C’est une brèche qu’a ouverte la Cour de cassation pour les victimes de l’amiante en leur reconnaissant pour la première fois, dans plusieurs arrêts rendus le 11 mai, le droit d’invoquer un préjudice d’anxiété. En revanche, elle a exclu tout droit à réparation de la perte de revenu liée à la mise en œuvre du dispositif de préretraite amiante.
Dans cette affaire, une vingtaine de salariés d’une entreprise inscrite sur l’une des listes établies par arrêté ministériel ouvrant droit au dispositif de préretraite amiante ont présenté leur démission pour pouvoir prétendre à ce dispositif et bénéficier de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA). Ils ont ensuite saisi la juridiction prud’homale afin que celle-ci reconnaisse la rupture de leur contrat de travail comme étant la conséquence de l’exposition fautive par l’employeur à l’amiante et pour demander la réparation de leur préjudice correspondant à la différence de revenus entre leur salaire et le montant de l’ACAATA, ainsi qu’une somme au titre du préjudice d’anxiété.
Sur la première demande, la cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 7 avril 2009, avait accédé à la demande des salariés. Une solution que la Cour de cassation n’a pas retenue, rappelant que l’ACAATA vise à compenser la perte d’espérance de vie. Selon elle, en effet, lorsque le salarié a présenté sa démission à son employeur pour pouvoir prétendre à ce dispositif et qu’il y a été admis, il n’est « pas fondé à obtenir de l’employeur fautif, sur les fondements de la responsabilité civile, réparation d’une perte de revenu résultant de la mise en œuvre du dispositif légal ». En d’autres termes, en faisant le choix de bénéficier de la préretraite amiante, les salariés ont accepté en connaissance de cause une baisse de leur revenu. Dès lors, ils ne pouvaient pas se prévaloir de ce préjudice. La Haute Juridiction a donc cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux et renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Toulouse.
En revanche, la Cour de cassation a confirmé la position des instances précédentes en ce qu’elles ont admis que les victimes pouvaient demander des dommages et intérêts en réparation d’un préjudice d’anxiété. En effet, pour la Haute Juridiction, ce préjudice est bel et bien établi au motif que les salariés « se trouvaient par le fait de l’employeur dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante, et étaient amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse ». Une décision « très importante », a souligné l’Andeva (Association nationale de défense des victimes de l’amiante) dans un communiqué du 11 mai, d’autant qu’environ 32 000 personnes percevaient l’ACAATA en janvier dernier. Reste pour les juridictions, sans nul doute prochainement saisies, à évaluer ce préjudice d’anxiété… Préjudice que la cour d’appel bordelaise a, elle, chiffré à 7 500 € par personne.
[Cass. soc., 11 mai 2010, n° 09-42.241 à 09-42.257, disponible sur