A la demande de travailleurs sociaux, en 2008, deux écrivains se sont rendus en prison durant plusieurs mois pour recueillir les témoignages et raconter les histoires de détenus rarement écoutés, les détenus « sans papiers ». Sylvie Granotier et Michèle Lesbre placent d’emblée les termes entre guillemets. « Comme si c’était le fondement d’une quelconque identité », regrettent-elles, cherchant pourtant un point commun entre ces hommes. C’est leur « souplesse d’adaptation » qui les frappe d’abord, cette facilité à apprendre les langues des pays traversés. Cette absence de plainte aussi. « On prend des risques, on assume », résument les auteures. Elles parlent pour Kadri, Mauritanien, qui est passé par l’Allemagne avant de trouver un travail à Strasbourg avec de faux papiers. Un soir, il a bu, et s’est battu. Douze mois de prison. Elles parlent pour Sambo, Yueming, Baroudi, Pékini et les autres, qu’elles rencontrent en petits groupes, régulièrement. Eux racontent leur périple, leurs angoisses, leurs désillusions, les échecs et les nouveaux départs. Leur organisation en prison aussi. Puis les contes de leurs pays, leurs familles, leurs rêves.
La prison n’est qu’un prétexte, ce sont les parcours de vie qui intéressent les deux auteures. Sylvie Granotier et Michèle Lesbre voulaient agir, plutôt que de « pester dans [leur] cuisine ». La mise en scène de leurs surprises, de leur révolte peut parfois lasser. Mais, au fil des pages, c’est un univers méconnu qui apparaît, délicatement et précisément dépeint.
Mais d’où venez-vous ? – Sylvie Granotier et Michèle Lesbre – Ed. du Seuil – 15 €