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Insertion des Roms : les collectivités à tâtons

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Depuis quelques années, des milliers de Roms de Roumanie et de Bulgarie se sont installés en France, en quête d’un avenir meilleur. En raison de leurs difficultés d’accès au séjour, à l’emploi et aux prestations sociales, nombre d’entre eux échouent dans des bidonvilles ou sont reconduits dans leur pays. Localement, pouvoirs publics et associations expérimentent des solutions pour favoriser leur insertion. Mais les familles qui ne peuvent en bénéficier sont condamnées à l’errance.

« Satou nu », signifie « nouveau village » en roumain. Implanté il y a trois ans à Aubervilliers, ce lieu d’accueil comprenant 18 mobile homes est le premier village d’insertion des Roms du département de Seine-Saint-Denis. Depuis, le modèle a essaimé à Saint-Ouen, Bagnolet, Saint-Denis et Montreuil, sous des formes plus ou moins similaires. A Sainte-Luce-sur-Loire, petite commune de Loire-Atlantique proche de Nantes, la municipalité expérimente depuis fin 2009 une approche différente, basée sur l’intégration de dix familles rom dans la ville. Dans le Nord et le Pas-de-Calais, où vivrait un millier de Roms, l’Association régionale d’étude et d’action auprès des gens du voyage (AREAS) (1) mène, pour sa part, un travail de proximité auprès des familles rom installées sur des « lieux de survie », qu’il s’agisse de bidonvilles, de squats ou de rassemblements de caravanes. L’objectif de l’association est de recenser les familles, de sonder leurs besoins et de mener des actions de médiation en matière de santé, de scolarisation et d’accès aux droits sociaux.

La prise en charge des Roms migrants – environ 15 000 personnes en France – revêt ainsi des formes variées selon les territoires, l’implication des acteurs publics et les crédits mobilisés. Agissant aux côtés des associations, les municipalités, les intercommunalités et les conseils généraux sont fréquemment en première ligne, mais les conseils régionaux et les préfectures peuvent également intervenir. La palette d’actions déployées peut aller de la prise en charge humanitaire à un accompagnement global réunissant une pluralité d’acteurs comme les villages d’insertion. « La réponse la plus aboutie à ce jour en termes d’implication des acteurs associatifs et de la puissance publique », estime Agnès El Majeri, directrice de la mission Ile-de-France à la Fondation Abbé-Pierre.

Les Roms sont en passe de devenir une catégorie de l’action publique, affirme Olivier Legros, maître de conférences en géographie urbaine à Tours et animateur du réseau Urba-Roms (2). Mais, selon le chercheur, la plupart des politiques conduites en leur direction suivent avant tout une logique spatiale, à savoir l’éradication du bidonville. « Les pouvoirs publics cherchent à rayer celui-ci de la carte car c’est l’expression la plus visible de leur échec à offrir un logement pour tous. » Ils se concentreraient ainsi plus sur l’habitat indigne que sur une analyse de la demande sociale visant l’intégration des personnes.

Dans la Seine-Saint-Denis, la naissance des villages d’insertion découle effectivement de la nécessité de mettre à l’abri des familles avec enfants dans un endroit sain et sécurisé. A Aubervilliers, l’idée de lancer une opération d’habitat adapté remonte à 2005, alors que 500 à 600 Roms étaient recensés dans cinq bidonvilles. Après un incendie survenu en 2006, la mairie a provisoirement installé les familles vivant dans les conditions les plus précaires dans des caravanes avec l’appui de la Fondation Abbé-Pierre. Et c’est à l’issue d’une phase de diagnostic de plusieurs mois que le village de logements modulaires d’Aubervilliers a ouvert ses portes en juillet 2007, permettant l’installation de 21 adultes et de 14 enfants dans des mobile homes. Des familles sélectionnées en fonction de leur volonté d’insertion durable : « Il ne s’agissait pas de choisir entre méritants ou non méritants, tient à préciser Agnès El Majeri. Il s’agissait de cibler les personnes qui avaient entrepris des démarches administratives ou de scolarisation des enfants, qui avaient entamé un suivi médical et apprenaient à parler français. » L’accompagnement a été réalisé dans le cadre d’une maîtrise d’œuvre urbaine et sociale (MOUS) – le Pact Arim 93 a été chargé du suivi socio-éducatif des personnes, et l’ALJ 93 (Association logement jeunes), de la gestion locative (3) –, qui s’est achevée après trois ans d’exercice. Une nouvelle phase d’accompagnement vient de démarrer. « Ce village a apporté un vrai plus car il a permis de stabiliser les personnes dans un endroit sain, souligne Christine Ratzel-Togo, adjointe au maire chargée de l’économie solidaire et de la coopération décentralisée. Un certain nombre de familles ont pu régulariser leur situation administrative, sont entrées dans une dynamique d’emploi et tous les enfants ont été scolarisés » (4).

