Pourquoi cette enquête ?
La prévention spécialisée relève, selon le code de l’action sociale et des familles, de la protection de l’enfance, dont elle est, selon nous, un maillon indispensable, et elle est financée sur le budget de l’aide sociale à l’enfance (ASE) des départements. Alors que nous sentons une tension croissante entre éducation et répression, entre protection de l’enfance et prévention de la délinquance, nous voulions mieux connaître ce qu’il en est sur le terrain. Nous avons donc adressé un questionnaire aux associations. Nous avons reçu 64 réponses : elles concernent 48 départements sur les 90 couverts par cette activité (53 %).
Quels sont les résultats ?
Tout d’abord, un motif de satisfaction : 85 % des départements ont inscrit la prévention spécialisée dans le schéma départemental de protection de l’enfance. En revanche, ils sont moins nombreux (79 %) à en faire un service de l’ASE. Certains l’intègrent à une direction de la jeunesse, de l’action sociale ou de la politique de la ville avec le risque de la diluer au sein de politiques générales ou de la confondre avec la prévention de la délinquance.
La prévention spécialisée est-elle mieux reconnue depuis la loi 2002-2 ?
Nous avons, aux côtés d’autres organisations, obtenu qu’elle soit inscrite dans la nomenclature des établissements et services de la loi 2002-2 et soumise à la procédure d’autorisation. Or à peine la moitié des associations interrogées ont obtenu l’autorisation du conseil général. Celle-ci est pourtant loin d’être négligeable puisqu’elle est une reconnaissance de la compétence des associations à exercer une mission éducative et sociale de prévention spécialisée pour une durée de 15 ans avec des procédures d’évaluation interne et externe.
La loi de mars 2007 sur la protection de l’enfance oblige les départements à mettre en place un dispositif de recueil des informations préoccupantes. Comment la prévention spécialisée s’y inscrit-elle ?
Il faut qu’elle trouve sa place dans ce dispositif – qui n’existe pas encore dans tous les départements – en respectant ses principes d’intervention. L’enquête fait apparaître que les associations y participent sous différentes modalités, par exemple dans le cadre de protocoles, de réunions pluri-professionnelles ou d’instances territorialisées de concertation. Beaucoup répondent aussi que le dialogue est engagé afin de définir les articulations à mettre en œuvre. Mais il faut que nous allions plus loin dans notre investigation pour avoir une vue plus exhaustive des situations locales et, à partir de là, valoriser la fonction d’observation sociale des associations de prévention spécialisée.
Que retirez-vous de cette enquête ?
Elle est assez encourageante : la prévention spécialisée est plutôt bien positionnée dans la protection de l’enfance. Les associations soulignent d’ailleurs que ce mode d’intervention, de par son immersion dans le tissu social des quartiers, sa connaissance des jeunes et des familles, peut permettre aux élus d’identifier des problématiques sociales, notamment sur la jeunesse, et aider à la mise en œuvre de prises en charge adaptées. Face à la dégradation des situations sociales, et parce qu’elle est parfois le seul lien social entre des jeunes en difficulté et la société, elle reste une réponse éducative de premier plan. On sent pourtant des tentatives d’instrumentalisation de certains conseils généraux, qui voudraient la réorienter, par exemple vers le décrochage scolaire ou l’insertion professionnelle des jeunes. Un département envisage de transformer des postes d’éducateurs de prévention en postes d’éducateurs chargés d’accompagnements éducatifs à domicile. Dans un contexte de restrictions budgétaires, il nous faut donc être particulièrement vigilants pour que ce mode d’intervention garde sa spécificité et agisse en complémentarité des autres acteurs de la protection de l’enfance.
(1) Comité national de liaison des associations de prévention spécialisée.
(2) Les résultats du questionnaire ont été commentés lors des journées nationales de la prévention spécialisée organisées les 3 et 4 juin par le CNLAPS.