L’administration pénitentiaire est sur le point de clore son dernier round de négociations avec les organisations syndicales sur les projets de décrets d’application de la loi pénitentiaire. Les textes, examinés en comité technique paritaire socio-éducatif le 17 mai, doivent encore être validés en comité technique paritaire de l’administration pénitentiaire, début juillet, avant d’être transmis au Conseil d’Etat.
Pour le Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire (Snepap)-FSU, les projets de décrets tendent à amoindrir les garanties apportées par la loi adoptée en octobre 2009. « Tandis que la loi abroge le caractère systématique des fouilles, une disposition réintroduit des cas dans lesquels ces dernières devront être plus régulières », illustre Sophie Desbruyères, secrétaire générale de l’organisation. Autre exemple de recul, selon elle : les modalités de consultation des personnes détenues sur leurs activités. Le syndicat déplore que cette consultation puisse être aussi individuelle – dans ce cas mise en œuvre par un simple questionnaire – et non plus seulement collective comme le laissait entendre la loi. Le risque est, estime-t-il, d’amoindrir les effets de cette forme de participation, pouvant pourtant représenter « un outil d’éducation à la citoyenneté » et un moyen d’apaiser les tensions.
Parmi ses propositions d’amendements, le Snepap insiste également pour que les « modalités de prise en charge » du détenu ne soient pas déterminées en fonction de son comportement. Sur ce point, il considère avoir été entendu. « Nous refusons les éléments de décision autres que le parcours d’exécution des peines, qui prend déjà en compte la capacité à respecter les règles de la détention, souligne Sophie Desbruyères. La différentiation des régimes doit se faire dans une perspective de sortie progressive et de prévention de la récidive, pas dans un objectif de gestion de la détention ! » L’organisation fait également valoir que la procédure simplifiée d’aménagement de peine, qui confie au service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) la mission de proposer des aménagements en fonction du dossier du détenu, nécessite deux conditions : un allégement des procédures et une augmentation des moyens, largement revendiquée par les professionnels, tant pour les services que pour les partenariats avec les services extérieurs de droit commun. L’organisation s’oppose aussi à une disposition qui reviendrait sur le caractère automatique du placement sous surveillance électronique en fin de peine. Selon le schéma présenté aux syndicats, le directeur du SPIP ne transmettrait au parquet que les dossiers pour lesquels il considère que la mesure doit être prise.
La CGT-pénitentiaire défend également de nombreux amendements. Comme le Snepap, le syndicat conteste notamment le projet de décret relatif à la déontologie des personnels, qui, selon les organisations, définit de nouvelles contraintes au lieu d’encadrer les modalités d’exercice professionnel. Mais surtout, la CGT s’insurge contre la disparition du terme de « travailleur social » dans les textes : « L’administration en profite pour le supprimer du code de procédure pénale et pour le remplacer par “les personnels d’insertion et de probation” ou, plus inquiétant, “les personnels du service d’insertion et de probation” », explique Samuel Aze, référent national des travailleurs sociaux à la CGT-pénitentiaire. De fait, une réforme statutaire(1), dont les décrets d’application devraient prochainement paraître, recentre le métier des conseillers d’insertion et de probation sur le champ pénal, en séparant leurs missions de celles des travailleurs sociaux. « Les décrets de la loi pénitentiaire confirment la volonté de l’administration de nous détacher du social, en laissant en plus la possibilité de confier les missions à des agents administratifs ou des surveillants, poursuit Samuel Aze. Ils anticipent ainsi la réorganisation des services et la segmentation des prises en charge. »
La CGT souhaite également des modifications dans les textes relatifs aux aménagements des peines. Pour l’organisation, ces derniers « doivent rester un outil au service de l’individualisation de la peine, pas un but en soi. Autrement, le risque est grand d’aboutir à des organisations de service qui oublient les personnes susceptibles d’en bénéficier. » D’où l’intérêt, selon elle, de ne pas présenter cette mesure comme l’unique objectif de suivi d’un détenu.
(1) Voir ASH n° 2655 du 16-04-10, p. 18.