Dans le cadre du chantier national prioritaire 2008-2012 pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans abri et mal logées, dont l’une des orientations est la prévention de la mise à la rue (1), Benoist Apparu a demandé, en décembre 2009, au directeur général de l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL) de réfléchir à la mise en place d’une procédure de signalement des premiers impayés de loyers auprès de la commission de prévention des expulsions, préalable à la saisine du tribunal. Dans son rapport daté d’avril (2), Bernard Vorms propose « une formule intégrée de traitement précoce » des impayés de loyers, qu’il préconise d’abord d’expérimenter dans un petit nombre de départements présentant des caractéristiques diverses.
Concrètement, bailleurs et locataires devraient être incités à s’adresser à une instance unique, qui regrouperait tous les organismes effectivement impliqués dans la prévention des expulsions : conseil général, fonds de solidarité pour le logement, préfectures, centre communal d’action sociale, caisses d’allocations familiales (CAF) et de mutualité sociale agricole, associations, services sociaux, agences départementales pour l’information sur le logement, commission de surendettement, bailleurs, etc. « Pour disposer d’une vision globale de la situation », l’Association pour l’accès aux garanties locatives (3) devrait aussi y être associée, « bien que ses modalités d’intervention relèvent d’une logique strictement contractuelle tant que le dossier n’a pas été transmis au contentieux ». Cette instance opérationnelle unique serait « le bras armé » de la commission spécialisée de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) (4). « Il ne s’agit en aucun cas de supplanter les associations qui sont déjà impliquées dans l’appui concret aux locataires en difficulté, explique Bernard Vorms, mais de faire en sorte qu’il existe une adresse unique pour traiter des questions relatives aux impayés, susceptible d’être contactée à la fois par le bailleur, le locataire, la CAF ou un service social et que les différents acteurs concernés partagent l’information et coordonnent leurs interventions. »
C’est au sein de cette « instance opérationnelle/ CCAPEX » – dénommée IOC – que se ferait une première instruction du dossier. Il s’agirait notamment de vérifier la validité de la créance et de traiter les impayés volontaires nés de la contestation du locataire sur la « décence » du logement. L’IOC aurait pour mission, si elle le juge nécessaire, de faire ou de faire faire un diagnostic social, « qui pourrait dans certains cas être très léger », et qui ne serait pas destiné au juge mais à l’instance elle-même. Le dossier ferait ensuite l’objet d’une première orientation vers la recherche d’un plan d’apurement, d’un relogement, d’un hébergement, d’un recours à une formule d’intermédiation locative, voire d’une intervention administrative si le logement présente des risques pour la santé ou la sécurité des occupants (non-décence, insalubrité, péril…). Pour le directeur général de l’ANIL, « il serait souhaitable que cette orientation puisse constituer […] un circuit court vers le contingent réservataire du préfet » si l’instance estime que c’est la seule solution compatible avec les ressources de la personne dont elle étudie le dossier.
Bernard Vorms considère en outre qu’il est indispensable que les différents acteurs au sein de l’IOC acceptent, d’une part, que l’instance mette en œuvre de façon coordonnée les aides mobilisables en faveur du plan d’apurement – via un mandat ou une délégation – et, d’autre part, les concentre sur la seule phase de médiation en s’interdisant donc de les accorder une fois le dossier entré dans une phase judiciaire. Cette dernière proposition est toutefois « contestée par plusieurs associations », dont la Fondation Abbé-Pierre, souligne l’auteur.
Pour l’auteur, le bailleur doit être incité à mettre en demeure le locataire dès le deuxième mois d’impayés et à signaler cette défaillance à l’instance opérationnelle unique de la CCAPEX. Pour ce faire, au-delà de l’information sur les avantages du dispositif (accès plus aisé des locataires aux aides, économie de frais de justice, maintien du versement des aides au logement en tiers payant…), il propose que les CAF exigent du bailleur qui n’a pas signalé l’impayé à temps le remboursement des aides au logement qui lui ont été versées en tiers payant durant ce temps.
Parallèlement, il faudra convaincre le locataire que le rôle de l’IOC est de l’aider, non de préparer une procédure judiciaire. « Il doit [quand même] être informé que le refus de répondre à l’IOC incitera le juge à prononcer la résiliation du bail, sans qu’il puisse accorder des délais supplémentaires pour apurer la dette ». Ce dernier point a fait débat au sein des associations consultées par Bernard Vorms. Ainsi, la Fondation Abbé-Pierre et la FAPIL (Fédération des associations pour la promotion et l’insertion pour le logement) ne sont n’est pas du tout convaincues que le locataire sera plus enclin à répondre à l’offre de médiation s’il sait qu’il n’y aura pas d’autre phase de rattrapage…
En cas d’échec de la médiation (refus par le bailleur ou le locataire, non-respect du plan d’apurement…), les conclusions de l’IOC pourraient être validées par le juge, « un peu à la façon dont les propositions de la commission de surendettement ont vocation à être validées par le juge ». Les constats, les propositions et les décisions adoptés en son sein devraient, selon le rapport, « être consignés dans un document dont la vocation serait d’être transmis au juge en cas d’échec », ce qui permettrait de dispenser ce dernier de procéder à nouveau aux opérations déjà mises en œuvre (diagnostic social, recherche d’un plan d’apurement…). Dans ce cadre, estime Bernard Vorms, le délai entre l’assignation par le bailleur et l’audience devrait être ramené de deux mois à 15 jours pour ne pas trop retarder le départ du locataire et ainsi ne pas trop pénaliser le bailleur qui « a joué le jeu de la médiation ».
Disponible dans la docuthèque, rubrique « infos pratiques », sur
(2) Intervenir de façon précoce pour prévenir les expulsions – ANIL – Avril 2010.
(3) Organisme qui pilote le dispositif de garantie des risques locatifs – Voir ASH n° 2638 du 25-12-09, p. 9.
(4) Sur les CCAPEX, voir ASH n° 2644 du 29-01-10, p. 11.