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Les reculs du projet de loi « Besson » sur l’immigration décryptés dans une analyse collective

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Au terme d’une réflexion de plusieurs mois, 13 organisations (1) ont, le 17 juin, livré une analyse collective approfondie du projet de loi « relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité ». Présenté le 31 mars dernier (2), celui-ci doit être discuté au Parlement à la rentrée. « Bien plus qu’une énième réforme », officiellement motivée par la transposition en droit français de trois directives communautaires, il s’agit pour la France de renforcer « sa politique de dissuasion migratoire de manière brutale », estiment-elles. « Au mépris des libertés fondamentales les plus élémentaires, beaucoup plus d’arrivants devraient être refoulés, beaucoup plus de sans-papiers pourraient être expulsés. »

Les organisations critiquent des « avancées en trompe l’œil ». Parmi elles : la possibilité, pour les jeunes confiés au service de l’aide sociale à l’enfance entre 16 et 18 ans, d’obtenir un titre de séjour à leur majorité. « Toutefois, cette possibilité est assortie, en pratique, d’une série de conditions restrictives et sans rapport avec la réalité que vivent ces jeunes, qui risquent d’exclure la majeure partie d’entre eux de son bénéfice. » Ainsi, la régularisation aurait un caractère « exceptionnel » et serait subordonnée à des exigences, dont la prise en compte de la « nature des liens avec la famille restée dans le pays d’origine », ainsi que la justification d’une « formation réelle et sérieuse » destinée à apporter une qualification professionnelle et suivie depuis au moins six mois. Au total, le texte serait moins protecteur que la jurisprudence des tribunaux administratifs.

Une fausse immunité humanitaire ?

La réforme n’apporterait pas non plus « une véritable immunité humanitaire » aux personnes aidant les sans-papiers de façon désintéressée, ajoutent les organisations. La notion de « sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique de la personne » introduite dans le projet de loi et celle de « sauvegarde de la personne » qui prévaut actuellement sont « quasi identiques et entendues de façon très restrictive par les juridictions pénales ». Le texte conserve donc « le caractère extrêmement large du champ de l’incrimination d’aide au séjour irrégulier » actuellement inscrit dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d’asile, en prévoyant de « très rares » cas d’immunité. Malgré les recommandations de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, l’infraction reste le principe et les immunités des exceptions.

Pour les organisations, la liste des « reculs », est longue. Le projet de loi est, selon elles, « imprégné d’une défiance évidente à l’égard du juge des libertés et de la détention, considéré comme un “empêcheur d’expulser efficacement” ». Concrètement, un étranger placé en centre de rétention devra attendre cinq jours au lieu de 48 heures avant de rencontrer ce magistrat, dont le pouvoir est amoindri : il ne pourrait opposer certaines irrégularités de la procédure, ne disposerait plus que de 24 heures pour statuer et devrait tenir compte des contraintes de l’administration quant aux retards dans la notification ou l’exercice effectif des droits de la personne retenue. La transposition de la directive « retour » débouche par ailleurs sur la proposition d’allonger la durée de maintien en rétention à 45 jours au total, au lieu de 32 jours actuellement.

Autre mesure critiquée : l’interdiction de retour sur le territoire français, « véritable bannissement », pour une durée pouvant aller jusqu’à cinq ans. Les organisations mettent également en doute la validité juridique de la notion de « zone d’attente virtuelle » créée en plus de celles qui s’étendent des points d’embarquement et de débarquement à ceux où sont effectués les contrôles des personnes. Selon le projet de loi, en effet, « lorsqu’il est manifeste qu’un groupe d’étrangers vient d’arriver en France en dehors d’un point de passage frontalier, la zone d’attente s’étend du lieu de découverte des intéressés jusqu’au point de passage frontalier le plus proche ». Alors que la directive « retour » autorise des dérogations exceptionnelles à la loi en la matière, le texte semble ériger cette nouvelle définition en règle, regrettent les organisations.

Un nouveau cas de procédure prioritaire

Le projet de loi ajoute une nouvelle restriction pour l’admission sur le territoire des demandeurs d’asile. Ceux qui fourniraient de fausses indications ou dissimuleraient des informations afin « d’induire en erreur les autorités » rejoindraient le rang des requérants placés en « procédure prioritaire » (20 % des demandeurs aujourd’hui), traitée de manière accélérée sans ouvrir de droits sociaux. Le collectif conteste enfin la notion de « contrôle de l’assimilation » des nouveaux Français (par la signature d’une « charte des droits et devoirs du citoyen ») qui, selon lui, « renvoie à une négation symbolique de la diversité culturelle de la nation ».

Notes

(1) ADDE, ACAT France, ANAFE, CFDA, Cimade, FASTI, GISTI, Informie, Migreurop, Migrants Outre-Mer, Association Primo-Levi, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature.

(2) Voir ASH n° 2654 du 9-04-10, p. 5.

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