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« LE TRAVAIL ÉDUCATIF EN MIETTES »

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La première promotion du diplôme d’Etat d’éducateur spécialisé (DEES) rénové en 2007 (1) sort à la fin du mois. L’occasion pour Jean-Marie Vauchez, président de l’Organisation nationale des éducateurs spécialisés (ONES), de revenir sur une réforme qui s’inscrit, selon lui, dans une vision tayloriste du travail éducatif et menace à terme la clinique éducative.

Que pensez-vous de la réforme ?

Cette réforme, qui fait suite à d’autres retouches apportées successivement au diplôme, constitue un complet renversement du processus de formation des éducateurs spécialisés. Auparavant, il s’agissait de permettre à l’étudiant d’acquérir, d’abord, une posture professionnelle et, ensuite, de se spécialiser dans un champ d’intervention (protection de l’enfance, handicap…). Depuis 2007, la formation est structurée autour de domaines de compétences, sorte d’inventaire à la Prévert – j’ai trouvé 80 fois le terme « savoir »! –, sans qu’il n’y ait plus de référence à une posture éducative. Et alors que l’école était souvent le lieu d’acquisition de la démarche éducative et de transformation de soi, elle n’est plus qu’une des voies d’accès au diplôme. La validation des acquis de l’expérience fournit ainsi un contingent très important d’éducateurs diplômés.

Que craignez-vous ?

Le diplôme d’éducateur spécialisé a été réformé en 2007 en même temps que celui de moniteur-éducateur et que le Cafdes (2) et un an après celui d’aide médico-psychologique (AMP). Cette refonte complète des diplômes des métiers éducatifs, liée aux exigences de la validation des acquis de l’expérience et à l’ouverture européenne, aboutit en fait à un travail éducatif en miettes. Certes, on est sorti de l’indifférenciation des tâches qui faisait que lorsqu’un éducateur arrivait dans une équipe, il aurait été bien en peine de savoir quel diplôme avaient ses collègues. Mais à l’inverse, on est entré dans une partition de l’action éducative entre différentes professions : les AMP sont affectés à l’accompagnement au quotidien, les moniteurs-éducateurs aux « médiations éducatives » (activités, sorties…) et à la socialisation et les éducateurs spécialisés à la coordination des « projets personnalisés » élaborés avec les usagers.

L’éducateur ne ferait donc plus d’accompagnement au quotidien ?

Le référentiel mentionne encore l’accompagnement éducatif, mais dans les faits, la conception, le suivi et l’évaluation des projets personnalisés vont occuper une grande partie de son temps. Et cette vision technocratique du métier risque d’être renforcée par les procédures d’évaluation, qui reposent sur la formalisation du rapport entre l’établissement et les usagers, et par la pression budgétaire : le salaire d’un AMP est en effet bien inférieur à celui d’un éducateur. Une économie toute trouvée au moment où vont se mettre en place les appels à projets !

Quelles conséquences pour l’usager ?

C’est un mouvement de fond qui traverse l’ensemble des secteurs de l’éducatif. Certaines institutions vont résister, mais on peut penser que, dans la majorité des cas, les prises en charge vont être morcelées entre plusieurs intervenants, dont aucun n’assure finalement de suivi global. D’où un manque de repères pour le jeune, par exemple dans les établissements de la protection de l’enfance, qui n’a plus en face de lui un interlocuteur à qui se référer. Outre un durcissement des rapports avec les jeunes, le risque c’est qu’à la clinique éducative se substitue peu à peu une prise en charge administrative des usagers.

Ces critiques ne vous empêchent pas de surveiller la sortie de la première promotion du DEES réformé…

Si nous dénonçons la « marchandisation » de la relation éducative, l’urgence, à la fin du mois, ce sont les résultats aux examens du DEES rénové. Car la réforme a été aussi une petite révolution sur le plan pédagogique et tous les centres de formation n’ont pas pris la mesure de ces changements. Nous craignons donc des disparités dans les résultats entre les écoles avec, parfois, des taux d’échec anormaux. Si c’était le cas, nous demanderions une session de rattrapage, comme cela a été le cas pour les premières promotions du diplôme d’Etat d’assistant de service social rénové (3).

Notes

(1) Voir ASH n° 2555 du 25-04-08, p. 21.

(2) Certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement social ou de service d’intervention sociale.

(3) Ce fut le cas en 2007 et 2008 – Voir ASH n° 2569 du 22-08-08, p. 43.

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