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« Le RSA interroge le travail social »

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Si le revenu de solidarité active (RSA) – sans constituer une solution miraculeuse pour sortir de la pauvreté – représente un progrès, son efficacité est encore compromise par de nombreux freins pour les bénéficiaires et plusieurs difficultés pour les institutions confrontées à la complexité du dispositif. Entretien avec Geneviève Besson, directrice de la lutte contre l’exclusion du conseil général de l’Eure, à ce titre membre du comité national d’évaluation du dispositif.
Un an après la généralisation du RSA, où en sont les travaux du comité d’évaluation ?

Un groupe de travail, piloté par la caisse nationale des allocations familiales, est dédié aux effets du dispositif sur la pauvreté, à la question du non-recours et à celle des droits connexes. Un autre, mené par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), se penche sur les effets du RSA sur le marché du travail. Un troisième, sous la houlette de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), s’occupe de la gouvernance et de l’accompa­gnement. A travers ces trois groupes, le comité a, tout en analysant la montée en charge du dispositif, construit progressivement, et avec des débats internes, sa méthodologie d’investigation, qui doit permettre une approche à la fois qualitative et quantitative.

Sachant qu’il faut mener, dépouiller et interpréter les enquêtes, il faudra du temps avant la remontée des résultats. Son travail ne peut donc encore être véritablement visible : les membres émettent des hypothèses, apportent des éclairages et des témoignages significatifs, sans pour autant être représentatifs, et il va falloir les confirmer ou les invalider et les étayer par une approche scientifique. Par ailleurs, la mise en œuvre du RSA a, cette année, mobilisé les acteurs sur beaucoup de chantiers : conventions de gestion entre les conseils généraux, les caisses d’allocations familiales (CAF) et les caisses de la mutualité sociale agricole (CMSA) ; élaboration des conventions d’orientation pour définir qui fait quoi, et comment, pour l’orientation des bénéficiaires et leur accompagnement ; adaptation fastidieuse par les conseils généraux de leurs logiciels informatiques pour pouvoir accueillir les interfaces des CAF et des CMSA ; composition des équipes pluridisciplinaires en y intégrant les bénéficiaires, dont la représentation est une nouveauté très importante ; actualisation ou mise en œuvre des partenariats avec Pôle emploi, les CAF et les acteurs de l’insertion ; révision des droits connexes pour privilégier le critère des ressources et non plus celui du statut ; mise en œuvre de l’aide personnalisée de retour à l’emploi (APRE) ; nouvelle approche des sanctions. Ce n’est qu’après cette mise en œuvre très complexe que pourra venir le temps de l’évaluation. Le comité prévoit de publier un rapport fin 2011 lors d’une conférence nationale, mais de premiers éléments apparaîtront sans doute déjà à la fin de cette année. D’autant que Marc-Philippe Daubresse, le ministre des Solidarités actives, a consulté les départements pendant le mois de juin pour voir comment simplifier et optimiser le dispositif.

Sur quels sujets a porté cette consultation ?

Trois groupes de travail ont été constitués. L’un sur la mise en œuvre de l’APRE, dont la vitesse de croisière n’est pas non plus atteinte, parce qu’il a d’abord fallu trouver qui serait le mieux placé pour la gérer parmi les conseils généraux, les CAF ou d’autres opérateurs. Il a fallu ensuite dessiner le périmètre d’intervention de l’aide et élaborer son règlement d’application et ses moda­lités de gestion, le tout dans un contexte partenarial et réglementaire qui rend moins réactif que lorsque l’on est seul aux manettes ! Un autre groupe de travail a été constitué pour permettre des simplifications administratives. Il est par exemple lourd, pour un bénéficiaire, de déclarer mensuellement ses ressources à Pôle Emploi et trimestriellement à la CAF. Le troisième groupe de travail a été dédié à l’accompagnement des bénéficiaires et aux politiques d’insertion. Des axes de travail complémentaires ont, par ailleurs, été explorés sur la montée en charge du RSA « activité » et sur les transferts de données entre les CAF, les CMSA et les conseils généraux d’une part, Pôle emploi et les conseils généraux d’autre part. Ces transferts ne sont pas réactifs du tout, ce qui met les conseils généraux en difficulté pour connaître leurs publics. Apprécier les revenus des travailleurs indépendants agricoles et des auto-entrepreneurs se révèle également difficile.

