Pour favoriser le partage d’informations nominatives détenues par les travailleurs sociaux, le gouvernement avait souhaité, dans le cadre du plan de prévention de la délinquance présenté le 2 octobre dernier pour renforcer l’application de la loi du 5 mars 2007(1), la création d’une « charte déontologique-type pour le partage de l’information nominative dans le respect du secret professionnel ». C’est chose faite : le texte, qui doit être décliné localement, est actuellement adressé aux préfets afin qu’ils puissent le transmettre aux maires. Il aura fallu plusieurs échanges et quatre moutures avant que la commission « éthique et déontologie » du Conseil supérieur du travail social (CSTS), consultée sur les projets élaborés par le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance avec les ministères concernés (Intérieur, Justice et Solidarité notamment), n’approuve le texte.
Tout d’abord, la charte distingue les deux dispositions de la loi du 5 mars 2007 relatives à l’échange d’informations : d’une part, l’article 8, qui concerne le partage des informations « à caractère secret » entre les professionnels de l’action sociale et l’autorisation de révéler les « informations confidentielles » strictement nécessaires à l’exercice des compétences du maire et du président du conseil général ; d’autre part, l’article 1, qui porte sur l’échange des faits et informations « à caractère confidentiel » entre les participants aux groupes de travail et d’échanges d’informations à vocation territoriale ou thématique au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, dont le gouvernement a demandé la création systématique. Une distinction obtenue par la commission du CSTS lors des échanges préparatoires, laquelle explique également, dans un avis du 8 juin (voir encadré ci-dessous) avoir défendu, tout au long du texte, plusieurs principes : le refus de la notion de « secret partagé » – les professionnels conservant leur responsabilité dans les échanges –, l’adhésion des participants ou encore le respect des usagers.
La charte déontologique précise que, dans le cadre des groupes de travail et d’échange d’informations créés au sein des CLSPD, l’échange porte sur « les faits et informations à caractère confidentiel », comme l’indique la loi, mais « à l’exclusion des informations à caractère secret au sens de l’article 226-13 du code pénal ». Elle stipule qu’« il appartient à chacun des membres de déterminer en conscience et au cas par cas » si une information qu’« il détient relève ou non du secret professionnel dont la révélation est sanctionnée par le code pénal ». Il est également de leur devoir « de veiller strictement à ne communiquer que des informations sûres ». Le texte précise la finalité de l’échange : permettre de signaler « les situations difficiles, personnelles ou familiales dont [les professionnels] ont connaissance et de s’assurer qu’elles sont bien prises en compte par une des institutions concernées ». Les participants, « tenus par le secret professionnel, le devoir de réserve et l’obligation de discrétion inhérents à leurs professions respectives », acceptent donc de porter à la connaissance des autres membres du groupe des informations afférentes à des situations personnelles ou familiales « strictement nécessaires à la réflexion collégiale sur la problématique et à la recherche de solutions ». Autre point crucial : les personnes intéressées doivent être informées de l’échange d’informations les concernant. La charte rappelle également que l’objet des échanges ne peut être communiqué à des tiers.
Les échanges ne doivent « en aucun cas » avoir lieu au cours des réunions plénières du CLSPD. Les groupes dans lesquels ils ont lieu assurent le suivi et l’animation de la stratégie territoriale de sécurité et de prévention de la délinquance, « sans procéder à l’évaluation individuelle des acteurs » au titre de l’évaluation de l’action sociale. Quant à la composition des groupes constitués par le maire, elle « fait l’objet d’une liste nominative clairement arrêtée ». Chaque membre y figurant, « avec son accord, doit disposer d’une légitimité pour évoquer des situations ainsi que d’une compétence pour apporter des solutions aux problèmes exposés ». Il doit en outre adhérer par signature à la charte. Des personnes peuvent néanmoins être entendues à titre exceptionnel pour favoriser la compréhension d’une situation, si elles acceptent de se soumettre aux règles de confidentialité édictées par la charte, sans être partie prenante d’une éventuelle décision.
Il doit en outre appartenir à l’animateur des travaux, garant du respect de la charte, de « prendre toutes les mesures de prudence qui s’imposent » pour que les informations partagées soient inaccessibles à des tiers et de s’assurer qu’un « compte rendu synthétique et anonymisé » est établi. Tout manquement aux devoirs de confidentialité et au respect de la charte doit entraîner une exclusion des travaux du groupe.
La charte indique également que l’échange ne peut « en aucun cas servir de base à la création ou l’alimentation de fichiers, automatisés ou non, de données personnelles ». Par ailleurs, « chaque participant est individuellement responsable des notes qu’il prend en séance ».
Le texte pose également les principes d’une évaluation : un bilan doit être dressé par un membre du groupe préalablement désigné et présenté de façon périodique en réunion plénière du CLSPD. Un bilan annuel de l’application des mesures de la charte doit, par ailleurs, être établi au plan départemental et être exposé devant le conseil départemental de prévention de la délinquance. Enfin, la charte stipule que les échanges d’informations sont réalisés « dans le respect du droit existant, de la réflexion éthique et des règles déontologiques propres à chaque profession sous la responsabilité du maire et sous le contrôle du procureur de la République ».
Avis CSTS et charte disponibles dans la docuthèque, rubrique « infos pratiques », sur
Par son avis du 8 juin sur la charte déontologique, la commission « éthique et déontologie » du Conseil supérieur du travail social explique vouloir, par ses commentaires, permettre aux travailleurs sociaux et à leurs responsables, non seulement de « réfléchir à l’usage de cette charte », mais aussi « de suggérer des compléments éventuellement nécessaires à son adaptation aux circonstances locales ». Elle indique avoir « fait valoir les particularités du travail social et défendu les conditions juridiques, éthiques et déontologiques de la participation des travailleurs sociaux » aux groupes de travail à vocation territoriale ou thématique des CLSPD. Elle a en effet considéré que, « lorsque des situations très difficiles (dans certains quartiers, certaines écoles…) dépassent les compétences professionnelles et l’action individuelle des intervenants ainsi que les capacités et les moyens des personnes concernées, l’échange d’informations et d’analyses peut être utile, auquel cas il doit être réalisé dans des conditions satisfaisantes ». Celles-ci sont « la clarté et la compatibilité juridique et déontologique du cadre des échanges » ainsi que « la reconnaissance et la libre adhésion des acteurs à une méthode de travail commune ». Au final, la commission juge important que les travailleurs sociaux « puissent contribuer à la prise en compte et au dénouement le plus satisfaisant possible des situations difficiles rencontrées au titre de la prévention de la délinquance », dans les conditions qu’elle a contribué à définir.