« Écouter la parole des jeunes, grands absents du débat public »

Tout est parti il y a trois ans d’un constat partagé entre le Synami, Bertrand Schwartz et plusieurs missions locales sur la perte de notre mission d’accompagnement global au profit d’une logique de dispositifs faisant de nous des guichets distribuant des mesures. Alors que nos missions sont nées il y a près de 30 ans, il nous semblait nécessaire d’élaborer des propositions pour refonder l’insertion des jeunes sur les territoires à partir de principes d’action tirés de ce qui donne du sens à notre intervention. La première étape a consisté, avec quatre missions locales, à identifier ce qu’il faut absolument changer. Pendant un an, cette réflexion a été alimentée par des entretiens avec 300 salariés, des réunions régionales, des rencontres avec des administrateurs et des jeunes. De cette « phase d’écoute » est sorti un premier document qui, diffusé en avril 2008, proposait trois leviers d’action : faire entendre ce que vivent les jeunes dans les missions locales pour tenir compte de ce qu’ils disent de leurs difficultés ; développer des partenariats productifs pour répondre à des besoins dépassant le seul problème de l’emploi et mettre en œuvre localement des actions collectives ; accompagner la phase d’intégration des jeunes dans les entreprises. Nous avons choisi de nous concentrer, dans un premier temps, sur ce qui nous paraît le plus important : écouter la parole des jeunes, grands absents du débat public. C’est la démarche la plus difficile – malgré les discours, personne n’a encore réussi à le faire ! –, mais aussi la plus prometteuse.

Il y a un an et demi, la mission locale de Poitiers a engagé une expérimentation locale avec des partenaires (centres sociaux, foyers de jeunes travailleurs, clubs de prévention, centres de jeunesse…) pour améliorer l’écoute des jeunes sur l’agglomération. Des professionnels ont analysé la façon dont ils prennent en compte leur parole et un groupe de jeunes a été constitué pour la recueillir et organiser des débats. Martin Hirsch, alors au gouvernement, nous a apporté un soutien financier pour pérenniser et étendre cette démarche sur quatre autres territoires avec les missions locales de Salon-de-Provence, Aubenas, Maubeuge et Reims. A Salon-de-Provence, le projet, qui s’appuie sur l’outil audiovisuel, vise à rendre compte des représentations que se font les jeunes des entreprises et celles que les employeurs ont des jeunes et à changer les regards. A Reims, il porte sur le rapport entre le public et les acteurs d’un quartier. Pourquoi les jeunes ne viennent pas vers les institutions ? Comment y remédier ? Nous partons de ce que nous voulons changer, nous formulons des hypothèses et puis les mettons en pratique pour analyser leurs effets.

Des comités de pilotage réunissant aussi les partenaires ont été mis en place pour chaque projet, soumis à une évaluation territoriale. Vincent Merle, professeur au Conservatoire des arts et métiers, est chargé de l’évaluation nationale. Nous nous réunirons les 21 et 22 juin pour tirer un premier bilan. Dans le cadre de la recherche-action, nous faisons aussi des propositions pour favoriser une approche territoriale de l’insertion des jeunes. Nous demandons le droit à l’expérimentation et à la dérogation pour ne plus être tenus par les dispositifs publics ! Si les professionnels arrivent à modifier leurs pratiques sur un territoire, ce qui est déjà le cas dans les projets engagés, il faudra en tirer les enseignements.