Mamadou Sow est né le 10 juin 1989 dans un village sierra-léonais. A six ans, il a perdu ses parents. Il est arrivé le 6 janvier 2006 dans un foyer départemental de l’enfance du Val-de-Marne. « Compte tenu de son histoire tragique, des conditions de son arrivée en France et de son statut de mineur isolé étranger, l’évidence de présenter un dossier à l’Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides [OFPRA] est apparue » afin qu’il soit reconnu comme réfugié politique, annonce dès l’avant-propos Corinne Boquié, psychologue clinicienne dans le foyer. C’est elle qui a retranscrit les entretiens avec Mamadou. Elle aussi qui, pour constituer la demande, a plongé avec lui dans ses souvenirs, « dans les moindres détails, jusqu’aux images les plus sordides [qu’il avait] essayé en vain d’oublier jusqu’ici ».
Mineur, étranger, isolé, c’est une identité à bâtir. Une deuxième naissance. Douloureuse. Car le récit doit être solide, crédible. « Ton histoire ne tient pas la route, à l’OFPRA on ne te croira pas », lui répétaient les éducateurs. Et si Mamadou avoue trouver impensable cette nécessité d’avoir dû prouver sa bonne foi alors que, toute sa vie, il s’est trouvé victime d’horreurs, il constate aussi qu’à force de retourner les souvenirs dans tous les sens, d’aller chercher dans sa mémoire, de se documenter, il est parvenu à écrire, avec l’aide des deux éducateurs, un récit chronologique « aussi précis que possible ». C’est pourquoi il a voulu en faire un livre. Pour remercier ceux qui l’ont accompagné, pour témoigner au nom des morts, mais également pour « s’adresser à tous ceux qui se sont sentis coupables d’avoir tué ou torturé pour survivre ». Sans manichéisme, Mamadou et son équipe signent ici un livre coup de poing, salutaire.