Les départements ayant expérimenté le dispositif, dont l’Eure, ont-ils plus de recul ?

Le RSA généralisé depuis le 1er juin 2009 n’est pas du tout celui qui a été expérimenté dans 34 départements ! Pionniers en la matière, nous avions pour notre part, avec l’aide de l’Agence nationale des solidarités actives, bâti une courbe de calcul différente, puisqu’elle visait à dépasser le seuil de pauvreté dès le quart de temps travaillé, avec une progression moins rapide dans sa deuxième moitié. Le montant moyen de notre incitation financière était de 218,84 €, contre environ 165 € pour le RSA « activité » dans le dispositif généralisé. Nous avons liquidé nous-mêmes la prestation sur une base mensuelle, et pas trimestrielle comme aujourd’hui. Surtout, l’expérimentation portait sur l’activité : on émargeait au RSA à partir du moment où on décrochait un emploi, alors que la loi prend aussi en compte les ex-bénéficiaires du RMI et de l’allocation de parent isolé (API) sans emploi et définit un périmètre de droits et devoirs pour ceux dont les revenus sont inférieurs à 500 €. Nous avions mis en place des accompagnements dans l’emploi avec une approche globale de leurs difficultés. Or, aujourd’hui, nous devons les accompagner vers l’emploi, avec des formes d’accompagnement distinctes (le social d’un côté, l’emploi de l’autre), ce qui est totalement différent et un peu trop schématique par rapport à la réalité ! Mais s’il nous a fallu reconfigurer l’ensemble de notre organisation en fonction de la loi, nous avons pu conserver les acquis de l’expérimentation, notamment le décloisonnement des cultures professionnelles des conseillers de Pôle emploi et des travailleurs sociaux, grâce à la mise en place de plateformes d’orientation, et l’instauration de modalités de dialogue avec les acteurs de l’insertion.

Les départements avaient la possibilité de poursuivre une partie de leur expérimentation jusqu’au 31 mai 2010…

La loi généralisant le RSA au 1er juin a mis fin aux expérimentations à cette même date. Les allocataires qui percevaient un montant supérieur à celui que leur offrait le dispositif généralisé pouvaient néanmoins en conserver le bénéfice jusqu’au 31 mai 2010, sauf délibération contraire du département. Le président du conseil général de l’Eure a tenu à respecter ses engagements, c’est-à-dire à mener l’expérimentation du volet « incitation financière » – la seule possible après le 31 mai 2009 – pendant la durée de trois ans prévue par le décret. Nous avons donc continué à calculer le RSA expérimental jusqu’au 31 mai, que les organismes payeurs avaient désormais la charge de verser, dès lors qu’il était plus favorable que le RSA généralisé. Cela a été le cas pour certaines personnes selon leur situation, leur quotité de temps de travail. Sur environ 2 000 bénéficiaires du RMI sur l’unité territoriale d’action sociale de Louviers, 383 sont rentrés dans le RSA expérimental, dont 77 % pour une reprise d’activité, 12 % pour un renouvellement de contrat, 4 % pour une augmentation des heures travaillées, 1 % pour une création d’entreprise et 6 % pour une formation. En fonction des flux d’entrées et de sorties, environ 160 recevaient chaque mois l’incitation financière « expérimentale » jusqu’à mai 2009. Depuis, du fait de la mise en place du RSA généralisé, ce chiffre a régulièrement baissé. Il est passé de 115 en juin 2009 à 57 en mai 2010. Il est toutefois encore trop tôt pour avoir une visibilité sur le dispositif général, que nous mettons seulement en place depuis un an.

Quels sont, selon vous, les défauts et les atouts de la mise en œuvre ?