Dans le village d’insertion de Montreuil, où 350 personnes sont accompagnées sur deux sites municipaux équipés de caravanes, la municipalité n’a, quant à elle, pas souhaité opérer de sélection préalable des familles. « Si l’on n’avait choisi que les personnes les plus proches de l’insertion, qu’aurait-on fait des autres ? », interroge Claude Reznik, conseiller municipal délégué aux populations migrantes et à la coopération internationale. Pour autant, ce dispositif d’insertion ne pourra pas concerner davantage de personnes. « C’est la limite que nous nous sommes fixée pour pouvoir assumer notre mission. » Le projet se veut transitoire, l’objectif poursuivi étant « l’émiettement des personnes dans la ville », précise Martin Olivera, anthropologue et coordinateur au sein de l’association Rue et cités (5).

Les villages d’insertion ont également fait école dans le nord de la France, à une échelle plus modeste. Pour mettre fin à l’errance de familles rom allant d’expulsion en expulsion, la communauté urbaine de Lille a sollicité en 2008 les communes pour mettre un terrain à la disposition d’une poignée de familles. « Il faut saluer le courage politique des maires qui ont accepté de jouer le jeu », souligne Patrick Morvan, directeur du pôle insertion de l’Association des Flandres pour l’éducation, la formation des jeunes et l’insertion sociale et professionnelle (AFEJI), qui accompagne 15 familles sur quatre terrains ouverts dans l’agglomération lilloise entre février 2009 et janvier 2010 (voir encadré ci-dessous). Comme à Aubervilliers, ces dernières ont été sélectionnées à l’issue de diagnostics « prenant en compte une série de critères prouvant la volonté des personnes de s’installer durablement comme la scolarisation des enfants, l’apprentissage du français ou ne pas avoir multiplié les allers-retours entre la France et la Roumanie », précise le responsable.

S’ils offrent une réponse globale aux difficultés rencontrées par les Roms, les villages d’insertion comportent cependant plusieurs limites. La sélection des familles bénéficiaires est tout d’abord pointée du doigt, puisqu’elle laisse de côté nombre de personnes qui restent condamnées à l’errance. Par ailleurs, cette prise en charge au sein de villages clos, pour la plupart surveillés nuit et jour par une société de gardiennage dans le but d’éviter les intrusions, pose question. « Le principe du village d’insertion participe de fait à une mise à l’écart, note Stéphane Levêque, directeur général de la Fnasat (Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les Gens du voyage). Cela limite les échanges entre les Roms et le reste de la population. » L’association « La Voix des Rroms » va plus loin, qualifiant ces villages de « camps de réclusion pour 10 % des Roms ». « Il ne faudrait pas oublier la pression de l’extérieur, répond cependant Christophe Auger, délégué général de l’ALJ 93. Les gens accueillis dans ces villages ont des membres de la famille vivant dans un bidonville à proximité. S’il n’y avait pas de contrôle à l’entrée, ces derniers iraient s’installer au village et la sur-occupation mettrait en difficulté notre projet. » L’élu montreuillois Claude Reznik admet « qu’un enfermement rigoureux dans des villages proprets peut être excessif. Mais à l’intérieur, les personnes se sentent protégées. Dehors, les bidonvilles peuvent être des lieux de violence ». Reste qu’« on prend les choses à l’envers en maintenant les familles accueillies dans un système d’assistance, rétorque Michèle Mézard, fondatrice du réseau Romeurope (6) et militante à Médecins du Monde. Les préfectures devraient d’abord permettre l’accès des Roms au travail puis financer leur mise à l’abri dans des conditions dignes et non l’inverse ».

