Une souris et des femmes

Une petite souris s’est faufilée dans un atelier de formation du Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF) de Bordeaux(1). Elle se fait invisible pour suivre, durant huit mois, 12 femmes souhaitant reprendre une activité professionnelle. En situation précaire, souvent sans emploi depuis plusieurs années, elles sont là, avec leurs doutes, leurs illusions, pour construire un projet professionnel, créer leur entreprise ou simplement retourner à un emploi salarié. La petite souris se fait un peu plus présente pour demander à chacune d’elles de raconter son histoire personnelle. Alors que celles-ci estiment n’avoir « rien à dire », en les interviewant, le rongeur masqué les hisse en véritables héroïnes. Elles apprennent peu à peu à reprendre confiance en elles, mais aussi à abandonner certaines illusions. Car si ces femmes ont comme point commun la motivation, cela ne suffit pas toujours. « Avoir été mère au foyer est comme un boulet aux pieds », s’agace une stagiaire qui parle quatre langues et collectionne les refus des recruteurs.

Derrière la petite souris se cache la bédéiste Sandrine Revel, auteure d’une vingtaine d’ouvrages et féministe dans l’âme. Elle est venue à l’atelier à l’invitation du CNIDFF, afin de dessiner les envies, les freins, le désir d’avancer malgré tout. Passer du temps avec ces femmes en voie de resociabilisation lui a permis de s’interroger sur sa condition d’artiste et de femme. Elle en a tiré une BD passionnante, en noir et blanc, proche du documentaire. Sandrine Revel a su s’imprégner du vécu de ces femmes pour mieux nous livrer son ressenti personnel, à travers des dessins sobres qui mettent en valeur ses interlocutrices et leurs propos.