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Un vigile à la PJJ : front uni contre l’expérimentation

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Un établissement de placement éducatif de Seine-Saint-Denis va expérimenter l’arrivée d’un vigile en appui des équipes éducatives. Si la direction interrégionale n’y voit qu’un outil supplémentaire pour répondre à la violence dans les établissements, les syndicats considèrent cette cohabitation comme un précédent dommageable à l’action éducative.

Le tollé enfle. Les syndicats de la protection judiciaire de la jeunesse et des organisations de professionnels de la justice demandent le retrait d’une expérimentation que doit lancer la direction interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) Ile-de-France-Outre-mer mi-septembre dans l’établissement de placement éducatif de Pantin (Seine-Saint-Denis). Son objectif : « renforcer la sécurité des biens et des personnes », tant face aux violences internes qu’aux intrusions externes, en faisant appel à une société de surveillance qui viendra « en appui » de l’équipe éducative. Le cahier des charges précise que le dispositif « renforcera la capacité de la structure à tenir le placement dans la durée et à accueillir un groupe de 10 à 12 jeunes avec des problématiques très lourdes ».

Le SNPES-PJJ, l’UNSA-SPJJ, le Syndicat national des psychologues et la CGT-PJJ, qui dénoncent « l’absence de toute concertation avec les personnels », craignent la transformation des foyers d’hébergement en nouveaux lieux d’enfermement, ce qui est « contraire aux principes actuels du code pénal ». Les missions des personnels s’en trouveraient également, selon elles, dévoyées. « Les incidents doivent pouvoir être gérés par l’institution, explique Maria Inès, co-secrétaire nationale du SNPES. Mais pour cela il faut des conditions qui ne sont pas remplies aujourd’hui, en premier lieu des moyens humains, alors que les établissements de placement éducatif n’atteignent pas tous le ratio de 14 éducateurs pour 12 jeunes et sont loin d’avoir tous des psychologues à temps plein. Il faudrait aussi que les personnels puissent avoir des marges de manœuvre dans la composition des groupes et les modalités d’accueil. Or, ce qui prime, c’est de faire en sorte qu’aucune place soit vide. » Craignant aussi un risque de confusion et de nouvelles tensions, l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille a quant à elle adressé un courrier au directeur interrégional de la PJJ dans lequel elle défend que la protection des personnes fait partie intégrante des missions éducatives. L’organisation appelle par ailleurs à analyser les causes des situations de crise, parmi lesquelles le manque de souplesse dans l’orientation des mineurs et le défaut d’articulation avec les partenaires.

Alors que les organisations syndicales de la PJJ fustigent des conditions de travail difficiles, des « remplissages en flux tendu », les personnels de l’établissement de Pantin estiment également que « la présence d’un vigile va justement mettre à mal la fonction contenante qu’assurent les éducateurs ». Le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France pointent un autre danger : « Un tel dispositif “de sécurité” ne peut que générer, en miroir, une escalade de violence annoncée. »

Un outil supplémentaire ?

Guy Bezat, le directeur interrégional de la PJJ, réfute, de son côté, tout risque de dérive. « Dans certaines situations, l’approche éducative ne suffit pas », argumente-t-il en citant des cas d’agressions graves. « A la demande des éducateurs, qui restent responsables de la gestion des incidents et devront en la matière aller jusqu’au bout de leur intervention, le personnel de surveillance pourra intervenir pour désamorcer ou retarder le passage à l’acte grave en attendant que la police arrive. » Le vigile, « sans arme, matraque ou bombe lacrymogène », sera, explique-t-il, affecté à temps plein sur le site, mais dans un bâtiment distinct de l’établissement éducatif, qui sera par ailleurs doté d’un système de vidéosurveillance. « Le fait que nous ayons choisi cet établissement, qui n’est pas repéré comme le plus en difficulté, confirme que nous ne voulons pas remplacer le travail des éducateurs par celui des agents de sécurité, mais que nous voulons leur apporter un outil supplémentaire dans certaines situations », justifie Guy Bezat.

Entre la médiation de l’agent et le dialogue que peuvent engager les éducateurs, les lignes de partage risquent pourtant d’être, dans la pratique, difficiles à délimiter. « A partir du cahier des charges, un protocole d’intervention sera élaboré début septembre », répond Guy Bezat. D’ici là, la direction devra aussi régler les problèmes de gestion de ressources humaines. « Les personnels, en très grande majorité totalement opposés à cette expérimentation, sont sommés de se définir entre accepter ou muter en dehors de toutes les procédures normales en matière de mobilité », s’indignent les syndicats. Ils ont demandé audience à la ministre de la Justice « afin que soient respectés les droits des mineurs et des agents » et, en signe de protestation, ont décidé de suspendre leur participation aux instances de dialogue social.

A la direction de la PJJ, on fait valoir que « dans le cadre de l’amélioration de la qualité des prises en charge, l’administration centrale suit attentivement toutes les expérimentations de terrain et attendra un bilan avant de se prononcer ». La gestion des violences, devenues dans certains cas un obstacle à la continuité éducative, fait l’objet d’une réflexion de l’institution depuis plusieurs années. Apparemment, aucune réponse satisfaisante n’a encore été trouvée. « Nous devons travailler en permanence sur cette question et nous avons à renforcer l’outillage des personnels. Nous le faisons déjà dans le cadre de la formation continue », souligne Guy Bezat. Une autre expérimentation devrait d’ailleurs démarrer en fin d’année en Ile-de-France. Elle devrait permettre à des établissements de placement éducatif d’envoyer des jeunes que l’institution n’arrive plus à gérer ou qui sont « passés à l’acte » dans de « petits lieux de remobilisation », pendant 15 jours renouvelables une fois, sans avoir recours à une main levée de placement.

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