Plusieurs aspects sont positifs : le RSA a permis de construire un dispositif par l’expérimentation et l’innovation, de mettre le bénéficiaire au cœur des politiques sociales, de dynamiser les partenariats, même si ­cesderniers ne doivent pas devenir des dogmes, c’est-à-dire privilégier l’écriture d’une convention en oubliant de la faire vivre par les relations et le dialogue. L’apport du RSA « activité » est en outre une progression qu’il faut saluer, même s’il ne peut être à lui seul une solution à la pauvreté. Martin Hirsch aurait sans doute voulu obtenir un calcul plus favorable que les 62 % du revenu d’activité cumulables avec le montant forfaitaire, mais les arbitrages budgétaires du gouvernement en ont décidé autrement !

Parmi les aspects négatifs, les départements regrettent en premier lieu de ne pas avoir disposé des trois ans prévus initialement pour expérimenter. La généralisation précoce est venue casser la dynamique exploratoire. Par ailleurs, les conditions financières extrêmement tendues et la complexité des systèmes informatiques à déployer entraînent des difficultés de mise en œuvre. Et puis, on ne pouvait imaginer pire contexte que cet environnement économique très défavorable, qui diminue fortement la capacité de réponse des acteurs. Quoi qu’il en soit, l’incitation financière à la reprise d’emploi montre ses limites. Elle ne peut suffire à faire disparaître tous les obstacles qui se nourrissent les uns des autres, notamment les problèmes de mobilité, de santé, de perte de confiance, de repli sur soi quand on est éloigné de l’emploi depuis longtemps. La loi individualise et responsabilise, mais la lutte contre l’exclusion a aussi besoin d’actions collectives sur les territoires pour créer du lien social, fabriquer du sentiment d’appartenance et de l’identité. S’il a été un peu conçu comme une « pensée magique », le RSA met au contraire en relief la complexité de problèmes de société, individuels, de gestion et de financement.

La lente montée en charge du dispositif (1) est déjà en soi un dysfonctionnement…

Cela dépend des catégories de bénéficiaires. Alors que les ex-allocataires du RMI ont basculé pleinement dans le nouveau système, les anciens bénéficiaires de l’API ont été plus nombreux que prévu, en raison d’un mode de gestion pour eux simplifié et plus favorable, grâce à la modification de la limite d’âge des enfants, l’exclusion des majorations pour âge des allocations familiales et des attributions plus automatiques qui ne nécessitent pas d’en faire la demande explicite. La lente montée en charge du RSA « activité » est très certainement la conséquence de la dégradation du marché du travail. Néanmoins, d’autres explications doivent être approfondies : le non-recours, qui peut être motivé par la crainte des salariés d’êtres stigmatisés, le RSA associant le travail avec un revenu d’assistance, ou encore le poids des contraintes administratives par rapport au gain obtenu et la peur de la perte de stabilité du revenu en changeant de catégorie lors d’une reprise d’activité.

Les personnes ont, compte tenu des modes de calcul de l’allocation, des difficultés à faire des projections sur leurs ressources et sur leur statut dans le dispositif. Elles peuvent, par ailleurs, relever ou non d’un accompagnement en fonction de l’évolution de leur situation. Comme la loi donne la priorité à l’emploi, la situation de la personne accompagnée sur le plan social doit en outre être revue tous les six ou 12 mois afin de savoir pourquoi elle n’a pas pu être orientée vers un organisme d’insertion professionnelle. Cette inflexion très forte, assortie d’obligations, peut aussi faire peur. On peut également penser que certains sont insuffisamment informés du fait qu’ils pourraient avoir droit au RSA. Tout cela est à regarder de près. Mais il faut aussi ajouter à cette complexité les difficultés liées aux institutions : le dispositif est très lourd pour les conseils généraux, étranglés financièrement face à l’augmentation de leurs charges et la diminution de leurs ressources. Il l’est aussi pour Pôle emploi, qui a dû se l’approprier à un mo­ment où il était en pleine fusion entre l’ANPE-Assedic, et pour les CAF, confrontées à un manque d’effectifs.

L’objectif de faire dépasser à 700 000 travailleurs pauvres le seuil de pauvreté n’était-il pas illusoire ?

