Ghetto. Le mot est fort, mais Luc Bronner, journaliste au quotidien Le Monde, n’hésite pas à le marteler. « Oui, ghetto français, parce que la situation dans les quartiers n’a jamais cessé de se dégrader depuis vingt ans », écrit-il en conclusion de ce livre où il nous invite à le suivre au cœur de ces cités qu’il connaît bien pour les avoir beaucoup parcourues pour son journal. La loi du ghetto, c’est d’abord un récit à la première personne dans lequel l’auteur relate des rencontres, des situations, des événements parfois dramatiques vus à hauteur d’homme. Mais c’est surtout un véritable travail d’enquête nourri d’interviews, de lectures, de chiffres. Son objectif : donner à voir les logiques, les tensions et les rapports de force à l’œuvre dans ces zones de relégation où rien n’est jamais aussi simple qu’on voudrait le croire(1). Luc Bronner évoque ainsi la place d’un « bizness » qui relève souvent d’une économie de survie, l’existence de frontières urbaines invisibles mais tellement présentes dans les têtes, l’instrumentalisation réciproque des médias et des forces de l’ordre, la concentration alarmante des familles d’origine étrangère au sein des quartiers en difficulté, la prise de pouvoir des quartiers par les jeunes et la résignation des adultes… Surtout, on touche du doigt la souffrance sociale de ces populations reléguées, coupées du monde dans des cités dont elles n’ont plus guère l’espoir de sortir. Alors que faire ? Soulignant « l’inefficacité de la réponse policière et judiciaire » et « la grande faiblesse de la politique de la ville », Luc Bronner propose de parier sur les habitants eux-mêmes. Et plutôt que de les stigmatiser, de les aider à reprendre un pouvoir perdu en s’organisant sur leur propre territoire. Avant qu’il ne soit trop tard.
La loi du ghetto. Enquête dans les banlieues françaises – Luc Bronner – Ed. Calmann – Lévy – 17 €
(1) Voir l’interview d’Etienne Liebig, p. 42.