Ces dispositifs ne constituent qu’une réponse transitoire, précise, de son côté, Bruno Cognat, président du Pact Arim 93, impliqué dans plusieurs villages d’insertion. « Ce n’est pas une solution idéale et durable. Il ne faudrait surtout pas qu’ils deviennent des cités qui durent 50 ans comme certains villages de harkis. » Ils « ne règlent qu’une partie infime du problème. L’une des solutions est de réussir le travail que nous menons auprès des familles pour laisser la place à celles qui attendent ». Pas question ainsi de standardiser ce modèle, ajoute Christophe Auger, qui s’estime « fier » du travail accompli au sein des villages d’insertion. « Les solutions doivent varier selon les territoires et les possibilités financières des communes. Pour autant, mettre les gens à l’hôtel ou les disperser dans la ville rend l’accompagnement plus difficile. »

Un sas vers l’insertion

Ailleurs en France, d’autres types d’opérations se montent en toute discrétion et auprès d’un nombre restreint de familles. C’est le cas de la commune de Sainte-Luce-sur-Loire, à proximité de Nantes. En février 2009, à la suite de plusieurs expulsions de Roms dans l’agglomération nantaise, dix familles se sont installées de manière illégale sur un terrain privé de Sainte-Luce, avant de rejoindre un terrain inondable appartenant à la ville. Plutôt qu’une nouvelle expulsion, les élus ont opté pour leur intégration dans la commune et se sont appuyés sur des bénévoles pour les accompagner, le temps de trouver une solution d’hébergement. « On a passé un contrat moral avec les familles pour scolariser tous les enfants et ils ont été assidus, raconte Roselyne Durand, adjointe aux solidarités à Sainte-Luce. Ils ont aussi respecté les lieux. » Un terrain municipal a finalement été choisi et aménagé en décembre 2009, avant d’y installer des mobile homes pour chaque famille. « Ce n’est pas une énième aire d’accueil mais une solution temporaire pour se poser », poursuit l’élue, qui préfère parler de « sas » vers l’insertion. « Notre objectif, c’est l’intégration de ces familles dans la commune. Elles ne demandent qu’à travailler et mettre leurs enfants à l’école. » Pour mener à bien son projet, la ville s’est appuyée sur l’association locale Soleil Rom. Si ses bénévoles mènent un travail d’accompagnement vers l’emploi, le suivi social est assuré par le centre communal d’action sociale (CCAS). « On ne fait pas plus pour ces familles que pour les autres, mais pas moins », précise l’élue. Une convention de trois ans renouvelable une fois a été signée avec l’association, qui se réunit tous les mois avec les élus. S’il est encore trop tôt pour dresser un bilan, la ville note des avancées positives. Par exemple, les familles ont pu assurer la cueillette du muguet et des poireaux pour des maraîchers locaux tandis qu’une femme effectue des heures de ménage chez un particulier « ayant bien voulu lui faire confiance ». Des réunions publiques sont également organisées avec les familles rom, pour qu’elles viennent raconter leur histoire aux habitants et participent à la vie communale. Pour autant, Roselyne Durand est consciente que cette action est limitée. « Il est vrai que l’on ne peut pas accueillir tout le monde si l’on veut réussir. »

Quelle que soit la logique sous tendue par ces dispositifs, tous sont confrontés aux mêmes obstacles. Elus et responsables associatifs s’accordent pour dénoncer le régime transitoire imposé aux ressortissants roumains et bulgares, depuis l’intégration des deux pays à l’Union européenne (voir encadré ci-dessous). Selon Claude Reznik, « le nœud du problème reste l’accès à l’emploi » dans la mesure où les autorisations de travail nécessaires aux Roumains et aux Bulgares entraînent parfois plusieurs mois d’attente, au risque de décourager les employeurs potentiels. Pour Michèle Mézard, ce régime a pour effet pervers d’entretenir les activités parallèles comme la récupération de métaux non autorisée, la mendicité et le travail au noir.

Le casse-tête du logement

Autre difficulté de taille, l’accès à un logement ordinaire, dans un contexte général de crise du logement social, en particulier dans la Seine-Saint-Denis. Après trois ans d’accompagnement à Aubervilliers, seules trois familles du village d’insertion sur 18 ont pu accéder à un logement autonome. A Nantes, où l’expérience conduite depuis 2007 peut s’apparenter à un village d’insertion (7), le bilan se montre un peu plus encourageant. Une quinzaine de familles ont quitté leur mobile home pour habiter en ville. « On continue à les suivre dans leur nouveau logement d’autant que la plupart sont en sous-location via notre association », précise Nicolas Ledeuil, assistant social chez ActaRoms. Reste des difficultés pour héberger les familles nombreuses dans la mesure où les grands appartements sont peu nombreux dans le parc social. « Des réflexions sont en cours sur des habitats spécifiques en région rurale et périurbaine, qui permettraient aux familles de se rapprocher des maraîchers qui représentent leurs principaux employeurs dans la région, poursuit le travailleur social. Mais la question n’est pas tranchée car certaines familles préfèrent rester au cœur de l’agglomération. »

