LA PSY DE CEUX QUI NE VONT PAS CHEZ LE PSY.
« La clinique, ça ne se raconte pas, ça se conte. » José Morel Cinq-Mars ne pouvait choisir meilleure épigraphe à son « docufiction » que cette citation du psychanalyste Claude Spielmann. L’humour en bandoulière et la plume alerte, c’est en effet sous forme de courtes nouvelles que l’auteure donne à voir sa longue pratique de psychologue de PMI en Seine-Saint-Denis. Venue de Trois-Rivières, au Québec, la clinicienne canadienne a débarqué voici une bonne vingtaine d’années dans cette banlieue parisienne, réjouie d’y trouver le monde entier « à (sa) porte et en français ». Nous la suivons dans ses pérégrinations au domicile de familles éprouvées par le décès subit d’un bébé, et assistons aux consultations proposées au rez-de-chaussée d’un petit immeuble jaune serin, où José Morel Cinq-Mars déploie des trésors d’ingéniosité pour apprivoiser des petits enfants énigmatiques et tendre l’oreille aux tourments de parents.
L’ordinaire des situations rencontrées ? « Un condensé de malheurs à ne plus pouvoir imaginer, parfois, que le pire ne soit pas certain. » Mais aussi la confiance et les sourires, des solidarités professionnelles tenaces, un enfant mutique qui chuchote ses premiers mots, la mère qui regarde soudain son bébé, et cette autre qui dit : « J’ai le droit d’exister. » Il y a tout ça dans la joyeuse escarcelle de cette psy qui a choisi de vivre et d’exercer en banlieue parce qu’elle aime ceux qu’on y croise – « le genre de psy pour les gens qui n’iront jamais en voir un », se définit-elle avec bonheur, en reprenant la formule d’une consœur.