recommande que toute personne détenue ait le « droit de posséder et d’utiliser les biens dont la possession et l’usage ne sont pas prohibés expressément par un texte, en particulier le règlement intérieur » de l’établissement pénitentiaire. En outre, il rappelle que ce dernier, qui a la garde de ces biens, en a aussi la responsabilité, sauf s’il est établi que la perte, la destruction ou la détérioration d’un objet ne lui sont pas imputables. Pour éviter ce genre de désagrément, le contrôleur général préconise d’établir un « inventaire contradictoire et authentifié » des biens (3), de quelque nature qu’ils soient. Si l’administration pénitentiaire est responsable de la perte ou de la détérioration des biens, elle doit, « selon une procédure simple et rapide », indemniser leurs propriétaires « à la valeur vénale du bien au jour de l’événement, établie par tout moyen, en particulier à l’aide de l’inventaire contradictoire », estime Jean-Marie Delarue. Ajoutant que cette indemnisation doit se faire « dans les limites éventuellement d’un forfait maximum qui doit couvrir toutefois la grande majorité des situations ».
En outre, en cas d’hospitalisation du détenu décidée en urgence, le contrôleur général recommande à l’administration pénitentiaire qu’elle lui fasse parvenir les biens qui lui sont nécessaires pour son séjour hospitalier tels qu’ils auront été indiqués par avance par l’hôpital. Quant aux biens qui restent en cellule, des mesures doivent être prises pour les protéger, souligne Jean-Marie Delarue.
(1) Sur la gestion des valeurs pécuniaires des détenus, voir notamment ASH n° 2377 du 15-10-04, p. 16, n° 2385 du 10-12-04, p. 19 et n° 2510 du 1-06-07, p. 18.
(2) S’il sont trop volumineux, l’acheminement est à la charge de la personne détenue.
(3) Il suggère de dégager les personnels et le temps nécessaires à cette fin. Seuls les surveillants pénitentiaires formés et dévolus à cette tâche devraient pouvoir procéder à cet inventaire.