Enfin, si la plupart des opérations affichent un bilan positif en matière d’accès à l’école, des blocages persistent. Dans le Nord-Pas-de-Calais, l’AREAS regrette la réticence des municipalités à domicilier les familles rom au CCAS pour permettre l’inscription des enfants dans les écoles. Depuis l’an dernier, une éducatrice de l’association est donc spécialement dédiée à l’accompagnement vers la scolarisation. « Les choses évoluent tout doucement », note le directeur de l’association, Patrick Vigneau, saluant le partenariat tissé avec la ville de Lille dans le cadre du dispositif de réussite éducative. « Les familles sont domiciliées au CCAS pour faciliter leur inscription à l’école et un test de langue est mis en place pour chaque nouvel élève. »

L’insertion sociale et professionnelle des Roms passe donc nécessairement par un soutien des pouvoirs publics. Mais si la volonté politique paraît indispensable, elle ne permet pas de régler les difficultés quotidiennes des travailleurs sociaux. Président du Pact Arim 93, Bruno Cognat évoque la barrière de la langue, qui nécessite de recourir à des interprètes, et des modes de vie et traditions familiales parfois difficiles à appréhender. « Même si nous avons des personnes très investies depuis l’origine, nous avons du mal à stabiliser les équipes, confie-t-il. Pour les travailleurs sociaux sortant de formation, c’est un difficile apprentissage du métier. » A Nantes, Nicolas Ledeuil regrette notamment que les jeunes filles ne poursuivent pas leurs études en raison du poids des traditions. « Dès qu’elles ont 15 ou 16 ans, elles sont rattrapées par la question du mariage et des grossesses. »

Accompagnateurs sociaux et élus sont également confrontés aux préjugés adossés aux Roms. « La population ne comprend pas forcément très bien notre projet, constate Claude Reznik, à Montreuil. Dans l’inconscient collectif, les Roms font peur. » A Sainte-Luce-sur-Loire, la municipalité doit sans cesse faire œuvre de pédagogie. « Tout un travail d’explication est nécessaire car les personnes en difficulté voient arriver cette nouvelle population d’un mauvais œil », souligne l’élue municipale, Roselyne Durand.

Un portage politique nécessaire

D’après le chercheur Olivier Legros, trois conditions devraient être réunies pour mener à bien une politique en direction des Roms. Tout d’abord une relative ouverture de la préfecture, « car c’est elle qui a les clés du territoire et de l’accès au travail et peut débloquer des situations administratives ». Puis un portage politique local, c’est-à-dire « la volonté des élus de faire avancer les choses en mobilisant les acteurs de terrain ». Enfin, l’existence d’intermédiaires, qu’il s’agisse d’associations ou de citoyens, pouvant établir des passerelles entre les familles rom et la société environnante. « Il faut rétablir les conditions de l’échange entre les groupes sociaux et ne pas reléguer les Roms le plus loin possible des habitations et des riverains. »

A Fréjus et Toulon (Var), ces conditions sont, pour partie, réunies. L’association Sichem (Service d’initiatives de coopération humanitaire avec les étrangers et les migrants) bénéficie d’un soutien politique suffisamment large pour mener à bien sa mission d’accompagnement de 120 Roms sur un terrain de Fréjus et de 80 autres dans l’agglomération toulonnaise. Son action est en effet financée par de nombreux partenaires : l’Etat, la région, les communes, deux communautés de communes, la caisse d’allocations familiales, trois fondations et une entreprise (8). L’association bénéficie en outre d’un appui de la préfecture, « qui a octroyé dix cartes de séjour et a eu l’intelligence de ne pas nous imposer de politique du chiffre », précise Emmanuel Grossetête, coordinateur du projet. Par ailleurs, « tout un travail souterrain de lien social » est conduit auprès des familles par des riverains et associations. « C’est indispensable pour qu’elles soient en confiance. Sans le réseau associatif et sans les bénévoles, notre action serait vaine. »

Autant de soutiens qui ont permis des progrès notables. « J’ai connu ces Roms vivant à demi-nus sur la décharge publique de Fréjus, poursuit le coordinateur. Aucun enfant n’était scolarisé, personne n’était vacciné ni ne parlait français. Là on voit poindre un avenir pour ces familles, notamment à travers la scolarisation de leurs enfants. » Pour que ces dernières soient réellement partie prenante du projet, des conseils des familles rom ont été instaurés. Une nécessité dans la mesure où le terrain de Fréjus fonctionne sans barrières, ni gardien. « De temps en temps, on préférerait un terrain clos, ce serait plus facile et cela prendrait moins de temps, convient Emmanuel Grossetête. Mais nous misons sur le dialogue et la participation. » Un comité de pilotage interassociatif, auquel sont conviés les partenaires financiers selon les thèmes abordés, se réunit également toutes les deux ou trois semaines. De quoi avoir « une vision globale d’un problème » et « faire une analyse des pratiques pour sortir la tête du guidon » quand les difficultés s’accumulent.

