Comme prévu et malgré les « fortes incertitudes constitutionnelles » qui, selon le Conseil d'Etat, pèsent sur le texte(1), la garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie, a présenté le 19 mai en conseil des ministres son projet de loi « interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public ». Un texte destiné à interdire en particulier le voile intégral, même s'il n'est pas formellement visé dans son intitulé. Son examen s'annonce beaucoup moins consensuel que la résolution parlementaire adoptée à la quasi-unanimité le 11 mai dernier à l'Assemblée nationale(2). Son parcours parlementaire devrait débuter en juillet prochain.
Le projet de loi énonce clairement le principe dès son premier article : « nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage ». Cette règle, explique l'exposé des motifs, « traduit l'attachement de la Nation à un modèle social fondé sur le respect de la dignité de la personne et sur une ouverture à l'autre, sans distinction d'origine, de sexe, de religion, ni d'opinion ». Or « ces valeurs ne peuvent être valablement garanties si l'on refuse de montrer son visage à autrui ».
Le texte, qui a vocation à s'appliquer « sur l'ensemble du territoire de la République, en métropole et outre-mer », précise la nature des lieux qui composent l'espace public : il s'agit des voies publiques ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un service public. Autrement dit, explique l'exposé des motifs, l'ensemble des lieux ouverts à la vie sociale sont visés.
Des motifs légitimes pouvant justifier une dissimulation – « limitée dans le temps », précise l'exposé des motifs – du visage devraient toutefois être admis. Ainsi, l'interdiction ne devrait pas s'appliquer « si la tenue est prescrite par une loi ou un règlement, si elle est autorisée pour protéger l'anonymat de l'intéressé, si elle est justifiée par des raisons médicales ou des motifs professionnels, ou encore si elle s'inscrit dans le cadre de fêtes ou de manifestations artistiques ou traditionnelles ».
Les contrevenants devraient encourir une amende d'un montant maximal de 150 € (contravention de 2e classe), laquelle pourrait être remplacée ou accompagnée par un stage de citoyenneté.
La loi ne devrait entrer en vigueur que six mois après sa promulgation afin, indique l'exposé des motifs, de « préparer l'application effective de la règle par un effort de pédagogie à l'attention des personnes concernées ». Ainsi, espère le gouvernement, « certaines des femmes qui portent le voile intégral pourront y renoncer spontanément ».
Le projet de texte crée par ailleurs un délit d'atteinte à la dignité de la personne humaine, passible de un an de prison et de 15 000 € d'amende, pour quiconque contraindrait une personne, en raison de son sexe et « par menace, violence ou contrainte, abus de pouvoir ou abus d'autorité », à se dissimuler le visage.
Il prévoit enfin que le gouvernement remettra au Parlement un rapport sur l'application de la loi 18 mois après la publication de celle-ci. « Ce rapport, explique l'exposé des motifs, aura notamment pour objet d'examiner les conditions pratiques de mise en œuvre de la loi et de faire un premier bilan de son efficacité dans la défense de la dignité de la personne et la préservation du lien social ».
(1) Voir ASH n° 2653 du 2-04-10, p. 18.
(2) Voir ASH n° 2659 du 14-05-10, p. 20.