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Le Conseil constitutionnel valide le régime d’indemnisation des AT/MP, sous une réserve

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Statuant en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour de cassation (1), les sages du Palais Royal ont, dans une décision du 18 juin, jugé conforme à la Constitution le régime de sécurité sociale mis en place par le législateur en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles (AT/MP), sous une réserve relative à l’hypothèse où l’employeur a commis une faute inexcusable.

Un système largement contesté

Pour mesurer la portée de la décision du Conseil constitutionnel, il importe, au préalable, de rappeler l’état de la législation. L’indemnisation des AT/MP relève exclusivement, en principe, des règles instaurées par le code de la sécurité sociale, qui prévoit une indemnisation forfaitaire et limitée du préjudice mise à la charge des caisses d’assurance maladie. A titre d’exception, dans l’hypothèse où l’employeur a commis une faute inexcusable, une indemnisation complémentaire peut être obtenue par la victime, qui peut alors également agir en responsabilité contre son employeur devant les juridictions de sécurité sociale pour obtenir la réparation des préjudices – limitativement – énumérés par l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale (2). Enfin, ce n’est qu’en cas de faute intentionnelle de l’employeur que la victime peut exercer une action en responsabilité sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile et réclamer ainsi la réparation intégrale de son préjudice.

Depuis plusieurs années, ces dispositions, qui font varier la réparation allouée à la victime en fonction d’une gradation des fautes de l’employeur, font l’objet de critiques émanant tant de certaines institutions – Cour des comptes et inspection générale des affaires sociales principalement – que des partenaires sociaux. Et plusieurs propositions de loi ont cherché à infléchir, voire à renverser, le système. Les critiques à son encontre « se fondent notamment sur le caractère partiel et forfaitaire de l’indemnisation accordée aux victimes en dehors de l’hypothèse d’une faute intentionnelle. Il est en particulier soutenu que le droit commun de la responsabilité civile, qui pose un principe de réparation intégrale des préjudices subis par la victime, peut s’avérer, dans certains cas, plus favorable à celle-ci que ce régime », rappellent les sages dans leur publication officielle de jurisprudence, Les cahiers du Conseil constitutionnel (3).

Les griefs soulevés

Les requérants ont formulé deux griefs à l’encontre des articles L. 451-1 et suivants du code de la sécurité sociale relatifs au régime d’indemnisation des AT/MP. Selon eux, ces dispositions sont contraires au principe d’égalité devant la loi et les charges publiques, et heurtent le principe de responsabilité. Sur ce dernier point, les requérants ont contesté, d’une part, le caractère forfaitaire de l’indemnisation accordée aux victimes d’AT/MP et, d’autre part, l’absence de réparation intégrale des préjudices alors même que l’employeur a commis une faute inexcusable.

La brèche ouverte par les sages

Le Conseil constitutionnel a jugé constitutionnellement fondée l’institution d’un régime de sécurité sociale en matière d’AT/MP qui se substitue partiellement à la responsabilité de l’employeur et ne réserve la possibilité d’agir contre ce dernier qu’en cas de faute inexcusable ou intentionnelle. Dans un communiqué de presse accompagnant sa décision, il explique que ce régime « concilie le principe de responsabilité avec les exigences du préambule de la Constitution de 1946 » selon lequel, notamment « tout être humain qui, en raison […] de son état physique ou mental […] se trouve dans l’incapacité de travailler, a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». Par ailleurs, les sages du Palais Royal ont considéré que, « pour concilier le droit des victimes d’actes fautifs d’obtenir la réparation de leur préjudice avec la mise en œuvre des exigences […] du Préambule de 1946 », le législateur a pu mettre en place une réparation forfaitaire sans porter une atteinte disproportionnée au principe de responsabilité.

En revanche, le Conseil constitutionnel a trouvé à redire au fait que, en cas de faute inexcusable, la loi a écarté certains préjudices de toute indemnisation. « Dans un tel cas […], et en l’absence de tout régime légal d’indemnisation, tout préjudice doit ouvrir droit à la victime d’en demander réparation à l’employeur », précise ainsi le communiqué de presse. Les sages ont donc formulé une réserve relative à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale : celui-ci ne peut empêcher les victimes de demander à leur employeur, devant les juridictions de la sécurité sociale, réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le code de la sécurité sociale. Il appartiendra, au cas par cas, à ces juridictions de vérifier si les préjudices subis par une victime sont ainsi réparés (4). Cette réserve est d’application immédiate à toutes les affaires non jugées définitivement le 18 juin 2010.

[Décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, J.O. du 19-06-10]
Notes

(1) Depuis le 1er mars 2010, tout justiciable peut soutenir, à l’occasion d’une instance devant une juridiction administrative comme judiciaire, qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.

(2) Jusqu’à présent, les victimes ne pouvaient ainsi être indemnisées que du préjudice causé par leurs souffrances physiques ou morales, des préjudices esthétiques et d’agrément, ainsi que du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de leurs possibilités de promotion professionnelle.

(3) Les cahiers du Conseil constitutionnel – Cahier n° 29 – www.conseil-constitutionnel.fr.

(4) Une décision qualifiée d’« historique » par la FNATH (Association des accidentés de la vie), qui revendique depuis longtemps une indemnisation intégrale de tous les préjudices en cas de faute inexcusable.

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