Si le RSA « socle » ne change rien par rapport au RMI, en revanche, le RSA « activité » apporte incontestablement un plus. Les travailleurs pauvres obtiennent un gain financier qui, en période de crise, leur permet d’augmenter leur pouvoir d’achat. Ce qui n’empêche pas qu’il va falloir examiner les cas où les allocataires perdent des droits en touchant l’allocation. L’attribution des aides personnelles au logement, notamment, semble poser problème (2). Mais au-delà de ce gain financier, sortir de la pauvreté, qui plus est durablement, est une autre affaire.

L’APRE répond-elle à l’objectif de lever les freins matériels à l’emploi ?

Elle représente au total un financement de l’Etat de 75 millions d’euros : 60 millions d’euros gérés au niveau départemental, dans la continuité du « coup de pouce » attribué dans le cadre du RSA expérimental, et 15 millions d’euros gérés directement par Pôle emploi. Les enveloppes de l’« APRE départementale » sont accordées par le préfet du département, au prorata du nombre de bénéficiaires du RSA « socle », et sont réparties entre les référents accompagnateurs. L’aide, qui représente dans l’Eure en moyenne 490 € par bénéficiaire, versés en une ou plusieurs fois selon les motifs d’attribution – soutien à la mobilité, à la garde d’enfant ou coup de pouce pour passer chez le coiffeur… –, est en théorie accordée selon des critères de reprise d’emploi ou de formation déterminés par la loi. Mais Martin Hirsch avait préconisé de « débrider » le dispositif localement pour le rendre plus souple d’accès, dans l’idée de l’évaluer et de le corriger au bout d’un an. L’enjeu est, en effet, pour que cette aide réponde à ses objectifs, de la mobiliser suffisamment en amont, dès lors que l’allocataire présente un projet professionnel réaliste. Une personne souhaitant devenir aide à domicile, par exemple, doit pouvoir l’utiliser pour passer son permis de conduire en même temps qu’elle se forme. L’activité n’est pas encore là, mais on mobilise l’APRE dans sa perspective. Dans l’Eure, nous nous sommes mis d’accord avec Pôle Emploi et l’Etat pour que cela soit possible, sous réserve de la validation du projet professionnel. Il sera intéressant, dans le cadre de l’évaluation, de voir si les départements adoptent des attitudes plus ou moins souples au regard de l’attribution. In fine, il s’agira, bien sûr, de vérifier si l’APRE a véritablement favorisé la reprise d’activité au regard de l’aide qu’elle a concrètement apportée.

Les modalités d’accompagnement seraient trop cloisonnées…

La loi nous ramène vers cette distinction tout en décrétant, sur le fond, l’insertion professionnelle prioritaire. Mais cette organisation dualiste n’exclut pas, au-delà de la création d’une fonction de correspondant, que des modalités de dialogue entre les institutions soient instaurées pour que la segmentation des publics ne conduise pas à celle de leurs besoins. Nous avons en outre, dans l’Eure, « réinventé » un entre-deux en désignant des associations du secteur de l’insertion par l’activité économique comme référents pour l’accompagnement socio-professionnel, en plus des quelques conseillers d’insertion socio-professionnelle que nous avions recrutés lors de notre expérimentation.

Pour suivre l’esprit de la loi, nous nous étions fixé l’objectif d’orienter 60 % des personnes vers l’insertion professionnelle. Nous l’avons quasiment atteint, sachant que l’orientation, discutée avec le bénéficiaire, est chez nous réalisée en binôme par un conseiller de Pôle emploi et un travailleur social du département. Mais ce qui était au départ une contrainte, et est devenu un choix partagé, devra passer l’épreuve des faits dans la durée. Est-ce que cet accompagnement correspondait bien à la problématique de la personne, la barre n’a-t-elle pas été placée trop haut ? La pertinence de ces orientations va se vérifier dans l’activité des équipes pluridisciplinaires, composées des professionnels de l’insertion sociale et professionnelle, chargées notamment des réorientations quand l’accompagnement initial n’était pas adéquat. Si les difficultés d’une personne orientée vers Pôle emploi sont massives, n’ont pas été repérées lors de l’orientation ou parce que sa situation a changé, cette orientation peut être remise en cause.

