En 2008, un rapport de Jean-Marie Colombani préconisait, dans l’objectif de développer l’adoption nationale, d’élaborer un référentiel identifiant les critères de « délaissement parental » et les outils permettant d’évaluer la situation de l’enfant et l’état des rapports avec ses parents(1). C’est dans ce cadre que la secrétaire d’Etat chargée de la famille a confié à l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) une mission sur le sujet, mission dont les conclusions ont récemment été rendues publiques(2). Entre-temps, rappelons que Nadine Morano a présenté en conseil des ministres un projet de loi réformant l’adoption(3), texte qui, pour l’heure, n’a pas encore été examiné par le Parlement.
Le rapport de Catherine Hesse et Pierre Naves dresse un état de lieux de l’application de l’article 350 du code civil fondé sur le « désintérêt manifeste » des parents envers leur enfant. Les deux inspecteurs constatent que cet article, qui permet aux enfants déclarés « abandonnés » de devenir pupilles de l’Etat, est peu utilisé par les tribunaux et les services sociaux, car sujet à interprétation. Ils appellent donc à une réforme des conditions de mise en œuvre de la déclaration judiciaire d’abandon et étudient les perspectives d’adoption dont pourraient bénéficier les enfants concernés par l’application de l’article 350.
Cet article fait l’objet d’« une interprétation qui limite beaucoup son application », pointent les auteurs. Les raisons qui expliquent qu’il est peu utilisé ? D’une part, le désintérêt « manifeste » est interprété comme devant être intentionnel, ce qui « conduit à ne pas engager de requête pour des situations où il est compliqué d’apporter la preuve de la volonté des parents de se désintéresser de leur enfant » (parents souffrant de déficience mentale et hébergés dans un établissement médico-social, par exemple). D’autre part, les notions d’« intérêt » et de « liens affectifs » « ne permettent pas de couvrir certaines situations où les parents s’intéressent à leur enfant de façon épisodique et très négative pour lui ».
Aussi Catherine Hesse et Pierre Naves proposent-ils une modification de l’article 350 du code civil « où la déclaration judiciaire d’abandon serait fondée sur l’analyse des faits établissant le « délaissement parental » », qui « serait apprécié par le juge par référence à l’exercice effectif de l’autorité parentale telle que définie dans le code civil ». Cette évolution législative serait « assortie de l’établissement de références permettant de déceler plus rapidement les risques de délaissement parental ».
Par ailleurs, pour les enfants de moins de 2 ans, les auteurs préconise de ramener de 12 à 6 mois la durée permettant une déclaration judiciaire d’abandon.
Sans modifier substantiellement les textes en vigueur, des améliorations sensibles peuvent être apportées pour faciliter l’adoption d’enfants délaissés, estiment les deux inspecteurs, qui suggèrent, par exemple, de reconsidérer les adoptions dites « tardives ». « Les pratiques de certains départements montrent que des adoptions peuvent être engagées tardivement (même pour des enfants ayant entre 10 et 14 ans) si l’enfant le souhaite, que la famille adoptante est bien choisie et qu’un soutien leur est apporté », précisent-ils. Selon eux, il convient également de faciliter les relations entre les parents adoptifs et les précédents parents de l’enfant. Deux pistes pour cela. Le rapport invite à la transmission d’informations que des parents n’ayant plus de lien de filiation avec leur enfant peuvent souhaiter lui donner et, réciproquement, obtenir. Par ailleurs, la loi pourrait explicitement prévoir, comme c’est déjà le cas pour l’adoption simple, qu’une personne adoptée puisse associer à son nom d’adopté son précédent nom de famille, avancent les hauts fonctionnaires, pour qui il est également essentiel de promouvoir l’adoption simple par des évolutions législatives et des changements de pratiques. « En l’état actuel du droit, des pratiques judiciaires et des pratiques des services sociaux, cette perspective demande à être sérieusement étudiée, à commencer pour des enfants déjà âgés et qui demandent (plus ou moins explicitement) à pouvoir grandir dans une « vraie famille » », jugent Catherine Hesse et Pierre Naves, qui quantifient les résultats de ces différentes évolutions. Ainsi, « chaque année, plusieurs centaines d’enfants pourraient bénéficier d’une adoption (plénière ou simple), qui doit aussi être considérée comme un type d’intervention relevant de la protection de l’enfance ».
(2) Les conditions de reconnaissance du « délaissement parental » et ses conséquences pour l’enfant – Disp. sur