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Pensions des anciens combattants résidant à l’étranger : la nationalité ne peut plus justifier une différence de traitement

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Le Conseil constitutionnel a tenu, le 25 mai, la première audience publique de son histoire pour examiner deux « questions prioritaires de constitutionnalité », conséquence de la réforme permettant aux justiciables de saisir les sages (1). L’une d’elles portait sur le niveau des pensions militaires versées par la France aux ressortissants de pays et territoires qui étaient autrefois sous sa souveraineté et résidant à l’étranger. Des pensions pour la plupart moins élevées que celles des pensionnés français résidant dans les mêmes pays étrangers. Au final, au nom du principe d’égalité, la Haute Juridiction a déclaré inconstitutionnelles les dispositions contestées, à savoir : l’article 26 de la loi de finances rectificative pour 1981, l’article 68 de la loi de finances pour 2002 et l’article 100 de la loi de finances pour 2007. Les sages ont toutefois décidé que l’abrogation de ces trois articles ne prendra effet qu’à compter du 1er janvier 2011. D’ici là, le législateur devra prendre de nouvelles dispositions et en étendre le bénéfice à tous ceux dont les affaires sont en instance.

La source du litige remonte à 1959. Le gouvernement de l’époque avait décidé de « cristalliser » – c’est-à-dire geler – les pensions et retraites des anciens combattants des ex-colonies, laissant ainsi se creuser un écart entre les sommes versées à ces derniers et celles versées aux anciens combattants français. Une inégalité de traitement entérinée en 1981, avant qu’en 2002 (2), puis en 2006 (3) après la sortie du film Indigènes, deux réformes ne tentent de remédier partiellement à la situation. Sans toutefois aller suffisamment loin, aux yeux des membres du Conseil constitutionnel.

Le fait est que les dispositions combinées de l’article 26 de la loi de finances rectificative pour 1981 et de l’article 68 de la loi de finances pour 2002 ont pour objet de garantir aux titulaires de pensions civiles ou militaires de retraite qui résidaient à l’étranger au moment de l’ouverture de leurs droits des conditions de vie, dans leur pays de résidence, en rapport avec la dignité des fonctions exercées au service de l’Etat. Or, explique la Haute Juridiction, elles prévoient des conditions de revalorisation différentes de celles prévues par le code des pensions civiles et militaires de retraite et donc, ce faisant, laissent subsister une différence de traitement avec les ressortissants français résidant dans le même pays étranger. Ce qui est contraire à la Constitution.

Plus précisément, aux yeux des sages, le législateur pouvait fonder une différence de traitement sur le lieu de résidence en tenant compte des différences de pouvoir d’achat… mais il ne pouvait établir, au regard de l’objet de la loi, de différence selon la nationalité entre titulaires d’une pension civile ou militaire de retraite payée sur le budget de l’Etat ou d’établissements publics de l’Etat et résidant dans un même pays étranger.

Autrement dit, le Conseil constitutionnel récuse toute différenciation fondée sur la nationalité, tout en reconnaissant que les pensions peuvent diverger selon le pays de résidence, en raison des différences de pouvoir d’achat.

Les sages abrogent de la même façon l’article 100 de la loi de finances pour 2007, qui faisait apparaître une différence de traitement fondée sur la nationalité – et donc injustifiée – entre Algériens et ressortissants des autres pays ou territoires ayant appartenu à l’Union française ou à la Communauté ou bien encore ayant été placés sous le protectorat ou la tutelle de la France.

Le secrétaire d’Etat à la défense et aux anciens combattants, Hubert Falco, a déclaré dans un communiqué qu’il « s’emploiera à rédiger de nouvelles dispositions législatives […] afin de faire respecter le principe d’égalité ».

[Décision du Conseil constitutionnel n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, J.O. du 29-05-10]
Notes

(1) Ce dispositif permet à tout justiciable, à l’occasion d’un procès intenté devant n’importe quelle juridiction administrative ou judiciaire, de saisir indirectement (via la Cour de Cassation ou le Conseil d’Etat) le Conseil constitutionnel afin qu’il statue sur la conformité de dispositions législatives aux droits et libertés garantis par la Constitution – Voir ASH n° 2649 du 5-03-10, p. 19 et n° 2656 du 23-04-10, p. 13.

(2) La loi de finances pour 2002 a revalorisé les pensions versées aux anciens combattants des anciennes colonies, dans des conditions fixées par pays. Une revalorisation qui n’a toutefois pas mis fin aux inégalités – Voir ASH n° 2466 du 25-08-06, p. 14.

(3) La loi de finances pour 2007 a prévu un alignement partiel par rapport aux Français puisqu’elle a décristallisé uniquement les « prestations de feu », c’est-à-dire les retraites de combattants – distinctes des pensions militaires de retraite et versées au titre de la détention de la carte de combattant – ainsi que les pensions militaires d’invalidité – Voir ASH n° 2500-2501 du 30-03-07, p. 23.

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