Ce délai d’orientation demeure très long…

Il faut être extrêmement attentif sur les délais qui s’écoulent entre les trois temps du RSA : l’ouverture des droits, le diagnostic et l’orientation et l’accompagnement. Il doivent être resserrés au maximum dans l’intérêt du bénéficiaire et pour l’efficience du dispositif. Certains départements effectuent l’orientation seuls à l’aide de conseillers d’insertion dédiés, parfois sur dossier, sous-traitent cette mission ou bien ont créé comme nous une plateforme commune. Nous ne pouvions plus, compte tenu de la généralisation du dispositif, donc de l’augmentation annoncée des bénéficiaires, disposer des effectifs de la CAF sur notre plateforme d’ouverture de droits comme lors de l’expérimentation. Nous avons donc perdu en efficacité sur cet aspect, qui était pourtant exemplaire. Nous cherchons d’ailleurs à y remédier avec nos partenaires, à partir d’un bilan partagé après un an de fonctionnement. De fait, des personnes convoquées uniquement pour leur orien­tation viennent moins facilement parce qu’elles ont déjà des droits ouverts. En revanche, nous avons gagné le bénéfice de la présence de Pôle emploi sur notre plateforme d’orientation commune. Puisque nous avons confié l’instruction aux CAF et aux CMSA, les travailleurs sociaux sont recentrés sur leur mission accompagnement. Mais ce n’est pas forcément le cas partout, certains départements ayant continué à instruire. Il appartiendra au comité d’évaluation d’examiner les différents modes d’organisation et ce qu’en disent les acteurs et les bénéficiaires.

Le dispositif accroît-il les risques de sanction ?

Il faut d’abord relever que le RSA concer­ne une nouvelle catégorie de personnes qui n’avaient pas du tout l’habitude de « contractualiser »: les bénéficiaires de l’API, auxquels les travailleurs sociaux doivent porter une attention particulière. Les professionnels peuvent se trouver en difficulté pour mobiliser ce public, qui peut, de son côté, être très déstabilisé par des devoirs qu’il n’avait pas jusque-là. Au-delà, l’organisation induite par le RSA, qui se traduit par un rapprochement du bénéficiaire, par un suivi resserré dès la première convocation, entraîne très certainement une hausse des sanctions par rapport à ce qui existait pour le RMI, même si les départements font en sorte qu’elles soient modulées et progressives comme le permet la loi.

Le RSA amène-t-il le travail social à se réinterroger ?

Oui. Le fait de désigner un référent unique, pour l’insertion sociale ou professionnelle, et de se poser la question des passerelles, interroge évidemment le travail social. Mais cette tendance dépasse le RSA. L’approche sectorielle et par dispositifs amène le travail social à réfléchir aux moyens de faire perdurer l’approche globale qui est son fondement. L’enjeu est aussi, pour les conseils généraux, de rationaliser les interventions. Nous avons ainsi réfléchi au moyen de contractualiser l’accompagnement autour d’un objectif qui prenne en compte chacun des dispositifs touchant une même famille, par exemple une aide éducative budgétaire, un accompagnement spécifique pour le lo­gement et le RSA. Je pense que cette préoccupation est partagée par l’ensemble des conseils généraux.

Après le temps de la mise en œuvre des dispositifs, il faut chercher à croiser les accompagnements pour leur redonner du sens. C’est autant un enjeu de métier, celui du travail social, qu’un enjeu de respect de la personne accompagnée.

L’ACCOMPAGNEMENT À L’ÉPREUVE DES MOYENS ?

La FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale) dénonce, à partir des informations remontant des territoires, « la faiblesse de l’accompagnement des bénéficiaires soumis à une obligation de suivi ». Les agents de Pôle emploi, vers qui sont orientés « près des deux tiers des personnes soumises à l’obligation d’emploi », « s’avèrent totalement dépassés par la situation » par manque d’effectifs et de formation, souligne-t-elle. Résultat : « un nombre important de bénéficiaires se retrouve rapidement en rupture de suivi » tandis que les départements, confrontés à la chute de leurs recettes, « coupent dans les dépenses relatives aux actions d’insertion, mettant en péril le travail avec leurs partenaires associatifs ».

