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Prise en charge de la dépendance : les propositions de la mission « Rosso-Debord »

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Dans un rapport rendu public le 23 juin, la députée (UMP) Valérie Rosso-Debord préconise notamment de recentrer l’allocation personnalisée d’autonomie sur les personnes âgées les plus dépendantes, de récupérer, dans certains cas, les sommes ainsi versées sur le patrimoine des allocataires et de rendre obligatoire le recours à une assurance prévoyance individuelle.

Presque un an après la création de la mission d’information sur la prise en charge de la dépendance des personnes âgées, la députée (UMP) Valérie Rosso-Debord a rendu publiques ses conclusions le 23 juin (1). Un rapport qui intervient peu après que le Premier ministre a annoncé qu’une réforme de la dépendance serait engagée « avant la fin de l’année » (2). Après avoir dressé un état des lieux socio-économique inquiétant (croissance rapide du nombre de personnes âgées dépendantes, baisse des budgets consacrés à la dépendance, inadaptation de l’offre d’hébergement…), l’élue de Meurthe-et-Moselle formule un certain nombre de propositions pour pallier les carences de la prise en charge.

Trouver de nouveaux financements

« Survenant de plus en plus tardivement et étant de plus en plus courtes, les pertes d’autonomie régressent objectivement mais, du fait de l’augmentation des classes d’âge de plus de 70 ans [3], les personnes âgées dépendantes devraient être de plus en plus nombreuses », estime la députée. Toutefois, rien de dramatique pour l’instant, souligne-t-elle, car on ne dénombrait en 2008 que 1,1 million de bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) – au travers de laquelle est mesurée la perte d’autonomie (4) –, soit 6,7 % des 16,4 millions de personnes de plus de 60 ans. Toutefois, si la hausse du nombre de bénéficiaires de l’allocation ralentit depuis 2007 (de 2 à 3 % par an, contre 7 à 10 % les années précédentes), « les dépenses semblent poursuivre leur dynamique de croissance », constate l’élue : 4,5 milliards en 2007 et 5,1 milliards en 2009. L’effort public d’aide à l’autonomie est ainsi « en forte croissance »: à la mi-2008, il s’élevait à 21 milliards d’euros, soit un peu plus de 1,1 % du produit intérieur brut. Principaux financeurs, les organismes de sécurité sociale, puis les départements et l’Etat, tous endettés (5). Aussi, pour augmenter le niveau de financement de la dépendance, Valérie Rosso-Debord souhaite-t-elle entre autres « faire progressivement participer à la contribution solidarité autonomie les professions exemptées [6] par l’application de taux gradués en fonction des montants de leurs revenus. »

S’agissant de l’APA, elle est en majeure partie financée par les conseils généraux qui en assument la gestion et le service. Le besoin de financement de la dépendance a d’autant plus pesé sur les départements que la crise a conduit à une hausse des dépenses sociales, qui constituent la moitié de leurs dépenses. Un constat déjà établi par le rapport « Jamet » (7), sur la base duquel ont été proposées des mesures pour une meilleure maîtrise des dépenses de ces collectivités. La situation est d’autant plus critique, souligne la députée, que « la contribution de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie [CNSA] diminue au cours des années [8], laissant à la charge des départements une part de plus en plus importante du financement ». Pour Valérie Rosso-Debord, « il convient [donc] de veiller à ne pas contribuer à de nouveaux alourdissements de la charge de la dette afin de ne pas perdre toute marge de manœuvre financière ». Car « il arrivera un moment où les conseils généraux les plus pauvres ne pourront plus assumer seuls ces dépenses ». La mission propose donc de réformer l’APA, d’abord en la recentrant sur les personnes relevant des groupes iso-ressources (GIR) 1 à 3 (les plus dépendantes), excluant ainsi le GIR 4. En outre, elle suggère de « rendre obligatoire dès 50 ans la souscription d’une assurance des personnes contre la perte d’autonomie auprès de l’établissement labellisé de leur choix » – une proposition très critiquée par le milieu associatif (voir réactions, page 24). Des recommandations qui vont en majeure partie dans le même sens que celles du gouvernement (9).

Prévenir et mieux compenser la perte d’autonomie

Dans ce contexte, la prévention de la perte d’autonomie peut contribuer à diminuer les dépenses, estime Valérie Rosso-Debord. Le plan « Solidarité grand âge » 2007-2010 et le plan « Bien vieillir » 2007-2009 avaient prévu d’instaurer une consultation médicale gratuite de prévention confiée aux médecins généralistes, une mesure qui n’a jamais été mise en œuvre, regrette la députée. Lors de son audition par les membres de la mission, la ministre de la Santé et de la Solidarité leur a assuré que ses services travaillaient actuellement sur un « projet de consultation de longévité, laquelle, après avoir été expérimentée sur quatre départements, serait gratuitement proposée aux personnes lors de leur cessation d’activité ou à partir de 55 ans en cas d’inactivité ». Estimant qu’un grand nombre d’experts s’étaient suffisamment prononcés sur cette question, la mission a demandé à la ministre de mettre en place, sans délai, une consultation gratuite de prévention pour les personnes âgées de plus de 60 ans.