L’accompagnement des Roms nécessite également des capacités d’adaptation et d’innovation. A Nantes, par exemple, les structures de droit commun comme les maisons de l’emploi ou la mission locale ont montré leurs limites. Depuis février 2010, la ville de Nantes a donc désigné deux conseillers emploi, financés par des fonds européens, pour prendre le problème en main. Selon Agnès El Majeri, il faudrait offrir des réponses plus diversifiées. Car toutes les familles rom ne portent pas les mêmes aspirations, entre celles qui souhaitent s’insérer en France et celles qui envisagent un retour au pays. Sans compter la frange des « ni-ni », qui effectuent des allers-retours réguliers et pour lesquels il n’existe pas encore de solution. « On ne peut pas leur proposer une aire d’accueil pour gens du voyage, note Christophe Auger. C’est la raison pour laquelle des acteurs comme Adoma (ex-Sonacotra) réfléchissent à des maisons familiales pouvant être louées quelques mois dans l’année à un prix modique. » Autre catégorie à prendre en compte, les personnes malades incapables de travailler. « Les outils ne pas assez nombreux », poursuit Christophe Auger, qui souhaiterait que des fonds européens puissent financer de nouvelles actions, notamment des projets avec la Roumanie. La même réflexion est en cours à Lille. « Il y a des choses à faire dans les pays d’origine pour ne pas que les familles partent, estime Patrick Vigneau, de l’AREAS. Nous sommes en train de travailler à un partenariat entre la France et la Roumanie. Car les familles que nous suivons viennent toutes des mêmes lieux qui sont des villages très pauvres ou ayant été détruits par des inondations. On va mobiliser des fonds européens pour travailler ici et là bas. »

Au-delà de la coopération entre pays, les collectivités impliquées dans la prise en charge des Roms réclament une solidarité entre communes et départements. Les élus de Seine-Saint-Denis demandent depuis plusieurs mois la tenue d’une conférence régionale sur les Roms, sous l’égide du préfet de région, afin d’impliquer l’ensemble des départements d’Ile-de-France (9). A Sainte-Luce-sur-Loire, Roselyne Durand ne demande pas autre chose. « A notre échelle, nous essayons de réussir notre pari pour montrer aux élus des autres villes qu’en s’y mettant tous, on peut intégrer ces familles. D’autant que, parmi les Roms de l’agglomération nantaise qui vont d’expulsion en expulsion, certains sont là depuis des années. » Pour Olivier Legros, il faut également veiller à ce que les politiques menées ne séparent pas les publics : « Il faut construire de nouvelles formes d’intervention sociale, qui soient moins dans la mise à l’écart que dans le retissage de liens entre les groupes sociaux qui constituent la ville. Cela dépasse la question des Roms et concerne l’ensemble des sociétés urbaines. »

À LILLE, UN PREMIER BILAN CHIFFRE DES VILLAGES D’INSERTION

Dans l’agglomération lilloise, le choix s’est porté sur des villages d’insertion de très petite taille.

Au total, trois familles (soit 15 personnes dont 8 enfants) sont accueillies sur le terrain de Faches Thumesnil, deux familles (10 personnes dont 6 enfants) sur celui d’Halluin, cinq familles à Lille-Fives (26 personnes dont 16 enfants) et cinq familles à Roubaix (33 personnes dont 23 enfants). D’après le rapport d’activité du premier semestre 2010 de l’AFEJI (Association des Flandres pour l’éducation, la formation des jeunes et l’insertion sociale et professionnelle) (10), la scolarisation est effective pour 80 % des enfants accueillis, dont une majorité à l’école maternelle et en élémentaire. Tous vont à la cantine. Les principaux problèmes concernent la déscolarisation des 16-18 ans. « La scolarisation n’étant pas obligatoire, les places dans les lycées professionnels et les filières d’apprentissage sont très demandées. » Un travail a été engagé avec la mission générale d’insertion et la mission locale. Côté formation des adultes, toutes les personnes hébergées depuis un an ont suivi des formations longues de français. Aujourd’hui, les financements pour les actions d’alphabétisation manquent et ne reposent que sur l’implication des bénévoles. En matière de santé, tous les enfants accueillis sont vaccinés. Par ailleurs, 84 personnes bénéficient de l’AME (aide médicale de l’Etat), six de suivis médicaux spécifiques et trois femmes sont suivies pour des grossesses.