Si les situations varient d’un département à l’autre, des dysfonctionnements sont confirmés par l’Unccas (Union nationale des centres communaux d’action sociale), qui, selon les retours de son réseau, estime qu’il faut compter jusqu’à un mois de délai pour l’obtention d’un rendez-vous pour une demande d’instruction de dossier, jusqu’à deux pour bénéficier d’un travailleur social référent, quatre en moyenne pour accéder à un projet personnalisé d’accès à l’emploi. « Les conseils généraux qui n’ont pas les moyens d’assurer la montée en puissance du dispositif n’ont pas signé de convention pour l’accompagnement », indique Daniel Zielinski, délégué général de l’Unccas, pour qui les CCAS sont parfois devenus « des partenaires par défaut ». « Certains lancent des appels d’offres pour obtenir un accompagnement social moins cher. Nous avons d’ailleurs demandé l’arbitrage de Bercy, selon lequel l’accompagnement des bénéficiaires du RMI-RSA n’est pas soumis aux obligations de publicité et de mise en concurrence fixées par le code des marchés publics. »

Une telle redistribution des cartes remet en cause les partenariats avec les conseils généraux.

Et quand les CCAS ne font plus partie du pilotage du dispositif, « il n’y a pas plus de lien logique entre nos dispositifs d’insertion et les bénéficiaires, ajoute Daniel Zielinski. Il nous faut désormais aller chercher ces personnes, refaire une enquête sur leurs ressources pour savoir si elles peuvent bénéficier d’une aide extra-légale. »

René-Paul Savary, président de la commission « insertion et cohésion sociale » de l’Assemblée des départements de France et du conseil général de la Marne (UMP), reconnaît des difficultés. « Le partenariat à trois, où l’Etat décide, le département paie et la CAF prescrit, bouleverse les enjeux », explique-t-il. La CAF de Montpellier, pilote dans l’offre d’accompagnement social pour les ex-bénéficiaires de l’API par la branche famille, n’a pas encore conclu sa convention avec le conseil général de l’Hérault. Elle devrait assurer cette offre de service en septembre, et est « susceptible d’embaucher des travailleurs sociaux rémunérés par le département ». Mais au niveau national, « très peu de conseils généraux ont passé une convention avec la CAF pour cette offre », témoigne Marc Revault, président de l’Association nationale des cadres de l’action sociale des départements. A Pôle emploi, Nathalie Hanet, directrice « collectivités territoriales et partenariats », atteste de l’« impact volume » de l’entrée des bénéficiaires du RSA dans l’offre de service de droit commun de l’institution. Si les délais semblent longs, selon elle, en revanche, pas de problèmes massifs de retards dus à cette montée en charge : « le suivi mensuel personnalisé commence au quatrième mois après l’inscription, c’est la norme prévue », précise-t-elle. Pôle emploi a signé avec les conseils généraux 46 conventions d’offre de service complémentaire, dédiée spécifiquement aux bénéficiaires du RSA (14 autres sont en projet).

L’organisme devrait présenter le 9 juillet, en conseil d’administration, un plan d’action découlant des conclusions du rapport de Rose-Marie Van Lerberghe sur la « dynamique territoriale de l’emploi », qui vise à renforcer les partenariats, notamment avec les acteurs intervenant dans le champ de l’insertion. « Il s’agit de renforcer la capacité du réseau à développer les articulations, notamment avec les services sociaux », explique Nathalie Hanet.

M. LB.

Notes

(1) Selon la CNAF, fin mars 2010, 1,74 million de foyers étaient allocataires du RSA (+ 2 % au premier trimestre pour le RSA socle non majoré). Environ 418 000 foyers bénéficiaient du « RSA activité » seul.

(2) Interrogé, Yannick L’Horty, économiste et membre du comité national d’évaluation, indique que « les travaux de simulation montrent que le RSA représente dans tous les cas un complément de revenu ». Reste en revanche à connaître les ajustements des politiques sociales locales, dans un contexte de forte pression budgétaire, « qui pourraient annuler l’impact des gains obtenus ». Les résultats d’une enquête sur ce sujet des droits connexes locaux devraient être connus en septembre.

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