Les maires de banlieue sont déçus et en colère. Alors qu’ils espéraient des mesures concrètes et un calendrier de mise en œuvre à l’occasion de l’installation, le 25 mai, du Conseil national des villes, François Fillon a annoncé un projet de loi afin de réformer la politique de la ville… pour 2011 (voir ce numéro, page 5). Tous les chantiers sont repoussés afin que le gouvernement soit en mesure, selon le Premier ministre, de préparer une réforme ambitieuse et d’« avancer de façon cohérente ». « En bref, la réforme de la ville est tellement importante qu’elle peut encore attendre, ironise l’Association des maires Ville et banlieue de France (AMVBF). La réforme de la géographie prioritaire : tellement ambitieuse qu’elle doit être reportée, alors que les travaux sont terminés depuis un an. Et les ZUS [zones urbaines sensibles] mal calibrées resteront mal calibrées ! » Quant aux contrats urbains de cohésion sociale, prorogés jusqu’à la fin 2011, « ils risquent bien de courir d’avenant en avenant jusqu’au prochain mandat municipal » ! Les élus ne retiennent que la promesse de François Fillon de maintenir la dotation de solidarité urbaine au même niveau qu’en 2010, et encore est-elle très imprécise.
A la sortie de Matignon, bon nombre de maires étaient ainsi défaits. « A titre personnel, je n’ai pas envie de continuer au Conseil national des villes », lâchait Claude Dilain, maire (PS) de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) et président de l’AMVBF. « Faudra-t-il de nouvelles émeutes pour que les pouvoirs publics s’intéressent à nos villes et à ceux qui y vivent ? Il ne s’agit pas seulement de délinquance, des trafics ou de la violence qui, seuls, parviennent à capter l’attention des médias. Au-delà de l’insécurité, inacceptable, nous subissons, et chaque jour davantage, l’enclavement, le chômage, l’échec scolaire, le mal-logement et une pénurie des services publics », écrivait-il dans une pétition, signée par 46 maires et publiée le 22 mai dans Le Journal du dimanche. « La Seine-Saint-Denis est au bord de la crise de nerfs » et ses habitants se sentent abandonnés, expliquait le même jour, dans une interview au journal Le Monde, Claude Bartolone, président (PS) du conseil général.
Cela fait des mois que les maires de banlieue ont le sentiment d’interpeller en vain le gouvernement sur la nécessité d’agir. C’est ainsi que l’AMVBF, l’Association des communautés urbaines de France et l’Association des maires de grandes villes de France avaient adressé, fin avril, à François Fillon, avec demande d’audition, leur « manifeste pour une réforme de la politique de la ville » (1). N’ayant obtenu aucune réponse, les élus locaux ont fini par rendre public, le 20 mai dernier, ce document, qui décline huit grands objectifs « pour relancer une politique de cohésion sociale urbaine ambitieuse », et renouvelé leur souhait d’être reçus dans les meilleurs délais afin d’engager des discussions approfondies. La secrétaire d’Etat à la ville, Fadela Amara, qui avait elle-même écrit au Premier ministre, le 30 avril, pour déplorer des retards dans la réforme de la politique de la ville, n’aura pas non plus réussi à convaincre. « Tant attendue, l’installation du Conseil national des villes par le Premier ministre doit être l’occasion d’une mobilisation politique en faveur des banlieues », écrivait Claude Dilain dans sa pétition. Il devra encore attendre.