Concernant l’insertion professionnelle, deux adultes possèdent un diplôme, 18 une expérience professionnelle et quatre ont un contrat de travail à durée déterminée (un homme sur un poste d’étancheur, deux dans le tri sélectif et une femme dans une entreprise de recyclage du pain).

ROMS ET GENS DU VOYAGE, DEUX POPULATIONS

Les Roms migrants qui s’installent en France sont principalement issus des pays de l’Europe centrale et orientale, et plus particulièrement de Roumanie et de Bulgarie. Souvent confondus avec les gens du voyage, qui sont généralement des citoyens français au mode de vie nomade, les Roms sont dans leur immense majorité sédentaires. Selon l’anthropologue Martin Olivera, les Roms « n’ont pas de discours sur leur origine ou de mythe fondateur ». L’entité sociale de référence n’est pas l’ethnie mais le réseau de parenté, que ce soit par le sang ou les alliances. Le mariage représente alors un élément central de la vie sociale. Selon Martin Olivera, il n’existe pas de migrations propres aux Roms. Elles correspondent aux migrations des sociétés dont ils font partie (11).

Si la Roumanie et la Bulgarie sont membres de l’Union européenne (UE) depuis 2007, leurs ressortissants sont soumis à des mesures transitoires jusqu’en 2013. Une circulaire du ministère de l’Intérieur du 22 décembre 2006 précise ainsi qu’en dessous de trois mois de séjour, ils bénéficient de la même liberté de circuler que les autres citoyens de l’UE. Mais au-delà, le droit au séjour est subordonné à la condition de disposer d’un emploi (salarié ou non salarié), d’être étudiant ou de disposer de moyens suffisants d’existence et d’une assurance maladie.

Une autre circulaire du 20 décembre 2007 émise par le ministère de l’Immigration permet à ces ressortissants d’avoir accès à 150 métiers en tension pour lesquels la situation de l’emploi en France ne leur est pas opposable (ouvrier du béton, cuisinier, bûcheron, aide-soignant, etc.). Cependant, une autorisation de travail demeure nécessaire et l’employeur doit acquitter une taxe à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII, ex-ANAEM). Une délibération de la HALDE du 26 octobre 2009 recommande la levée des mesures transitoires, mises en place par le gouvernement français.

Notes

(1) L’association emploie un chef de service, six éducateurs et deux infirmières à Lille et dans le Pas-de-Calais – AREAS : 66, rue Saint-Gabriel – 59800 Lille – Tél. 03 20 54 14 02.

(2) Urba-Roms est un centre de ressources sur les politiques en direction des Roms : http://urbarom.crevilles.org.

(3) La participation financière des familles sans ressources s’élève à 50 € par mois. Les autres paient une redevance calculée au prorata du montant de leurs ressources.

(4) Sur le village d’Aubervilliers, voir l’article paru le 9 avril 2010 sur www.ash.tm.fr.

(5) Cette association accompagne les familles sur un site de caravanes et dans un squat. Sur l’autre site, elles sont suivies par ALJ 93.

(6) Né à Paris en 2000, ce collectif d’associations et de comités de soutien veut améliorer l’accès aux droits fondamentaux des Roms migrants en France et lutter contre les discriminations – www.romeurope.org.

(7) A Nantes, 110 personnes sont accompagnées sur un terrain de 30 mobile homes par les travailleurs sociaux d’ActaRoms, la gestion du site étant assurée par « Une famille, un toit 44 ». Les financeurs sont la ville, la communauté urbaine et le conseil général.

(8) Le budget prévisionnel de l’association s’élève à 124 000 € en 2010.

(9) Voir ASH n° 2655 du 16-04-10, p. 20.

(10) Contact AFEJI, pôle insertion : Tél. 03 28 59 99 99 – afeji@afeji.org – www.afeji.org.

(11) Voir la revue Etudes tsiganes sur les Roms n° 38 – www.etudestsiganes.asso.fr.

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