Le rapport pointe également les « évaluations incertaines » de la dépendance. Celles-ci sont effectuées à l’aide de la grille AGGIR, qui « ne permet pas de décrire la complexité de la situation de la personne dans son environnement ». En outre, rapporte la députée, « les frontières entre les différents GIR seraient si ténues qu’un utilisateur averti peut aisément faire basculer une personne d’un GIR à un autre selon la façon dont il remplit la grille ». Bien que des formations à l’utilisation de cette grille aient déjà été organisées (10), Valérie Rosso-Debord enfonce le clou sur la formation des évaluateurs. Evaluateurs qu’elle estime aussi trop nombreux (médecin traitant, évaluateurs de la caisse nationale d’assurance vieillesse, du conseil général, voire de la compagnie d’assurance) et dont l’interprétation des indicateurs d’évaluation peut manquer d’homogénéité non seulement sur les territoires mais aussi parfois au sujet d’une même personne.

Au-delà d’une prise en charge qui peut s’avérer inadaptée (voir ci-dessous), cette situation conduit aussi à une « compensation inéquitable » de la perte d’autonomie des personnes âgées, ce qui peut avoir une incidence sur leur reste à charge. Pour plus d’équité, la député recommande entre autres de réduire le reste à charge en établissement, notamment en interdisant l’imputation des amortissements mobiliers et immobiliers des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) sur les prix de journée demandés aux résidents. L’auteure invite donc les EHPAD à rechercher des solutions innovantes pour réduire leurs coûts : mise à disposition gratuite de terrains par les collectivités publiques, choix de petites structures de plain-pied afin d’éviter les prix prohibitifs d’installation et d’entretien d’ascenseurs, etc.

En outre, pour assurer une même obligation de contribution des familles sur l’ensemble du territoire (11), elle suggère, comme le gouvernement, de créer un droit d’option à l’APA à destination des demandeurs ayant un patrimoine d’une valeur au moins égale à 100 000 € (le gouvernement propose 130 000 €). Ceux-ci pourraient ainsi choisir entre le service d’une allocation à taux plein, à condition d’accepter une récupération sur leur succession, plafonnée à 20 000 €, et une allocation diminuée de moitié sans reprise sur succession.

Développer une offre d’hébergement suffisante et adaptée

Pour Valérie Rosso-Debord, l’hébergement en institution est trop « disparate ». Selon une étude de la DREES, au 31 décembre 2007, 657 000 personnes résidaient dans 10 300 établissements d’hébergement pour personnes âgées, représentant un taux global d’occupation de 96 %. La plupart d’entre elles résidaient en EHPAD (76 %), les autres dans des logements-foyer (17 %), des maisons de retraite (5 %) et des unités de soins de longue durée (3 %). L’âge moyen des résidents était de 84 ans, ceux-ci relevant alors à 51 % des GIR 1 et 2 et à 33 % des GIR 3 et 4. « A l’évidence, souligne le rapport, cette transformation progressive des maisons de retraite en lieux de fin de vie comportant des prises en charge sanitaires tout autant que médico-sociales exige une politique spécifique, car les modes de gouvernance et les circuits de financement restent complexes et les résultats ne sont pas toujours des plus efficients pour les personnes âgées. » Plusieurs obstacles à l’augmentation des capacités d’accueil et de la qualité de l’accueil existent : « multiplicité des autorités de tutelle et des opérateurs » (Etat, départements, régions), « éclatement du pilotage national ou territorial », « manque de lisibilité des financements »… En conséquence, pour assurer une « politique plus cohérente de prise en charge », la mission souhaite, entre autres, que des directeurs adjoints en charge du secteur médico-social soient « systématiquement » désignés au sein des directions des agences régionales de santé afin de donner à leurs différents interlocuteurs une meilleure visibilité de leurs actions en ce domaine.

La députée estime que le maintien à domicile est également menacé. Aussi rejoint-elle la secrétaire d’Etat chargée des aînés sur les propositions qu’elle a récemment formulées pour faciliter son développement (formation des aidants professionnels et informels, sensibilisation du corps médical…) (12).

Notes

(1) Rapport d’information sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes – Juin 2010 – Disponible sur www.assemblee-nationale.fr.

(2) Voir ASH n° 2662 du 4-06-10, p. 10 et 23.

(3) Selon les projections de l’INSEE, les personnes de plus de 75 ans devraient représenter 12 % de la population en 2030 et près de 16 % en 2050.

(4) Rappelons que l’APA est attribuée aux personnes relevant des groupes iso-ressources 1 à 4, c’est-à-dire les plus dépendantes.

(5) Sur les déficits des branches maladie et vieillesse, voir ASH n° 2664 du 18-06-10, p. 12.

(6) Sont en effet exemptés les professions artisanales, les professions libérales et indépendantes, les agriculteurs et les retraités.

(7) Voir ASH n° 2662 du 4-06-10, p. 10.

(8) Le niveau de la contribution de la CNSA est passé de 43 % en 2002 à 30 % en 2010 (taux provisoire) – Sur ce sujet, voir aussi p. 9.

(9) Voir ASH n° 2561 du 6-06-08, p. 5 et n° 2566 du 11-07-08, p. 5.

(10) Voir ASH n° 2605 du 17-04-09, p. 12.

(11) En effet, aux yeux de la mission, il est « étonnant de constater que l’attribution de l’APA à des gens aisés, voire fortunés, ne fasse l’objet d’aucune récupération à l’exception de la participation des intéressés à leur plan d’aide personnalisé ».

(12) Voir ASH n° 2665 du 25-06-10, p. 12.

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