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Sans-abri dans les cases

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Trois éditeurs proposent quasi simultanément des albums sur le thème des SDF. Soit trois BD totalement dissemblables qui nous plongent dans l'absurdité de leur univers.

Hasard du calendrier ou sujet « à la mode », trois dessinateurs de bande dessinée ont publié ces derniers mois des albums mettant en scène les sans-abri. Ils ont néanmoins choisi des approches opposées pour poser leur regard sur le monde de la rue. Le Borgne, scénariste, dessinateur et coloriste, a opté pour l'humour dans sa première œuvre, publiée chez Fluide Glacial, dans la veine de Reiser. L'humour noir, cynique, limite même, mais à tordre de rire quand il dépeint de son trait un peu sale ses SDF, héros comiques qui philosophent assis sur leurs bouches d'égout. « Quand l'appétit va, tout va ! », s'exclame un passant devant un clochard anonyme tenant un panneau « J'ai faim ». Dès la couverture de Si Doux Foyer, le ton est donné. L'auteur tire à boulets rouges sur les sans-domicile-fixe, mais aussi sur ceux qui ne le sont pas mais le seront peut-être un jour… Chaque histoire – une trentaine de saynètes – est titrée par un jeu de mots sur la base du sigle SDF : « Séries de Déconvenues Financières », « Soulageons la Détresse des Faibles », « Salon Douillet et Feutré », ou le très juste « Sens De la Fête ». Le tout se passe à Paris, sous le périphérique ou devant un distributeur de billets.

Dans Happy slapping, les rues parisiennes sont beaucoup plus sombres et ce n'est pas seulement dû au trait en noir et blanc du dessin : en adaptant le court roman Bird de Marc Villard (Ed.Joëlle Losfeld), Jean-Philippe Peyraud, le plus rodé des trois, a illustré un polar violent et sanglant, qui ne laisse aucun espoir aux sans-abri,? victimes jusqu'au bout. Ex-toxicomane, Cécile travaille au SAMU social. Elle est à la recherche de son père, un ancien musicien de jazz, surnommé Bird, qui vit dehors. Au moment des retrouvailles, Bird assiste par hasard à un happy slapping (1) commis par un groupe de jeunes bourgeois – dont le fils du maire, en campagne pour sa réélection. Et le politicien lance un tueur vicieux sur les traces du témoin gênant… On quitte la capitale – et la fiction – pour entrer dans l'univers de Hosni-SDF+, porte-parole des anonymes. Ce récit est né d'une rencontre dans les rues de Lyon entre Maximilien Le Roy, jeune et prolifique auteur de BD – il vient de publier Nietzsche avec Michel Onfray (éd. Le Lombard) et Faire le mur sur les réfugiés de Cisjordanie (éd.Casterman) – et Hosni, sans-abri. En usant de ses crayons comme d'un dictaphone, le bédéiste a mis en images son témoignage cru, alternant les cases en couleur (le présent) et celles en bichromie (les sept années passées à la rue). Ni héros ni victime, Hosni raconte en voix off la survie, le froid, la peur, la solitude, l'angoisse… et le seul camarade fidèle qu'est l'alcool.

Les trois œuvres sont des réussites. Par le rire, par l'angoisse et par le documentaire, chacune aborde à sa manière le « syndrome de la rue » et « la lutte des crasses »… des 100 000 sans-abri recensés en France.

Si Doux Foyer – Le Borgne – Ed. Fluide glacial – 9,95 €

Happy slapping – Jean-Philippe Peyraud (dessin) et Marc Villard (scénario) – Ed.Casterman – 17 €

Hosni-SDF + – Maximilien Le Roy – Ed. La boîte à bulles – 13,50 €

Notes

(1) Pratique consistant à filmer l'agression physique d'une personne à l'aide d'un téléphone portable.

Culture

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